Laissez-les jouer!

C’est le festival des yeux rougis et des épaules qui tressautent

C’est le festival des yeux rougis et des épaules qui tressautent sous la force des sanglots. Dans une boîte, un corps. Une personne aimée. Adorée. Partie trop jeune. Beaucoup trop jeune.

Il fait froid dans la salle et dans nos cœurs. On ressent le vide immense laissé par cet être cher. On gèle… Plus tard, à la réception, on aura la force de se remémorer quelques anecdotes plus rigolotes. Le son de son rire. Ses rêves d’enfance. Et ceux qu’elle avait pour ses enfants. Devenus orphelins.

Mais pour l’instant, on observe le silence rituel. On chuchote nos condoléances. On entend le voisin se moucher, discrètement. On regarde le plancher parce qu’au moins, lui ne nous fait pas pleurer. L’atmosphère est lourde.

Et puis, il y a ces enfants qui jouent à la cachette entre les chaises. Les plus jeunes qui chevauchent les épaules des plus vieux. Une table avec des cahiers à colorier, quelques collations. Un enfant endormi au creux d’un fauteuil. Il est capable d’oublier ce qui se passe à l’instant, le chanceux… Un bébé qui réclame bruyamment son lait ou sa routine.

Il fut un temps où petits et grands avaient la même obligation lors des cérémonies mortuaires. À genou, debout, chut! Contenance obligatoire. Comme si le deuil faisait vieillir de vingt ans. Mais plus maintenant.

J’ai tellement passé de temps dans les salons funéraires que je m’y sens chez moi. Et chaque fois, je remarque les yeux embués qui s’illuminent quand un enfant reste un enfant. Je remarque la tension qui baisse de quelques échelons dès qu’un jeune parent entre dans la pièce avec son bébé. Je vois les regards soulagés de pouvoir observer les enfants qui jouent au lieu de n’avoir que le cercueil comme seul point de mire. Je vois les sourires au milieu des larmes. À la vue des enfants, on se souvient que la vie continue…

Je n’amènerais pas mes enfants « pour le fun » dans un salon mortuaire ou dans des funérailles, mais je ne m’empêcherai jamais de les y amener pour une personne proche ou s’ils demandent de m’accompagner. Et surtout (dans les limites du raisonnable, bien sûr!), je ne les empêcherai jamais d’être des enfants.

Au salon comme partout, les enfants ont un pouvoir magique : celui de s’ancrer dans le moment présent et de faire sourire les gens.

Nathalie Courcy