J’ai blessé mon enfant!
C’est l’été, on est au magasin d’artisanat. On a eu l’idée de faire de beaux bracelets! Moi qui souhaite que mes filles finissent par oublier cette chaleur accablante, je scrute tous les petits articles qui pourraient leur faire plaisir. Nous payons et sortons de la boutique. La pluie se met à tomber de façon torrentielle. Je mêle la pluie au plaisir : « Courons jusqu’à la voiture. La première arrivée gagne! » J’ai bien l’intention d’arriver la première. Pas pour gagner, mais pour ne pas que mes cheveux frisent (ben oui, je suis fier-pet!) Je suis bien la première, mais je prends mon temps pour refermer ma portière. Grande-fille et mini-fille ne sont pas loin derrière. J’entends une portière se fermer. Je ferme donc la mienne également (ouf, je n’ai pas gagné!). J’entends mini-fille avec une voix complètement en panique crier « MAMAN, MAMAN…. MAMANNNNNN! » Je tourne mon regard vers la gauche de ma portière et je vois…… ses doigts coincés dans ma portière!!!!!!
J’ai coincé la main de ma fille dans la portière……..
Je perds complètement le contrôle de moi-même. Je saute hors de la voiture (mes cheveux ne me dérangent plus du tout) et je prends ma fille dans mes bras. Je pleure, je hurle, j’hyperventile. Je viens de blesser mon enfant. Sa petite main toute douce est rouge et couverte des plis de ma *&? % $! de porte de voiture. Je réalise que je suis à exactement deux minutes de l’hôpital. On fonce vers l’urgence. Je m’en veux tellement. Ma cocotte qui me dit : « Maman, arrête de pleurer, j’ai pas mal! » Je n’en crois rien. Je suis certaine que je lui ai bousillé la main. Grande-fille s’occupe bien de sa sœur en arrière. Elle aura été mon pilier tout au long de cette journée. Son calme et l’empathie qui la définissent si bien auront été un baume sur mon cœur. On arrive à la salle de triage, on avance vers l’infirmière et je dois lui dire…
Je dois lui dire que j’ai blessé mon enfant. Mon égo ne fait plus partie de moi. Tout ce que je souhaite, c’est que ma fille soit prise en charge. Ma fille répète qu’elle n’a pas mal. L’infirmière la manipule et encore, elle ne souffre pas. L’hypothèse de l’adrénaline qui fait qu’elle n’a pas de douleur est soulevée, mais il faut absolument voir le médecin. L’attente commence…
Après deux heures d’attente, mes filles sont à bout. Leur journée bijoux est loin de ce qu’elles espéraient. Je réussis à appeler chéri mari pour lui annoncer que pour garder mes cheveux lisses, j’ai fermé la portière sur la main de sa fille. Il a eu les bons mots pour moi. Pour me réconforter, il est le chef! Je vais à la salle de bain et je vois ma tête, on repassera pour les cheveux lisses. Mes vêtements étant passés à l’orage, ma tête de boule noire blonde, mon mascara qui me sert presque de rouge à lèvres tellement j’ai pleuré. J’ai une mine épouvantable. Mais, j’ai blessé ma fille…
Notre attente durera cinq heures. C’est probablement le temps qu’il me fallait pour moralement me reconstruire. Le nom de mini-fille est prononcé. Le médecin nous accueille et la première chose qu’il dit en me voyant est : « Vous savez madame, j’ai moi‑même coincé la main de mon fils dans la portière de ma caravan. Ce sont des choses qui arrivent, il ne faut pas s’en vouloir pour cela. C’est un accident. »
Ma fille n’avait absolument rien, niet, nada. Il paraît que ma voiture possède de très bons rubber. Je ne la croyais pas lorsqu’elle disait que tout allait bien. J’étais bien trop occupée à me faire le pire procès inimaginable. Rien du tout, tout était intact. Je me suis blessée encore plus qu’elle n’a pu souffrir. J’ai constaté que j’avais été ma pire ennemie du jour. Que j’ai la tendance à être d’une dureté envers moi extrême. Je me suis aimée profondément quelques instants. Nous sommes reparties très tard de l’urgence avec, cette fois-ci, un sourire sur mes lèvres…
Martine Wilky