Saluer l’arrivée du Nouvel An toute seule comme un creton
Cette année, j’étais seule le 31 décembre à minuit.
<p sCette année, j’étais seule le 31 décembre à minuit.
Ça ne m’est jamais arrivé en quarante ans. Je dois apprivoiser la chose.
Je peux passer go sur le party du jour de l’An sans trop de peine. Ça vire souvent en soirée de télévision de toute manière. Je suis capable de regarder les émissions de fin d’année toute seule comme une grande.
La bonne bouffe en bonne compagnie me manquera, les rires autour d’une coupe de bulles aussi. J’ai hésité jusqu’à la dernière minute entre une soupe en conserve et un repas brie-saumon fumé-pain frais maison et brownie décadent. Et le Bye Bye avait intérêt à être vraiment crampant pour me faire rire. J’aurais plus feelé pour regarder Réellement l’amour en vidant une boîte de mouchoirs. Mais ç’aurait été du masochisme émotionnel.
Ce qui m’a manqué, surtout, ce sont mes enfants, les étincelles dans leurs yeux excités de pouvoir veiller jusqu’au milieu de la nuit, le premier câlin de 2020, les souhaits de bonne fée murmurés à leur oreille une fois qu’ils sont endormis. Mais bon. J’avais la chance d’être avec eux à Noël. Je suis mal placée pour chialer! L’appel téléphonique de ma belle ado à minuit pile a mis un baume sur mon cœur. Un petit crémage en sucre à la crème qui apaise.
Je peux aussi me passer de la route à faire. Je suis déménagée de chez ma mère à dix‑sept ans. Si on fait un savant calcul, ça fait vingt-trois ans que je suis sur la route non-stop dans le temps des fêtes. J’ai conduit douze heures dans le temps de Noël, sans compter les trois appels pour faire survolter la voiture à -37. Donc là, je n’étais pas fâchée de rester dans mon nid. Au chaud. Et de dormir dans mon lit. J’ai dû m’imaginer que mes enfants venaient m’y rejoindre le 1er janvier pour une séance de chatouilles.
Je suis douce-amère en pensant à cette nuit de transition annuelle. C’est juste une date. Une occasion de faire le bilan et de prendre des résolutions, ce que je fais plutôt à l’année. Le choc des prises de conscience est moins pire quand on le fait au fur et à mesure. Je me retrouve avec du temps de congé, sans aucune obligation, même pas la pression de me mettre sur mon 36. Ma grosse robe de chambre rose en polar et mes bas turquoises pas assortis du tout étaient parfaits. Et confortables.
Ils ont été parfaits avec le foyer, la télécommande, de la musique (out, les rigodons!) et mon kit d’art-thérapie. Des découpures de magazines, des pinceaux, des crayons, de la colle, des cartons multicolores. Mes cartes de tarot et de pensées positives, pour m’inspirer. Mon journal. Et quelques numéros de téléphone au cas où le vague à l’âme m’aurait pris.
En cette nuit du jour de l’An, j’ai eu une pensée lumineuse pour tous ceux et toutes celles qui, comme moi, ont salué l’arrivée de 2020 tous seuls comme des cretons. (Oui, je sais, cette expression n’a pas d’allure! Mais qui sait comment le plat de creton se sent, tout seul dans le frigo?) Le 2 janvier, la vie normale a repris pour moi. Le travail, l’horaire de garde des enfants, la routine. J’aurai pris un temps d’arrêt nécessaire. J’aurai même eu le temps de peinturer mon sous-sol (faut bien que je m’occupe l’esprit quand mes oisillons me manquent!) Et je retrouverai bientôt mes poussins d’amour.
Pour d’autres, la solitude durera au-delà de cette nuit. Certains ont dit adieu à une personne aimée dans les derniers temps. Certains sont seuls à l’année. Certains vivent loin des leurs et doivent se fier à Facetime pour voir leurs proches devenus loin. Pour eux, la question n’est pas de savoir comment occuper ces quelques heures plus émotives. Il s’agit d’apprendre à vivre avec l’absence, la solitude ou la perte. À ceux-là, à celles-là, je souhaite une année 2020 sereine et douce. Aux autres aussi. On le mérite tous, n’est-ce pas?
Nathalie Courcy