Le grand départ
L’idée m’est apparue sournoisement, entre deux biberons. Une envie d’aventure, ça arrive à tout le monde je crois, surtout lorsque ta routine est empreinte de visites chez le docteur avec tes poupons, de coliques interminables, de fatigue avec un grand F et de manque absolu de temps à deux. Une envie d’aventure, de grande aventure, ça se nourrit de paysages pittoresques, de repas locaux hallucinants et de selfies du haut d’une montagne. L’idée me tenait en vie, en quelque sorte, c’était mon refuge, mon “happy place”, là où je pouvais me réfugier l’espace d’un dodo en rêvant à toutes ces choses que je voulais découvrir et tous ces sols que j’avais envie de fouler.
En entendant le médecin nous dire que Félix ne vivrait pas plus longtemps que trois ans, l’idée est devenu plus forte. On se disait, mon mari et moi, que si nous allions devoir nous préparer au pire et accepter la mort de notre enfant, pourquoi ne pas le faire ailleurs… Pourquoi ne pas le faire en étant heureux? On se disait : “On devrait partir! On devrait tout vendre, tout quitter, emmener les jumeaux à l’aventure avec nous! On devrait prendre le risque!” Mais bon, entre un rêve et un projet il y a toute une marge de manœuvre à contrôler et surtout, à planifier…
Et puis, après avoir tenté le tout pour le tout et arrêté la médication de Félix pour commencer un traitement “maison” à l’huile de chanvre (cbd), le miracle est arrivé: Félix a pris du mieux!
C’est là que l’idée est devenue si forte qu’on aurait dit qu’elle criait.
Pourquoi rester? Mon mari qui travaille comme un fou 50/60 heures par semaine en plus des 75 minutes de transport qu’il se tape matin et soir, alors que je suis a la maison seule avec les jumeaux, au Texas en plus! Pourquoi rester dans cette maison que nous rénovons depuis deux ans, loin de nos familles respectives (lui du Tennessee, moi du Québec) et regarder nos vies filer devant nous? Pourquoi? Par insécurité? Pas peur? Par habitude? Alors paf comme ça, on a mis la maison sur le marché par nous-mêmes et nous nous sommes dits que si la maison se vendait en six mois, on partait à l’aventure… Nous l’avons vendue au deuxième visiteur!
Forts des 60 jours sans convulsion/crise de Félix, on a tout trié, empaqueté, vendu, donné, entreposé et compartimenté! On a fait des piles, des listes longues comme le bras (ceux de mon chum parce que les miens ne sont pas très longs). Et le 18 mai 2016, après avoir passé la semaine à partager nos effets personnels entre l’entrepôt et le centre de dons, la seconde où nous sommes sortis du notaire, nous embarquions joyeusement dans la minivan débordante de vêtements, de biberons, de couches et de livres. Direction aventure!
Des jumeaux qui ont célébré leur premier anniversaire le 8 juin et des parents qui ont quitté leur travail et leur domicile pour leur en faire voir de toutes les couleurs! Un mois plus tard, alors que nous venons d’arriver à Taos au Nouveau-Mexique pour y passer la semaine, n’en revenant toujours pas d’avoir réussi à trouver le courage de tout quitter, je crois avoir enfin trouvé la paix. La grande Paix! Celle qui te fait oublier que tu possèdes un cellulaire, celle qui te fait sourire pour rien aux p’tites madames fatigantes qui veulent câliner mes enfants, celle qui te fait faire des beaux rêves la nuit et qui te réveille de bonne humeur le matin… La sainte paix. La paix tout court.
Nous nous sommes donné quatre à six mois, vivant des profits de la vente de notre maison et explorant presque tous les états des USA pour ensuite parcourir le Canada d’ouest en est.
Est-ce que j’ai peur des fois? Oui. Est-ce que je crois que c’était un peu fou comme décision? Oui. Est-ce que je le regrette? Jamais.
À suivre…
Pour en savoir plus sur l’incroyable histoire de naissance des jumeaux Oscar et Félix.