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Porter plainte – Texte : Eva Staire

Quand on dit « Porte plainte à la police », je ne crois pas que les gens prennent conscience

Quand on dit « Porte plainte à la police », je ne crois pas que les gens prennent conscience de tout ce que ça apporte comme stress, angoisse, peur et inquiétude. Ce n’est pas un processus simple et facile. On n’entre pas dans un poste de police en disant « Je viens porter plainte » pis on est reçue immédiatement avec empathie, délicatesse. Non, on nous demande de prendre rendez-vous ou d’attendre sur une chaise qu’une policière se libère. Oui, je vous parle bien d’une plainte pour agression sexuelle.

Tout d’abord, prendre la décision de porter plainte est énorme en soi, c’est reconnaître que nous avons été victime d’un acte cruel et violent. C’est aussi se coller une étiquette de « Victime » parce que si on décide de le dire à notre entourage, c’est ce qui arrive. Sinon, on ne le dit pas et on se sent seule.

Prendre la décision de porter plainte est une grosse étape, mais celle de se rendre au poste de police et le faire est une tout autre histoire. Se retrouver devant le bâtiment, c’est effrayant. On a juste le goût de s’enfuir dans l’autre sens. J’étais dans mon auto, le cœur battant à 100 milles à l’heure, l’envie de vomir sur le bord des lèvres, le corps tremblant, je suis sortie, j’ai marché comme un robot sur le pilote automatique jusqu’à la porte. En moi se jouait une bataille des plus acharnées, continuer ou abandonner. J’ai laissé mes pieds me guider, ma main a tiré sur la poignée et j’ai pris le téléphone.

« Poste de police de XXXX, comment je peux vous aider ? »

« Je viens porter plainte pour agression sexuelle. »

« Entrez et assoyez-vous sur une chaise, on va venir vous chercher. »

Assise sur la chaise, je sursaute à chaque bruit, j’ai les larmes aux yeux. Je texte ma sœur :

« Je suis là, j’attends qu’on vienne me chercher. J’ai peur, si on ne me croit pas, si on me prend pour une conne… »

« Calme-toi. Tu connais la vérité, raconte la vérité, c’est tout. Tu es tellement forte. »

« Je me sens tout sauf forte. »

Puis, la porte ouvre. « Madame, j’ai une policière qui se libère dans une heure, voulez-vous attendre ou revenir ? » Instinctivement je réponds « J’attends, si je pars, je sais pas si je vais revenir. »

Une heure plus tard, je rencontre la policière, une fille super belle, intimidante, mais rapidement, je me rends compte qu’elle est tout sauf intimidante, elle est à l’écoute, attentive, encourageante et incroyablement gentille. Après deux heures d’interrogations, je ressors avec mon numéro de dossier, celui qui va me suivre à tout jamais. « Bonne chance. Tu es super courageuse. Lâche pas. Tu es si forte. », me dit la policière à la sortie. « Merci », je réponds, la gorge serrée.

Seule sur le balcon du poste de police, je descends lentement les marches. Inconsciemment, je prends une grande inspiration et lorsque j’expire, je sens la lourdeur sur mes épaules diminuer, la pression sur ma poitrine partir un peu, mais je me sens particulièrement fière. Fière d’avoir parlé, fière de m’être tenue debout.

Aujourd’hui, les procédures sont lancées, ma déposition vidéo a été faite et l’enquête est en cours, mais c’est loin d’être terminé. Ce sont des montagnes russes d’émotions, des souvenirs qu’on veut oublier, mais qu’on doit se rappeler, c’est garder la plaie ouverte, la faire saigner. C’est épuisant, parce que le stress est à un niveau élevé sans arrêt.

Porter plainte, ce n’est pas facile, oui, je suis sortie du poste soulagée, mais ce fut de courte durée. Ce sentiment m’a confirmé que j’ai pris la bonne décision, mais c’est dur. Quand on entame des procédures judiciaires, on doit être entourée de personnes sur qui on peut se reposer quand c’est trop, sur qui on peut aller pleurer, crier notre colère, notre honte, notre libération. Des gens qui ne porteront pas de jugements, qui seront là pour nous donner de la force et qui vont nous encourager quand on a seulement envie de tout abandonner, qui vont nous rappeler les raisons qui nous ont poussée à porter plainte.

Il y en a pour qui ce processus a été traumatisant et difficile, j’espère que mon histoire sera différente, car pour l’instant, je n’ai rencontré que des personnes compatissantes, consciencieuses et professionnelles. En aucun cas, on ne m’a fait me sentir mal.

Je suis convaincue que la préparation que j’ai faite m’a énormément aidée. Mon agression a eu lieu il y a plusieurs années, j’ai fait une thérapie dans un CALACS, j’ai mon intervenante et les filles de mon groupe qui me soutiennent, mon conjoint, certains membres de ma famille et j’ai consulté une avocate du projet Rebâtir spécialisé dans les agressions sexuelles et violences conjugales pour poser toutes mes questions et m’aider à me préparer à mes dépositions. Porter plainte, c’est comme se préparer pour un combat de championnat mondial. On a besoin d’une équipe de soutien et de préparation mentale.

Porter plainte n’est pas simple. Porter plainte peut briser une personne. Porter plainte peut faire grandir une personne.

 

PROJET REBÂTIR

https://www.rebatir.ca/

+1 833-732-2847

 

REGROUPEMENT DES CALACS

http://www.rqcalacs.qc.ca/

 

Eva Staire

 

UN CALACS, MAIS QU’OSSÉ ÇA ? Texte : Cindy LB

Agression sexuelle, violence physique ou verbale, harcèlement psychologique… malheureusement, nou

Agression sexuelle, violence physique ou verbale, harcèlement psychologique… malheureusement, nous connaissons tous une personne qui a vécu une de ces situations. Nous connaissons certains organismes, les refuges pour les femmes vivant avec de la violence conjugale, mais qu’en est-il des femmes victimes d’agressions sexuelles ? Il n’y a pas beaucoup d’informations qui circulent à ce sujet, que ce soit pour avoir un soutien ou pour une personne avec qui parler. Ce que nous entendons, c’est : « Va porter plainte à la police. » Connaissant notre système de justice actuel (il y a présentement une tentative de changement, à suivre), les victimes, dont je fais partie, sont complètement découragées, perdues et se sentent abandonnées.

Première chose, je ne connaissais pas la ligne téléphonique d’aide pour les victimes d’actes sexuels : 1‑888‑933‑9007. Ce sont des intervenants spécialisés dans ce domaine, c’est confidentiel, bilingue, 24/7. J’ai téléphoné à plusieurs reprises et ils sont extraordinaires. En plus de leur écoute, ils conseillent et aident à trouver d’autres ressources d’aide. C’est justement une intervenante qui m’a fortement conseillé d’appeler un CALACS. Un quoi ? J’ai l’honneur de vous les présenter.

CALACS veut dire : Centre d’Aide et de Lutte contre les Agressions à Caractère Sexuel. Ce sont des intervenantes (femmes pour des victimes femmes) qui offrent plusieurs services : groupe de cheminement pour les femmes ayant subi une ou des agressions à caractère sexuel, cheminement individuel, soutiens aux proches, aides et référence téléphoniques, accompagnement auprès des différentes instances, elles font de la formation, de la prévention dans les écoles, de la lutte et défense des droits. Ces centres passent inaperçus, n’ont pas toute la reconnaissance qu’ils méritent. Je vais remédier à ceci maintenant.

Je viens tout juste de terminer le cheminement de groupe, 13 séances qui varient entre 1 et 2 heures, qui survolent plusieurs sujets (émotions, sexualité, intimité, honte, culpabilité, l’agression elle-même, etc.) Aucune femme n’est obligée de parler ou dire ce qu’elle ne se sent pas confortable de partager, c’est fait dans le respect et les limites de chacune. Il y a des règles bien établies dès le début, les intervenantes nous font remplir des formulaires de santé pour connaître les signes ou malaises qui pourraient survenir et être en mesure de donner les soins ou conseils pour nous aider. Par exemple, pour ma part, lorsque je vis des émotions trop intenses, je fais des crises d’angoisse très fortes, je peux perdre conscience, donc mon intervenante savait comment me garder dans le moment présent ou me ramener.

Au début de la thérapie, je ne savais pas à quoi m’attendre, j’avais la culpabilité, la honte et la colère au max. Je souhaitais être capable de vivre avec mon agression et ne plus ressentir autant d’angoisse. J’ai vite réalisé que mes objectifs étaient très hauts. Puis, les séances ont débuté, je ne voyais pas trop où les sujets que nous abordions allaient nous amener, à un point tel que j’avais presque oublié pourquoi j’étais là. Chaque sujet est très intéressant et aide dans la vie de tous les jours ; puis vient « Le récit ». Nous devons raconter notre agression avec les détails que nous sommes à l’aise de dire, et les semaines suivantes, la colère est abordée. Les trucs donnés pour évacuer cette colère peuvent être surprenants et très satisfaisants. C’est fou ce qu’une nouille de piscine peut défouler. À la fin, j’ai compris que les sujets du début étaient pour préparer le terrain pour le gros de la job. La dernière journée, il y a le bilan, où nous célébrons tout le chemin parcouru.

Je souhaitais ne plus ressentir d’angoisse ou de peur en pensant à mon agression. Non seulement j’y suis arrivée, je suis très ouverte à parler de mon agression et je veux m’impliquer pour la cause. J’ai plusieurs projets en tête comme une série de livres pour enfants qui explique le consentement et d’autres sujets relatifs aux agressions. Tous ces beaux projets et ambitions ne viennent pas de nulle part, tout vient de la confiance que mes intervenantes et femmes de mon groupe m’ont transmise. Ces femmes qui travaillent jour après jour avec des femmes brisées, traumatisées et perdues ne baissent jamais les bras. Elles travaillent sans arrêt pour améliorer le processus et trouver de nouvelles méthodes pour nous aider. Elles suivent des formations pour rester à jour ou tout simplement parce qu’elles veulent en apprendre plus pour mieux aider. Ça n’arrête pas là, non, elles font de la sensibilisation auprès des enfants et adolescents, organisent des marches pour continuer à faire avancer les droits des femmes, des victimes. Ah ! Sans oublier qu’elles accompagnent certaines femmes qui décident de confronter leur agresseur ou de porter plainte à la police tout au long du processus. Comme si ce n’était pas assez, elles gardent contact avec certaines femmes qui ont terminé leur thérapie depuis longtemps et continuent de les aider si nécessaire. Est-ce que je suis la seule à être essoufflée ? Elles font tout ça avec le plus beau et le plus sincère des sourires.

Ces centres sont essentiels, ces intervenantes sont essentielles. Les agressions sexuelles sont encore trop taboues et très mal comprises. Énormément de fausses informations et perceptions circulent. « Ben là, as‑tu vu comment elle était habillée ? Elle l’a cherché. » « Un gars, ça ne peut pas contrôler ses pulsions. » « Ouin, mais elle n’a pas dit non, elle n’a rien fait. » « Des fois, non veut dire oui. »

*La fille, ça se peut qu’elle veuille juste se sentir belle. Elle n’a pas une affiche qui dit « agresse-moi ».

*Un gars qui a appris le respect et le consentement va accepter si la fille change d’idée.

*Même si un non n’a pas été prononcé à voix haute, le fait de figer signifie un non.

*Non veut dire non. Point à la ligne.

Un CALACS change une vie, change des vies. Tu reprends le contrôle de ta vie. Tu comprends certaines choses. Ton futur est plus beau. Tu as des outils pour t’aider tout au long de ta vie. Tu peux contacter à nouveau ton intervenante en cas de besoin. Surtout, tu comprends que tu es une VICTIME, que ce n’était PAS de TA faute et que TU N’ES PAS SEULE.

Merci au CALACS L’Ancrage des Laurentides, merci à mes intervenantes.

Cindy LB

 

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Ligne téléphonique Info-Aide violences sexuelles :

1‑888‑933‑9007

 

Regroupement des CALACS du Québec (pour trouver celui le plus près) :

http://www.rqcalacs.qc.ca/

 

CALACS L’Ancrage des Laurentides et pour faire un don :

https://calacslancrage.ca/

https://calacslancrage.ca/faire-un-don/