L’appel de l’amitié
Elle est rendue à la maison spécialisée de soins palliatifs, la f
Elle est rendue à la maison spécialisée de soins palliatifs, la fin est proche…
Son état se dégrade rapidement. Elle est chanceuse, elle pourra mourir ailleurs que dans un milieu inhospitalier. Je ne jette pas de pierres. Juste que nos impôts sont mal gérés. On semble favoriser l’évasion fiscale, plutôt que soigner adéquatement nos malades. Pensez à ça, avec votre abonnement télé et en utilisant votre taxi illégal. Ces deux entreprises californiennes bien connues.
Puis, cet appel…
Au beau milieu de la nuit. Vers 3 h. « Monsieur, si vous voulez être avec elle pour une dernière fois, il faudrait venir rapidement! » Avec ma belle‑mère, je partageais son chevet. Les jours, pour moi. Les soirs et les nuits, pour elle. À cette loterie, c’est tombé la nuit. Je dois réagir. C’est une route de près de 30 minutes. Les enfants dorment profondément.
Qui vais-je appeler?
Il est le parrain de mon aînée. Je le connais depuis plus de 30 ans. Par la balle‑bière. J’ai aussi voyagé avec lui, jadis. Une « cabana » partagée à quatre boys. Un endroit qui nous a vite fait comprendre pourquoi il y avait un filet, au-dessus de nos lits. Aussi, plusieurs fins de semaine de sports d’hiver. Des chalets loués entre amis. Avant les enfants. Certains couples qui ont varié, sauf le sien. Les soupers. Le traditionnel mini-tournoi de tennis annuel. Où il est normalement couronné. Bien des anecdotes. Bien des moments joyeux. Malgré toutes les failles de mon caractère.
Surtout, dans ma garde rapprochée d’êtres précieux, il est celui que je considère mon meilleur ami. Une personne d’exception. Même si la vie familiale fait en sorte que nous nous voyons rarement. Je sais qu’il sera touché. Ému. De lire ceci. Sans doute davantage que je ne le suis, à vous le raconter.
Je signale… Ça sonne…
Il répond! Je lui explique en peu de mots… « Ok, amène les enfants! » Je les réveille. Ils ont sept et dix ans. Je dois penser. À tout, trop vite. Ils ont de l’école demain. Ma grande doit prendre un médicament au déjeuner. J’angoisse pour celle que j’aime. Nous arrivons chez eux. J’ajoute ici sa conjointe. Elle est aussi mon amie. Ils sont là, tous les deux. Il a le sourire dans les yeux et dans la voix. Exactement l’accueil qui était nécessaire, pour deux petites bêtes effarouchées. Moi, j’aurais fait de même; mais jamais avec cette attitude.
J’arrive en temps à mon rendez-vous avec la mort. Avant son père. Qui, lui, n’avait rien à gérer. Je saurai même, plus tard, qu’ils m’ont chronométré. Le mot amour, il a une tout autre signification, quand vous arrivez trois heures plus tard… Une tache permanente à votre dossier. Je suis alors félicité. Ils savaient que je devais m’occuper des enfants. Ils veulent savoir comment j’ai réussi. Pour pouvoir partager avec d’autres. Je leur dévoile mon secret : « Un appel, un seul! »
J’étais à ses côtés. Pour un épisode que je ne souhaite à personne. Qu’il ne faut voir qu’au cinéma, dans un film d’horreur. Comme un combat intérieur. Heureusement, ils ont réussi à stabiliser son état. Elle est morte le lendemain, vers 22 h 15. J’étais prêt. Ma mère gardait. J’étais encore là. Elle est morte paisiblement.
L’amitié, comme l’amour, ce sont des mots. Ils ne prendront leur véritable sens que dans des moments précis. Figés dans le temps. À jamais.
Merci, mon ami…
michel