Garde ta langue pour toi!
J’ai grandi dans un village où tout le monde était francophone.
J’ai grandi dans un village où tout le monde était francophone. L’homogénéité linguistique. Dans le temps, on commençait à apprendre l’anglais en quatrième année. Pas beaucoup de chance de ne pas avoir d’accent dans sa langue seconde. Et pourtant, j’ai appris mon bilinguisme. J’ai voyagé. J’ai travaillé et je travaille encore autant en français qu’en anglais.
Pendant six ans, j’ai habité et enseigné en Alberta. Mes deux filles ont grandi là-bas, dans une maison francophone. Dans une ville anglophone. Dans une province anglophone. Dans un pays anglop… non, bilingue. Officiellement, du moins.
Dans cette belle province de l’ouest, la francophonie avait sa place. Les francophiles étaient nombreux. Mes filles allaient dans une garderie francophone. Dans une prématernelle francophone. Dans une école primaire francophone. Quand on est revenus vivre au Québec, une nouvelle école secondaire francophone (pas une école d’immersion… nenon, une école où TOUT se déroule en français) ouvrait ses portes pour accueillir les jeunes ayant droit, c’est-à-dire des élèves qui ont le droit légal d’être éduqués en français dans le système scolaire.
Je vous le dis, pour plusieurs familles, le statut d’ayant droit est toute une lutte, à recommencer chaque année. Même histoire pour les ayant droit anglophones du Québec. La fragilité de la minorité ne discrimine pas en fonction de la langue.
Jamais, pendant notre vie en Alberta, on ne s’est sentis non accueillis, rejetés, écrasés. On avait notre place, on était un atout pour la province et dans notre milieu de vie, et notre milieu de vie était un atout pour chacun de nous. On faisait autant partie de l’anglophonie que de la communauté francophone. D’ailleurs, quand je voyage dans les autres provinces, c’est la même chose : le français a sa place!
Depuis 2012, nous habitons à Gatineau. À cinq minutes de l’Ontario. La moitié de mes collègues habite en Ontario. La moitié de mes collègues est franco-ontarienne, l’autre moitié est francophile. Mes enfants continuent leur parcours dans le système scolaire francophone. Et ils deviennent bilingues au fil de leurs efforts, de leur vie sociale et des vidéos qu’ils regardent sur YouTube. C’est parfait ainsi. Les deux langues leur ouvrent des portes et leur donnent accès à des produits culturels diversifiés. Ils sont riches de cette double langue, de cette double culture.
La semaine dernière, le parti conservateur de l’Ontario a voté pour le projet de loi 57, qui sabre dans les services en français, et ce, malgré l’opposition des autres partis et des associations francophones de tout le pays. Je vous rassure, la résistance s’organise, entre autres chez les artistes (voyez la vidéo « Personne ne m’arrêtera », qui regroupe la Franco-Ontarienne Mélissa Ouimet et plusieurs autres Franco-Canadiens). Les politiciens, les associations, les fédérations de parents francophones, les citoyens se regroupent et font entendre leur voix pour faire respecter leur identité.
Pourquoi? Parce que cette loi appauvrit la société. Parce qu’elle nuit aux familles qui devront encore plus se battre pour vivre dans leur langue. Parce qu’elle vole aux individus et aux collectivités à la fois la liberté de parler et d’apprendre dans la langue officielle de leur choix, mais aussi la diversité linguistique et culturelle si précieuse. Cette diversité qui crée des liens entre les neurones, entre les gens et entre les générations.
Je sais bien que pour la plupart des lecteurs de Ma Famille Mon Chaos, l’Ontario, c’est loin. Mais je sais aussi que tous nos lecteurs ont une langue (ou plus!), une culture (ou plus!), un cœur. Uni pour la francophonie.
Nathalie Courcy