M. Jean-François Roberge, laissez-moi vous parler de mon école-maison
La population a 45 jours pour tr
M. le ministre de l’Éducation,
La population a 45 jours pour transmettre ses commentaires face à votre projet de modifier le Règlement sur l’enseignement à la maison et c’est ce que je fais aujourd’hui, comme une lionne qui protège ses petits. En tant que parent engagé qui a retiré son fils aîné de votre système scolaire parce qu’il s’y flétrissait, je vous demande de donner une chance au règlement actuel, adopté en juin dernier.
Je vous ai confié un petit garçon de cinq ans : curieux, sensible, intelligent et passionné. À la fin de sa 1re année, j’ai retiré de l’école : un enfant en grande souffrance. Un enfant dirigé vers un neuropsychologue par son médecin de famille. Un enfant doué, légèrement hors norme de par son très haut potentiel. Un enfant qui aurait eu besoin de quelques adaptations pour s’épanouir. À partir du moment où J’AI repris la charge de l’éducation de mon enfant, VOUS n’avez plus le droit de l’obliger à quoi que ce soit. Suis-je bien claire?
Vous avez dit : « La grande majorité des parents qui font l’enseignement à la maison avec leurs enfants s’acquittent de cette tâche avec brio. Ces changements ne les affecteront pas. » (Page Facebook — Jean-François Roberge — député de Chambly – 27 mars 2019).
Vous avez tout faux. Les changements que vous proposez nous affectent tous. Et ils nous affectent trop pour les laisser passer sans défendre les droits de nos familles.
Nous faisons partie de ces parents qui, comme vous le dites, s’acquittent de la tâche avec brio. Demandez à ceux qui nous entourent. Demandez même à la directrice adjointe de l’école des Tournesols qui nous écrivait en 2017 pour commenter l’évaluation par portfolio de notre fils : « Je tiens à vous remercier d’avoir été présents le 25 mai lors de la présentation du portfolio de votre fils Emerick. Je tiens particulièrement à vous féliciter pour le beau travail que vous avez accompli avec votre fils au cours de cette année. Les deux personnes qui étaient présentes lors de la présentation d’Emerick ont été plus qu’impressionnées par son aisance et sa culture (connaissance) générale. Selon elles, cela démontrait tout le travail qui était fait avec lui pendant ces périodes d’apprentissages. »
Je suis un parent-éducateur de qualité et oui, ça me dérange que vous vouliez modifier un règlement pour obliger mon fils à retourner à l’école le temps de passer vos examens ministériels!
Lorsque le gouvernement s’est penché sur le dossier de l’enseignement à la maison, il y a un an, j’ai accepté d’abandonner quelques morceaux de ma liberté au nom de la protection des enfants. L’article 599 du Code civil du Québec est pourtant très clair : « Les père et mère ont, à l’égard de leur enfant, le droit et le devoir de garde, de surveillance et d’éducation. » À la base, ce n’est donc pas au gouvernement de gérer le mode d’éducation de mes enfants.
Malgré notre droit de choisir le genre d’éducation à donner à nos enfants et malgré le fait que cela faisait de nous la province la plus réglementée au Canada (https://hslda.ca/fr/un-survol-des-lois-relatives-lecole-maison-travers-le-canada/), les parents-éducateurs québécois ont accepté de démontrer, chaque année, la qualité de l’expérience éducative qu’ils offrent à leurs enfants à la maison. Comment? En avisant le ministère de l’Éducation de leur intention, en fournissant un projet d’apprentissage (incluant l’apprentissage de la langue française, d’une autre langue, de la mathématique, science et technologie, arts, développement de la personne et univers social), en faisant un état de la situation et un bilan de mi-parcours, en participant à une rencontre de suivi, en faisant évaluer la progression de l’enfant chaque année (cinq méthodes au choix, incluant une évaluation par un titulaire d’une autorisation d’enseigner ou un portfolio soumis au ministre) et un bilan de fin de projet.
Mais ce petit pied dans la porte que nous avons laissé passer, pour le bien des enfants, vous le poussez trop loin maintenant! Vous croyez pouvoir obliger mes enfants à passer les examens de votre système scolaire? Vous croyez que je vais accepter que vous jugiez le contenu que je leur offre selon vos épreuves ministérielles? Vous croyez que leur résultat à un examen offrira une image représentative de leur année? Allons, soyons réalistes! Quand j’ai retiré mon fils de l’école, après sa 1re année du 1er cycle, il aurait pu réussir les examens de fin de 2e année sans rien faire de son année d’école-maison. Il avait déjà les acquis. Mais est-ce que ça vous aurait réellement informé sur la richesse de ce qu’il avait vécu pendant l’année? Auriez-vous osé juger nos apprentissages en famille sur la base de ces résultats?
Et s’il les avait échoués? S’il avait été mal préparé pour le genre de tâche à réaliser, s’il avait mal compris, s’il avait eu une mauvaise journée, mal géré son stress ou, tout simplement, des difficultés dans cette matière? Quelle utilité cette note pourrait-elle bien avoir? Quelle pertinence? Est-ce que les difficultés scolaires sont interdites aux enfants scolarisés à domicile? La réussite, obligatoire?
Vous osez appeler un examen ministériel un « levier d’évaluation » (Communiqué de presse — Enseignement à la maison — 27 mars 2019), mais vos examens sont tout sauf un levier. Un levier, ça propulse plus loin et plus haut. Ça facilite, mon cher ministre. Vos examens ne sont que des bâtons dans les roues. Ils ne vous donneront jamais un reflet juste des apprentissages de mes enfants. Ils vous feront plutôt une bonne excuse pour remettre en cause notre droit de vivre les apprentissages en famille. Ils font planer au-dessus de nos têtes des accusations injustifiées de non-fréquentation scolaire et de négligence éducative.
Les examens ministériels ne sont pas la suite logique d’une année de scolarisation à domicile. Ils ne vous permettront jamais de savoir que mon fils (qui a découvert les minéraux précieux du jeu Minecraft en 2015) : a adoré la conférence d’un géologue et la visite guidée du musée de la Commission géologique du Canada en 2016 ; a présenté certains éléments naturels de Minecraft lors de l’Expo-Nature de son groupe de soutien d’école-maison en 2017 ; s’est ensuite découvert une passion pour l’obsidienne (minéral volcanique) en visitant les laboratoires d’archéologie et de zooarchéologie de l’Université Laval avec son grand-père ; a poursuivi ses recherches d’obsidienne sur le Vésuve et l’Etna en Italie ; pour finalement en découvrir en 2019 et rédiger un article sur le sujet pour le magazine qu’il a créé avec ses amis (6 numéros parus). Si vous croyez que je vous laisserai balayer tout ça du revers de la main et juger du succès de sa scolarisation à domicile par sa réussite de vos épreuves ministérielles, vous vous trompez royalement!
Toute personne ayant des commentaires à formuler au sujet de ce projet de règlement peut les faire parvenir par écrit au ministre de l’Éducation :
1035, rue De La Chevrotière, 16e étage
Québec (Québec)
G1R 5A5
Elizabeth Gobeil Tremblay