Vivre avec une maladie chronique : la persévérance comme moteur de vie

Ce fameux matin de 2002, où j'ai reçu le diagnostic de polyarthrit

Ce fameux matin de 2002, où j’ai reçu le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde sévère, restera gravé dans ma mémoire. Un mot le résume : Percutant.

Je sais, ce n’est pas une maladie mortelle, mais une maladie chronique et on ne guérira pas. Pronostic trop sombre pour une femme de 37ans, déambulateur à court terme. La prise en charge fut agressive : arrêt de travail, chirurgie et methotrexate (chimio par la bouche). Je me souviens avoir vomi à côté de ma voiture dans le stationnement de l’hôpital. J’ai passé les 5-6 premiers mois roulée en boule à la maison.  Colère et déni m’habitaient. On a le droit de brailler, de crier et de se révolter, mais en bout de ligne, on a deux choix : rester échouée ou choisir d’avancer.

La polyarthrite rhumatoïde étant une maladie auto-immune, l’exercice physique est une des façons de stimuler mon système immunitaire déficient.  Beaucoup trop atteinte pour marcher, je ne pouvais pas non plus courir et je nage comme une roche.  Me restait le vélo.  Mais bouger n’apporte que de la douleur supplémentaire et je n’en veux tellement pas. On me dit qu’il y’a aura des bienfaits physiques et psychologiques.  Il faut y croire, ne jamais cesser d’y croire. Si on n’y croit pas, on coule.

Ma première journée, j’ai fait 75 secondes de vélo stationnaire, suivies de deux heures de sieste.

C’est là que tout se joue. Notre meilleure amie deviendra la persévérance, ne pas lâcher, continuer et persévérer. J’ai ajouté des minutes, puis des 15 minutes, des 30 minutes. J’avais décidé que j’allais y arriver. Après six mois, les bienfaits ont été plus grands que la douleur, le déclic s’est enfin fait et un besoin de s’accomplir s’est installé malgré des limites. J’avais enfin apprivoisé la maladie. C’est fou comme le bonheur est devenu plus fort que la douleur.

Pendant cinq ans, sur une période de sept jours, je pédalais l’équivalent de la distance entre Québec et la Gaspésie. Je mangeais, je roulais, je dormais. Rouler était devenu pour moi un exutoire. C’était absolument merveilleux et enivrant de voir ma progression d’une année à l’autre et quel bonheur de savoir que dans la vie on est en train d’avancer. En cinq ans, je suis passée de 75 secondes de vélo stationnaire à 163 KM sur la route en une seule journée. On apprend à vivre avec la douleur et la satisfaction d’accomplissement est un délicieux baume.

velo

En 2007 la course est entrée dans ma vie, pour ne plus en sortir. Mon fils m’appelle Forest Mom.  La course est devenue une vraie drogue, un besoin aussi vital que de m’alimenter. J’ai commencé difficilement, je l’avoue, mais comme la persévérance est devenue ma meilleure amie, on a travaillé en équipe, elle et moi, un pas à la fois et à l’âge de 45 ans, soit huit ans après mon diagnostic, j’ai réussi à parcourir l’ultime distance d’un marathon, soit 42.2KM. À partir de ce jour, ma vie a complètement changé. J’ai découvert l’énorme capacité que nous avons d’aller puiser une force incommensurable au fond de soi, tant à la course que dans la vie.

Une phrase du Dr. David Lefrancois, éminent neurologue et psychosociologue, est affichée sur mon mur de motivation en guise de leitmotiv:  ” La souffrance est le temps que l’on accorde à sa douleur”. Quand je cours, j’ai mal, mais je ne souffre pas. La maladie évolue, personne n’y échappe. En 2013 on remarque une très grande progression des zones atteintes et à la demande de mon médecin je dois cesser de courir de trop longues distances en continu sans donner de répit à mes articulations. Je prends difficilement ses recommandations, une claque en pleine face, aussi brutale que le diagnostic onze ans plus tôt.

J’ai complètement changé ma PERCEPTION de la performance. J’ai intégré des périodes de marche lors de mes courses et je suis à l’écoute de mon corps, car j’ai compris que tout ce que je lui donne, il me le rend bien. Je cours donc en parfaite fusion tête-body et j’ai appris à reconnaître ses signes de fatigue que je respecte.

J’ai réalisé que lorsque l’on ne peut plus performer, on ne doit pas abandonner, mais s’abandonner. Au simple bonheur de pouvoir encore mettre un pied devant l’autre et réaliser que la maladie m’aura fait grandir au lieu de me paralyser.

Je cours toujours un marathon par année.  C’est ma façon de célébrer ma vie. Je cours en parfaite gratitude. Voilà donc ma récompense d’avoir changé ma perception de la souffrance et de la performance un pas à la fois avec ma grande amie la persévérance.