Ces psys qui changent des vies

Souper de famille comme tous les autres… On jase autour de la tabl

Souper de famille comme tous les autres… On jase autour de la table de choses bien ordinaires quand, tout à coup, mon 9 ans plante son regard sérieux dans le mien et déclare : « Maman, j’aime tellement ça t’écouter parler. Je trouve ça vraiment intéressant. » Décontenancée, je bredouille un genre de : « Merci, on s’en rejasera quand t’auras quatorze ans. » Ben oui, je suis plate de même.

Mais de toute façon, ma réponse avait peu d’importance. Je ne m’en doutais pas à ce moment-là, mais son affirmation avait bien peu à voir avec le récit de ma journée. Mon fils se découvrait simplement un grand intérêt pour écouter.

C’est deux semaines plus tard que je l’ai réalisé, lorsqu’il m’a annoncé qu’il s’intéressait à un nouveau métier potentiel : « Dans la BD que je lis, la fille voit un psychologue pour discuter des problèmes qu’elle a avec son diablotin. Ça me ferait un bon travail ça, non? » Tadam! Mon petit bonhomme, qui rêvait encore de devenir druide il y a deux ans, me parlait maintenant d’ouvrir un cabinet de psychologie.

Quand notre rejeton commence à se projeter dans sa vie d’adulte, ce n’est plus vraiment le temps de faire des blagues, alors je lui ai répondu avec mon cœur cette fois-ci : « Mon coco, choisir une carrière, c’est trouver de quelle façon nous souhaitons contribuer à la société. On peut aider les autres en étant mécanicien, médecin, enseignant ou chanteur d’opéra… On ne manque pas de problèmes à résoudre sur cette Terre, alors les options sont nombreuses. Mais je suis convaincue que l’écoute et l’accompagnement d’un bon psychologue peuvent changer toute une vie. Alors si ça te plaît, c’est sûr que ça te ferait un bon travail. »

Mon coco, il connaît seulement la version actuelle de sa maman, la version heureuse. Il ne connaît pas tout le chemin parcouru pour arriver à ce bonheur.

Me proposer de rencontrer une psychologue était le plus beau présent que mes parents pouvaient offrir à l’adolescente angoissée et perdue que j’étais il y a vingt ans.

J’avais tellement refoulé mes émotions que j’avais brisé le pont avec moi-même. J’ai passé mes premiers mois en thérapie à répondre : « Je ne sais pas » à la question « Qu’est-ce que ça te fait? » (Je vous laisse imaginer les longs silences malaisants des premières consultations.) Ma psy essayait de gratter la surface, mais on n’avait accès à rien. Blindée. Puis j’ai passé les mois suivants à répéter : « Mais je ne veux pas que ça me fasse ça » lorsque de petites bulles arrivaient tant bien que mal à émerger des profondeurs. Je devais apprendre à laisser mes émotions exister, leur faire une place sans les juger bonnes ou mauvaises. Et j’avais besoin de beaucoup de soutien pour y arriver parce qu’une sensation de vide insupportable grondait en dessous de tout ça.

Le type de thérapie que j’ai suivi ne visait pas à me guérir de quoi que ce soit. Tout ce dont j’avais besoin, c’était d’apprivoiser ce que je ressentais et par le fait même, découvrir qui j’étais. Sans cette connexion avec moi-même, j’avais perdu ma boussole. Mes décisions étaient fragiles et volages, s’adaptant aux désirs des autres, essayant de plaire à tout le monde (on s’entend que c’est plutôt irréaliste comme objectif). Sans accès à ma colère, je laissais mes premiers chums dépasser mes limites. Je m’engluais dans des relations toxiques. J’acceptais de reprendre une relation avec un copain que je venais juste de laisser, à l’hôpital, après sa tentative de suicide. Je me présentais à un poste de police, terrorisée par un ex qui refusait de me laisser partir. Sans entrer plus dans les détails, vous aurez compris que ma vie amoureuse était loin d’être glorieuse.

Ma destinée a pris un chemin de traverse grâce à quelques années de thérapie tombées du ciel à une période charnière de mon existence. Je m’y serais inévitablement retrouvée plus tard de toute façon, à soigner un burnout ou une dépression… parce que, comme le dit si bien ce proverbe danois : « Qui suit les avis de chacun construit sa maison de travers. » Moi, j’ai eu la chance de construire une vie qui me ressemble et qui répond à mes besoins grâce à mes deux fantastiques psychologues (je les salue affectueusement en passant). Elles m’ont appris à me traiter avec bienveillance et m’ont donné les outils nécessaires pour devenir une femme, une amoureuse et une mère plus épanouie. Et peut-être que cette écoute respectueuse que j’ai fait entrer dans nos vies, mon fils a maintenant envie de l’offrir aux autres?

Elizabeth Gobeil Tremblay