La fin du nous
J’ai porté au creux de mon ventre mes enfa
J’ai porté au creux de mon ventre mes enfants. Je les ai aimés, dès le premier instant. Je les ai mis au monde, avec une force insoupçonnée jusque-là. J’ai tenté chaque jour d’être la meilleure mère possible pour eux. J’ai joué à la maman-pieuvre, entre les tâches à faire, le travail qui me passionne et ces petits humains qui ont toujours besoin de moi. J’ai fait la maman-kangourou en emmaillotant mes bébés contre mon cœur aussi souvent qu’ils en ont eu besoin. Je leur ai donné mon cœur de mère, mais aussi mon corps. Mon corps pour les porter, pour les accoucher, et encore pour les allaiter.
Et c’est officiel, cette semaine, j’ai allaité mon tout dernier bébé pour la toute dernière fois… À la fin de chacun de mes allaitements, j’ai ressenti beaucoup de nostalgie. Je revoyais mon bébé si petit, si dépendant de mon corps. Je me sentais à la fois coupable de le laisser, de m’éloigner un peu de lui. Et dans ce cocktail d’émotions, je me sentais aussi bien triste de me sentir aussi facilement remplaçable en fait…
Ce sevrage est différent des autres. Sûrement parce que c’est le dernier. Je ne me sens pas coupable du tout cette fois. Au contraire, une grande fierté m’envahit. Je regarde mon parcours de maman-allaitante derrière moi et je suis fière en titi. Et cette fois‑ci, je me sens même libérée. Oui, oui. Parce que je retrouve mon corps. Mon corps à moi. Et juste à moi.
Je ne serai plus jamais enceinte. Je ne ferai plus jamais de portage. Je n’allaiterai plus jamais. Je n’aurai plus à partager mon corps avec un petit être. Je dois me réapproprier ce nouveau corps de maman. Il a changé, c’est certain. Mais je lui dois tellement… Il m’a permis d’accomplir ce que j’ai fait de plus beau sur la Terre. C’est correct que ces petits humains y aient laissé leurs traces…
Je réalise que ce sevrage, c’est aussi la fin du « Nous ». La fin de notre fusion maman-bébé. Parce que maintenant, tu te nourris sans moi. Que je sois là ou non. Tu explores sans moi. Tu joues sans moi. Et honnêtement, je trouve ça beau, la fin du « Nous ». Parce que ça veut aussi dire que c’est le commencement du « Toi ». Un « Toi » qui aura ses propres rêves, ses propres chemins à suivre dans la vie. Un « Toi », jamais tout à fait sans moi. Parce que je marcherai toujours à tes côtés. Juste pour te regarder être un « Toi » aussi merveilleux que celui que tu peux devenir.
Bonne route, mon bébé.
Joanie Fournier