Sabotage

Je suis partie de chez toi le cœur gros, samedi. Pas à cause de qu

Je suis partie de chez toi le cœur gros, samedi. Pas à cause de quelque chose que t’as dit. Pas à cause de quelque chose que t’as fait. Je suis partie de chez toi le cœur gros parce que pour la première fois depuis qu’on se connaît, j’ai pleinement réalisé que de t’avoir dans ma vie, ça me faisait du bien. Ça me faisait sourire. Ça me rendait heureuse.

Assise sur le divan, je te regardais t’agiter, danser, parler fort, et tout ce dont j’avais envie, c’était d’aller vers toi. Ce désir tout simple et sincère de vouloir m’approcher est devenu trop insécurisant parce que je ne savais pas s’il était partagé. J’arrivais pas à te lire.

Pendant que t’étais all-in dans ton moment présent, léger et sans questionnement, moi, j’me sentais complètement démunie. J’étais comme les chats paniqués qu’on voit dans les vidéos sur YouTube : le cœur qui bat la chamade pis les pattes qui spinent dans l’fond du bain. Vieille minoune, en mode panique dans mes deux pouces d’eau, j’hyperventilais pour plein de raisons extérieures à toi. J’te jure, j’ai essayé de me donner une swing pour me sortir du bain, mais j’étais incapable de bouger, incapable de faire quoi que ce soit. Je suis partie sans te dire pourquoi.

J’ai pris peur parce que c’est ce que je fais quand mon désir d’être avec quelqu’un grandit. Quand je sens que je m’ouvre, quand je me sens vulnérable, quand l’incertitude kick in, mes sutures prennent le bord. Je me protège, je me pousse.

Je m’en vais, je coupe les ponts, je me fais un faux reset et, la fois d’après, je choisis l’homme qui entre dans ma vie avec plus de raison. J’atterris dans du tiède ou du connu. Je trouve quelqu’un de poqué comme moi qui recherche l’amour sans le risque ; la vie à deux sans facteur de dangerosité.

Pour m’assurer de ne pas avoir mal, je me cherche un partenaire pour une entente convenue où on se dit à peine à mots couverts : « Si on gratte pas trop où ça me fait mal, on va pouvoir faire un bout ensemble. Toi pis moi, on va s’entendre ben comme’faut. Pas de flammèche, mais pu d’bobos. On va s’aimer juste un peu, mais pas trop. Ça t’tente-ti? Signe ici, moi je signe là. »

La beauté dans tout ça, c’est que l’entente va fonctionner. Un mois, six mois, deux ans. Jusqu’à ce que je croise un couple de vrais amoureux, jusqu’à ce que je réalise que c’est vraiment ça que je veux. Pas le partenaire parfait. Pas les vies parfaites. Pas le sexe instantanément parfait. Mais le désir sincère et parfait d’être entièrement avec quelqu’un. Le désir de m’abandonner, de réapprendre la confiance et le laisser-aller. Ce désir me fera sourire à nouveau et simultanément, la chamade va recommencer parce que le désir d’aimer vient aussi avec la peur de perdre. Pis là, j’vais encore être fourrée. Sauf que.

Y a pas vingt mille choix possibles en amour à ce qu’on dit. On continue de faire ce qu’on connaît : on essaie, on gaffe, on se protège, on arrête, on recommence, on se sabote ou on apprend. On vit avec l’inconfort. On avance. On se donne une vraie chance.

Si, comme dans les films d’amour, j’ai envie de me réveiller en pleine nuit avec un fou rire adolescent pour ensuite faire l’amour ; si j’ai envie de voyager à travers le monde à deux pour nous créer des souvenirs et des moments précieux, je suis aussi partante pour les matins de marde pis les chicanes connes du jeudi soir. Je suis clairement pas outillée pour gérer tout ça avec aisance et spontanéité, mais je suis prête à signer.

Pas de mariage, pas de vœux d’éternité, mais prête à réapprendre à me laisser aller. Prête à sortir de ma tête, à refaire entrer un rond dans mon carré. Je signe ici et, si ça te tente, toi, tu peux signer là. Je vais remplacer mon besoin de certitudes par un besoin de compréhension et de patience. Parce que j’ai besoin de temps pour me reseter. Parce que j’ai besoin de temps pour apprendre à connaître quelqu’un qui va accepter, des fois, de respirer pour nous deux quand mon air va bloquer à l’entrée. Quelqu’un qui va comprendre pourquoi j’entre dans mon mode « vieille minoune » pis qui va se contenter de me dire d’une voix sincère et réconfortante : « Heille, dégonfle Harkio. Va domper ton p’tit manteau de peurs pis d’insécurités dans l’foyer, pis viens t’coller. L’printemps est arrivé. »

Liza Harkiolakis