Archives avril 2020

Stationnements réservés

Avant même de tomber enceinte, je voyais les espaces de stationneme

Avant même de tomber enceinte, je voyais les espaces de stationnement réservés pour les femmes enceintes et jeunes familles, et je me questionnais quant à leur utilité. Je me disais qu’être enceinte n’était pas une maladie et ne justifiait donc pas un espace réservé près des portes d’entrée.

Pourtant, mon avis a vite changé quand je suis tombée enceinte moi‑même. Maintenant, je trouve qu’ils ont leur place et leur importance. C’est pour ça que j’ai décidé d’en faire un article afin de peut‑être changer la façon de voir la chose.

Non, être enceinte n’est pas une maladie. Cependant, la grossesse vient avec son lot de désagréments. Tout d’abord, le fait d’avoir un être humain dans le ventre met notre vessie sous pression. Si avoir une place proche d’une porte peut en empêcher quelques‑unes de faire pipi dans le stationnement, pourquoi pas !

Et ce n’est pas seulement la vessie qui est sous pression, mais tous les nerfs et muscles du bas‑ventre et de l’entrejambe. Dans le troisième trimestre surtout, je souffrais seulement à me tenir debout. Je croyais que mon bassin allait se casser sous le poids de mon ventre. Ces espaces réservés m’ont sauvée plus d’une fois et m’ont permis de marcher le moins possible avec mes sacs d’épicerie.

En parlant de gros ventre, essayez de vous lever avec un ventre immense devant vous. Imaginez maintenant vous lever avec ce gros ventre mais en sortant d’une auto. Ça prend de la place. Comme ces espaces ont des lignes et des limites plus larges, nous pouvons donc sortir sans avoir peur de faire une bosse sur la portière de l’auto d’à côté.

Et lorsque bébé arrive, ces espaces deviennent encore plus utiles.

Traîner une coquille peut être extrêmement demandant surtout avec un bébé de 15 ou 20 livres à l’intérieur. Cette fameuse coquille nécessite d’avoir assez d’espace pour la rentrer dans l’auto. Je ne compte pas les fois où j’ai dû passer la coquille par la valise ou par la portière opposée de la voiture parce que les gens se stationnaient trop proche et ne me permettaient pas d’ouvrir la portière pour y entrer ma coquille. Bonjour les maux de dos !

Ce sont seulement quelques désagréments que j’ai eu à vivre, mais il y a plein d’autres maux que vivent les femmes enceintes ou qui viennent de donner naissance, et qui justifient amplement ces espaces réservés.

Alors pour toutes les personnes, surtout les hommes seuls, que je vois se stationner dans ces espaces réservés, pensez-y comme il faut avant de vous dépêcher de prendre cette place. J’espère que ce texte vous a fait voir les choses autrement. Ces espaces ne sont pas un caprice et devraient être pris au sérieux, tout comme le sont les espaces réservés aux personnes handicapées.

Anouk Carmel-Pelosse

 

Donner

Offrir mon temps à des étrangers est assurément le beau cadeau qu

Offrir mon temps à des étrangers est assurément le beau cadeau que j’ai pu faire. Cette crise aura eu cela de beau, entre autres : elle m’aura permis d’ouvrir mon cœur comme jamais et de saisir la chance de faire du bénévolat.

Ce bonheur, je le partage avec quelques copines qui, tout comme moi, ont désormais du temps, mais surtout un milieu et une santé qui leur permettent de prendre un tel engagement.

Voir tous ces habitués à l’œuvre, des gens fondamentalement gentils, se donner pour distribuer un brin d’espoir dans les chaumières de la ville… c’est beau sans fin.

Quelques heures passées en ces lieux m’ont permis d’observer toute la bonté qui se dégage des humains, parfois.

Quelques heures m’ont confirmé que cette première journée n’allait pas être la dernière.

Quelques heures m’ont convaincue que cet été, je le souhaite, c’est avec mes filles que j’y retournerai.

À vous, bénévoles au quotidien, gens de cœur, je vous dis MERCI ! 🌸🌸🌸

Karine Lamarche

Se sentir inutile!

Est‑ce que ça vous est déjà arrivé de vous sentir inutiles? Ma

Est‑ce que ça vous est déjà arrivé de vous sentir inutiles? Mais VRAIMENT inutile? Pas juste dans un moment en particulier mais toujours?

C’est pas mal comme ça que je me sens depuis le confinement! Oui, ça doit être le cas de beaucoup de gens, je le sais! Mais comment faites‑vous, les gens hyperactifs, pour ne pas tomber? Je pose la question sincèrement!

Je suis le genre de personne qui avait mille et un projets. Ce n’était jamais assez! Je courais à gauche et à droite ; plus j’en avais, plus je carburais! La tête toujours en train de penser à demain.

– Profite de ce temps pour relaxer!

– Prends une pause!

– Fais un ménage intérieur!

Je dois dire que depuis le confinement, je ne profite de rien et même que je ne dors pas! Mais pas du tout! Mon cerveau spin plus que jamais! Je rage intérieurement, je maudis la vie et je me cherche! C’est exactement ça, je me cherche et je me sens totalement perdue.

Je me sens inutile! La vie sur pause est la même pour tout le monde, mais comment on fait pour gérer ce vide? J’aurais voulu dire que je nage en plein océan, mais si c’était le cas, au moins, j’aurais fait l’activité de nager, t’sais! Du jour au lendemain, la fille hyperactive se retrouve désactivée! Ça fait mal.

La petite boule d’énergie a juste envie de hurler.

On se serre les coudes en étant loin, on se soutient et on s’envoie de l’amour. Ben de l’amour! Je sais qu’on vit tous la même chose, mais ma petite bête noire, à moi, c’est la solitude. On fait comment pour l’apprivoiser?

D’aussi loin que je me souvienne, même ado, je n’étais jamais seule. Toujours partie!

– Tu sors encore?

– Pas capable de rester assise trente secondes?

– Re-la-xe, Di Sei, et respire!

Malgré moi, je dois apprendre à faire tout ça : m’asseoir, relaxer et respirer, mais on dirait que ça n’a pas le même impact quand on est obligé de le faire.

On dit qu’il y a un avant COVID‑19 et qu’il y aura certainement un après. J’ai peur que le « après » soit encore plus fou qu’avant. Non? Que tous les gens comme moi, hyperactifs, se défouleront encore plus dans le « après ».

Je n’ai qu’un souhait alors : transformons notre énergie folle en énergie constructive. Bâtissons quelque chose qui servira pour le « après ». Que nous tous qui avons le mal de vivre en ce moment et qui cherchons quoi faire de nos mains, rêvons et bâtissons. Ensemble, on sera encore plus productifs!

En ce moment, je me sens inutile certes, mais ce n’est que partie remise, j’en suis certaine!

Tania Di Sei

Quand le « Monstre » n’est pas violent

Je lui avais dit qu’un jour, tout cesserait mais qu’il fallait q

Je lui avais dit qu’un jour, tout cesserait mais qu’il fallait qu’elle nous fasse confiance. Ce n’est pas facile de faire comprendre à quelqu’un qu’une autre personne a une emprise sur elle. Comment rester délicat mais ferme?

– Je l’ai dans la peau! Ensemble on se brûle, séparés on se perd.

Elle se séparait mais retournait avec lui à chaque menace ou à chacune de ses belles paroles!

Il lui disait qu’il l’aimait donc. Elle voulait lui « laisser une chance ». Encore.

Un an après être partie et libérée, il continuait à lui écrire, à lui envoyer des mots doux. Mais ce qu’elle ne comprenait pas, c’est qu’au travers de ses mots doux, il y avait des menaces. Des menaces bien inoffensives qu’elle disait parce qu’elle aussi, elle lui en envoyait. La manipulation est traître. Elle est invisible aux yeux de celle qui la subit, mais aussitôt qu’une personne doit user de violence psychologique, c’est un Monstre.

Aussitôt que quelqu’un se sauve d’une maison pour se libérer, il y a une raison. Quand le « Monstre » en question vous rappelle en disant qu’il a changé mais qu’au travers de ses paroles, il y a encore de la manipulation : il n’a pas changé. Quand la roue qui tourne est la même depuis dix ans, pourquoi soudainement la personne changerait-elle mais en conservant ses menaces? Il n’a pas changé.

Elle est retournée. Je dois respecter son choix, qu’elle me dit. Eh bien, elle devra accepter le mien qui est que moi, je ne l’accepte pas. Ma porte sera toujours grande ouverte pour elle mais lui, il ne me manipulera pas. Je dois la regarder couler, encore une fois, parce qu’une personne qui ne veut pas s’aider, on ne peut pas l’aider de force. J’ai tout essayé, je le jure.

Et chaque fois, elle me dit : « c’est la bonne ».

Je n’y crois plus.

Qu’est‑ce qui se passe dans la tête d’un manipulateur? Est‑ce une victoire pour lui? Est‑ce qu’il est fier d’avoir encore gagné? Ou est‑ce que quelqu’un peut vraiment changer?

Seul le temps me le dira. Encore.

Eva Staire

 

L’amour au temps du corona

J’ai passé une grande partie de ma vie à pratiquer l’amour à

J’ai passé une grande partie de ma vie à pratiquer l’amour à distance. Moi dans un village, une grande ville ou un kibboutz. L’amoureux dans une autre région, un autre pays, une autre réalité. On se téléphonait (oui oui, avec un vrai téléphone branché dans le mur et un fil en queue de cochon), et on s’obstinait pendant une heure pour décider qui allait raccrocher en premier. On s’écrivait (oui oui, avec du vrai papier parfumé et des p’tits minous quétaines dans le bas à droite, juste à côté des mille PS et PPS et PPSS…). On mettait un vrai timbre à 37 cents sur l’enveloppe, et on allait au bureau de poste trois fois par jour pour voir si la réponse était arrivée. On attendait, on s’espérait, on soupirait. Et on profitait des retrouvailles autant que nos parents et le temps nous le permettaient.

Mais là, avec le coronavirus et toutes les mesures visant à freiner sa propagation, l’amour à distance prend un tout autre sens.

L’amour à distance déprime les adolescents qui n’ont pas vu leur chum ou leur blonde depuis le 12 mars. C’est long, ça, quand on est un ado bourré d’hormones et d’idéaux. L’amour à distance inquiète les couples qui font maison à part et qui doivent se donner rendez-vous dans les parcs, à distance de 2 mètres. Loin des yeux… près du cœur.

L’amour à distance, c’est aussi celui qui nous convainc de déposer l’épicerie sur le balcon de mamie et de lui coller des dessins d’arc-en-ciel de l’autre côté de la fenêtre, de lui faire des bisous volants à travers la vitre et d’espérer très, très fort que les sapristi de virus la laisseront tranquille. C’est celui qui nous donne la force de lui sourire et de cacher nos larmes quand on retourne chez nous.

L’amour à distance, c’est l’appel téléphonique ou le message électronique qui relie l’enseignant et son élève. C’est l’heure passée à jouer à des jeux vidéo en ligne avec des amis, juste parce que ça nous permet d’entendre la voix des amis. Presque comme s’ils étaient à nos côtés… C’est le 5 à 7 avec les copains qui permet de faire résonner nos chin-chin sur une plateforme d’échange.

L’amour à distance, c’est la photo drôle qu’on envoie à la parenté pour leur dire que « ça va bien aller », même si des fois, on en doute. C’est le message privé qu’on envoie à de vieux amis qu’on avait oubliés dans notre liste d’amis sur les réseaux sociaux… « Salut… je voulais te dire que je pense à toi, j’espère que le confinement ne te fait pas trop la vie dure ». C’est l’appel à l’aide qu’on lance pour dire que là, c’est trop.

L’amour à distance, pour plusieurs, c’est le sacrifice du temps pour les services essentiels. C’est devoir remettre nos précieux enfants dans les mains des éducatrices, des grands-parents ou de notre parent divorcé, le temps d’aller soigner, nourrir, faire de la recherche ou prendre les décisions qui permettront à notre communauté de s’en sortir maintenant et plus tard.

L’amour à distance est fait des prières et des ondes qu’on envoie à nos proches qui sont loin (définir « loin » selon la situation : isolés de l’autre bord de la rue ou coincés de l’autre côté de l’océan, en attente d’un rapatriement). Certains ont dit « Aimez-vous les uns les autres », d’autres ont prôné « Aime-toi toi-même »… live ou à distance, mais aimez-vous.

Cet amour à distance, c’est peut-être, au bout du compte, ce qui va rendre l’amour plus proche, plus complice, plus durable. C’est peut-être la base d’un réel rapprochement social.

Nathalie Courcy

 

Pendant qu’il est encore temps.

Un jour. Mes parents vont mourir. C’est ce que j’ai réalisé, e

Un jour. Mes parents vont mourir. C’est ce que j’ai réalisé, en couchant ma fille après une journée difficile à tout faire pour l’« entertainer » tout en gérant ses multiples crises de terrible two. Même scénario que je répète depuis le jour 1 du confinement que je respecte, que je défends et que j’applique pour éviter que ma fille subisse les conséquences de ma possible négligence. Ça va bien aller, qu’ils disent.

Mes parents me manquent. Et pour la première fois de ma vie, entre le nettoyage du tiroir de bébelles et le lavage des rideaux, j’ai laissé mes pensées faire une place au fait que mes parents ne sont pas éternels. Que d’une foutue maladie, du temps, d’un accident ou d’un virus, ils pourraient en une fraction de seconde quitter ce monde.

Mes parents vont mourir. Un jour. Et ça me met la boule au ventre. Dans la dernière année, suite à une interminable séparation, j’ai été la fille la plus silencieuse, secrète, discrète et distante. Ils m’ont ouvert la porte de leur maison comme celle de leur cœur qui se nourrit maintenant du bonheur de leur petit-enfant. J’ai instauré un silence entre eux et moi pour éviter de parler de choses que je n’arrivais pas à expliquer suite à l’étape la plus difficile de ma vie. Le fait de dormir quelques soirs chez eux nous a physiquement rapprochés, mais ma froideur nous aura éloignées par ma faute.

Ils ont toujours été là, sans rien demander. Un fort jamais bien loin auquel on revient souvent, guidé par la chaleur et la douceur de leur maison.

Me voilà maintenant privée de leur présence, seule avec ma fille, et ils me manquent.

Je ne sais pas si c’est la COVID ou le printemps qui me dégèle le cœur, mais j’ai hâte de passer du temps avec eux. C’est bien Facetime, Zoom, les coups de téléphone, mais il n’y a rien qui va remplacer un après-midi dans leur cour au soleil. J’ai hâte de leur dire que je vais bien, mais qu’avant, ça n’allait pas. J’ai hâte de mettre des mots sur mon silence. J’ai hâte que ma fille puisse à nouveau courir dans leurs bras pour profiter de leur présence comme mes parents m’ont permis de le faire avec mes grands-parents. Pendant qu’il est encore temps. Un temps, qu’on n’appréciera plus jamais de la même manière.

Eva Staire

La maman est à boutte

Au début de l’année 2020, j’avais exceptionnellement pris des

Au début de l’année 2020, j’avais exceptionnellement pris des résolutions que je voulais vraiment tenir, respecter. J’avais décidé de faire plus ma part pour l’environnement, plus de recyclage, plus de compost. Je voulais vraiment recommencer à prendre soin de moi. Être plus positive, voir le bien dans toute situation.

Au début février, mon psychiatre m’a confirmé que j’étais guérie de ma dépression post-partum majeure, en plus de m’annoncer que j’avais déjà perdu 15 livres depuis le début de l’année. J’avais commencé le yoga chaud et à manger mieux. J’étais vraiment heureuse, ça faisait des années que je ne m’étais pas sentie aussi bien. J’allais faire mon premier voyage dans le sud avec ma mère et ma sœur.

Au début mars, à la fête de ma belle-sœur, je lui disais que ça me faisait peur de me sentir aussi bien, parce que j’avais toujours l’impression d’avoir une ombre noire derrière moi prête à surgir à tout moment. En deux jours, j’ai dit à ma famille et à ma belle-famille à quel point j’étais heureuse, et eux de me répondre que ça paraissait et qu’ils étaient tellement contents de me retrouver.

T’sais ce sentiment que quand tout va bien, c’est sûr qu’une marde va te tomber dessus? Bien c’était ce genre de pensée que je tentais d’éloigner. Pis j’avais l’impression que le malheur qui s’abattrait sur moi serait aussi grand que mon bonheur. Tout allait super bien dans ma vie. Un soir, j’ai dit à ma sœur : « Hey tout va bien, tu imagines la grosseur de la marde qui va me tomber dessus si ma “malédiction” est vraie! ». On rigolait, on déconnait.

Pis boom, la COVID-19 est entrée au Québec sournoisement et a explosé. Mes angoisses, mon anxiété, mes crises de panique sont revenues. Mon moral va de moins en moins bien. Mon conjoint a été mis à pied, ma fille ne comprend pas tout de la situation, sa maman travaille vraiment beaucoup et elle est toujours fatiguée, maman et papa se chicanent un peu plus. Je fais mon maximum pour retrouver ma zénitude, mon calme, je n’ai même plus la force de continuer mon yoga à la maison. Ce soir, dimanche soir pluvieux, je vois une goutte d’eau tomber de la porte patio. Je me lève et je remarque que le haut du mur est mouillé. Mon conjoint part à la recherche de la source. Tout est mouillé, mais juste là. Aucune idée d’où ça vient. Sérieux?! Tout est fermé, on ne peut pas appeler d’entrepreneur.

La maman est à boutte. J’ai envie de me rouler en boule et de pleurer. J’ai envie d’être prise dans des bras, de me faire serrer fort et de me faire dire que tout va bien aller, qu’on va s’en sortir plus forts, mais je ne peux pas. Distance sociale oblige et doublement dans mon cas puisque je travaille dans la santé. Je me suis rarement sentie aussi seule, aussi frustrée, aussi épuisée.

Parfois, un simple petit problème peut faire déborder notre vase. Ce soir, j’ai vraiment envie de rester coucher et de dormir jusqu’à ce que cette pandémie soit finie. Je veux juste retrouver ma force, ma joie, mon entrain, mon bonheur que j’ai pu savourer un temps trop court.

Petit texte sur l’angoisse.

Dans ma poitrine, il y a une boule.

Petite ou grosse. Douloureuse ou pas.

Mais elle est là.

À l’intérieur de cette boule, il y a

De la peur, de la tristesse, de la colère, mais surtout de la peur.

Quand elle fait mal, tout devient noir

Je suis en boule, en pleurs.

J’ai mal. Mon cœur veut exploser. J’ai mal.

Dans ma tête, la noirceur veut revenir.

Je sais me battre contre maintenant.

Mais c’est dur.

J’ai mal.

Je veux me battre, mais j’ai peur.

Un être invisible est devenu maître.

Je ne veux pas de cet intrus.

Je ne veux pas le donner à mes enfants, à ma famille.

Alors la boule grossit et fait de plus en plus mal.

Un jour à la fois.

Ce soir, ma boule est grosse, trop grosse.

Mais demain elle sera peut-être petite.

Alors là je vais trouver des armes et me battre.

La noirceur, je vais la repousser.

Mais pour ce soir, je vais la pleurer. En boule. Dans mon lit.

Cindy LB

 

Va donc faire un tour de machine!

J’ai beau faire du ménage, de la popote, des appels vidéo avec m

J’ai beau faire du ménage, de la popote, des appels vidéo avec mon entourage, écouter de la musique ou des films légers, dessiner des arcs‑en‑ciel et marcher, rien à faire! Je suis dévorée par cette nouvelle bête que j’ai du mal à apprivoiser : l’anxiété. Le ciel est pourtant clair et bleu comme jamais, les oiseaux sont revenus, le printemps s’installe, mais pas dans ma tête. J’en peux plus de voir mes murs et mon quartier.

— Va donc faire un tour de machine! me susurre mon subconscient.

Ou peut-être mon grand-père qui, comme la plupart de nos aïeuls, nommait ainsi les voitures.

— Si la nature ne vient pas à toi, va vers elle… En plus, le gaz n’est pas cher! m’encourage ma petite voix intérieure.

Je me prépare un lunch, question de ne pas débarquer mes possibles microbes dans un commerce d’alimentation. Et puisque cette pause humanitaire impose un retour aux sources, je pars en « road trip de la quarantaine » avec des CD et sans GPS.

— De toute façon, ces bidules finissent toujours par m’énerver, me dis‑je à moi‑même.

Instinctivement, je me retrouve sur la route qui coule à côté de la rivière et qui contourne les rares montagnes de la Montérégie. Même si la nature est encore rouillée par l’hiver, elle me fait déjà du bien. Je me remémore les randonnées de vélo qui m’avaient menée dans ce décor deux ans auparavant. Ma bicyclette avait été ma meilleure amie tout au long du retrait obligé.

— Pourquoi tu paniques tant avec ton anxiété, d’abord? C’est rien de nouveau!, me dispute ma conscience.

— Parce que je savais au fond de moi que j’en guérirais, que c’était passager. Là, personne ne sait! me suis-je répondu en levant le volume de la musique.

Au virage de ce petit rang bordé de champs et d’arbres gigantesques, des enfants jouent dehors. Mes pensées se dirigent vers mes « ti cocos » de l’école et mon cœur se serre. Certains d’entre eux sont mieux à l’école et ne doivent absolument pas comprendre ce qui se passe…

Un autre tournant me force à revenir dans le moment présent. Je suis heureuse d’apercevoir le 25 kilomètres-heure exigé par la courbe. Ça me permet de ralentir et d’admirer la rivière qui coule à flots en cette période de dégel. Je dépasse un cycliste avec précaution.

— Faudrait que tu t’entraînes, m’ordonne presque ma morale.

— J’ai pas l’goût.

— Mais t’as le temps et ça te ferait du bien!

— J’ai pas l’goût, répète ma bienveillance. Qu’est‑ce que j’ai à être vide d’intérêt?

— Ça s’appelle l’anxiété, coupe mon arbitre intérieur.

Le soleil s’étire entre les nuages, me forçant à remettre mes verres fumés. Une maison centenaire entourée d’arbres tout aussi vieux se révèle au bout du chemin. Yé! Un stop me permet de contempler. Je dois trouver ce petit rang qui offre une vue sur les montagnes de l’Estrie. Là où mes parents sont en quarantaine. J’espère qu’ils iront bien. La route étroite et abîmée par la saison des nids de poule transporte mes songes vers les voyages familiaux de mon enfance. Mon père adorait contourner les autoroutes pour emprunter de telles routes, rendant le trajet tout aussi agréable que la destination.

J’effectue une courte pause dans le stationnement de cette cidrerie que j’aime tant pour perdre mon regard dans le paysage semi-montagneux. En temps normal, j’aurais mangé ici…

— Tout ça devrait t’inspirer à écrire, murmure mon sens du devoir. T’as des fourmis dans les doigts tellement ça te manque!

— Oui, mais c’est tout décousu quand j’essaie et ça reste pris dans mon foutu jugement! lance la peur en moi.

Mon juge interne intervient encore en m’expliquant que je dois être patiente avec l’anxiété.

Après quelques arrêts ici et là pour consulter ma carte routière, je tombe enfin sur ce grand rang qui mène au petit. C’est si beau que je fais la route une seconde fois avant de m’arrêter dans le stationnement de cette autre cidrerie. Je me laisse apaiser par le paysage de ces montagnes qui se couvriront d’un vert tendre et de fleurs dans peu de temps.

— Ce sont elles qui sortiront grandes gagnantes de cette crise, me chuchotent mes pensées.

Et en plus, il n’y a pas de « oui, mais » qui résonne en moi. Sur le chemin du retour (parce que ma vessie le commande!), le soleil réfléchit sur un panneau et bien vite, cette lumière se transforme en arc‑en‑ciel. Je l’interprète comme un signe et je me dis que désormais, ÇA VA BIEN ALLER. Dame Nature mérite cette pause humanitaire et pour elle, j’accueillerai cette crise avec tous ses inconvénients et ses avantages…

Isabelle Lord

J’essaie fort, maman

En revenant de l’école, tu m’as annoncé que le monde allait s

En revenant de l’école, tu m’as annoncé que le monde allait s’arrêter pour deux semaines.

Que l’école était fermée, la garderie aussi. Tout simplement à cause d’un virus.

J’étais contente, mais je ne savais pas toute la charge que ça impliquait.

J’essaie fort, maman, je te promets.

Tu m’as dit que ton travail, par contre, n’allait pas changer. Que tes patients avaient toujours besoin de toi. Que tu devais continuer à travailler, que tu étais devenue un ange à présent.

Papa, aussi, est un ange. Son travail ne lui permet pas de rester à la maison avec nous quatre et le chien.

J’essaie fort, maman.

Puisque vous êtes des anges de la société, vous ne pouvez être nos anges et rester à la maison. S’occuper de nous, vous êtes incapables.

C’est donc à moi, la grande sœur de maintenant dix-huit ans, de m’occuper du troupeau.

Ce n’est pas la première fois que tu me demandes cette faveur. Loin de là.

Ça me fait toujours plaisir d’aider.

Mais cette fois, je crois que c’est trop.

J’essaie maman, je te le jure.

Lorsque tu m’as demandé, j’ai accepté avec plaisir, pour aider, comme d’habitude.

Je ne m’attendais pas à autant.

Tu m’as donc annoncé que nous partions au chalet.

Ça faisait plus de deux mois que je n’y étais pas allée. J’étais très heureuse de passer du temps avec vous en famille pour la dernière fois avant je ne sais combien de temps.

Mais lorsque la fin de semaine s’est terminée, papa et toi deviez retourner au travail, servir la population et être des anges.

C’est donc avec un congélateur rempli et du wifi piètrement fonctionnel que tu m’as laissée avec trois enfants de douze, neuf et quatre ans.

Deux semaines, ça va bien aller, pensais-je.

La plus jeune veut jouer. C’est normal, je la comprends. À la garderie, elle est over stimulée avec plein de jeunes de son âge. Les deux autres ne veulent pas aider pour aucune tâche.

Je te jure, maman, que j’essaie fort.

Je dois jongler avec les repas, surveiller pour qu’ils arrêtent de grignoter entre les repas et qu’ils mangent assez de légumes pour avoir du dessert.

Je dois surveiller leur santé. La plus vieille est asthmatique, c’est elle qui est le plus à risque.

Je dois veiller à ce que tout le monde se brosse les dents, prennent sa douche, joue assez dehors et à ce que personne ne s’entre-tue.

C’est vrai qu’il serait facile de les planter devant leur tablette à longueur de journée, mais notre wifi ne le permet pas. Et éthiquement non plus, ça ne se fait pas.

Être pris au fin fond des bois ne sert qu’à nous isoler. Du dangereux virus qui nous empêche de voir notre famille et qui pourrait mettre en danger la vie de ma sœur.

Je dois donc jouer à la mère 24/7.

J’essaie fort, maman, je te le jure.

Mais là, c’est trop.

Nous avons terminé la deuxième semaine et j’ai craqué.

Devant les enfants en plus. La voiture a brisé. Elle n’avance plus.

J’angoisse comme ça ne se peut pas. Je sais que j’ai un super talent pour le cacher, mais ce matin, c’était trop. Comment je vais faire s’il y a une urgence?

En plus, le cégep recommence. Comment vont se dérouler les cours? En ligne? Non, mon wifi ne me le permet pas. Des vidéos capsules, ça non plus. Comment je vais faire?

J’ai trois enfants à ma charge et un chien.

La jeune de quatre ans retient toute mon attention : je joue aux Playmobil, aux Barbie, aux casse-têtes et plus encore…

Celui du milieu doit être stimulé : être sur sa tablette le rendra légume d’ici la fin du mois. Donc j’organise des activités pour lui : maths, jardinage, tours de magie, quiz géographique. Je veux qu’il continue à apprendre.

Et la plus vieille, elle a terminé son année scolaire, mais son anglais… Elle l’a à peine pratiqué. J’essaie somme je peux d’écouter des films en anglais, de lui parler en anglais.

Je dois prendre aussi des marches, m’occuper du chien, lui apprendre des tours pour qu’il ne s’ennuie pas.

Je dois faire à manger, le ménage, le lavage, l’éducation et les activités. Parce que toujours des exercices, je comprends que ça peut être ennuyant à la longue. J’organise des repas thématiques, des chasses au trésor, des rallyes photo…

Où sera mon temps alloué pour mes études?

Quand vais‑je rédiger ma dissertation de 500 mots sur l’idéologie de Platon? Quand vais‑je avoir le temps de regarder un vidéo de trois heures sur la dissolution du cuivre en chimie? Quand vais‑je pouvoir lire mon livre d’anglais?

Ça fait déjà deux semaines et je suis épuisée. Je tourne en rond, j’angoisse quand je reçois un nouveau courriel de mes professeurs.

Je n’en peux plus.

Mais je dois rester, c’est la vie de ma sœur asthmatique qui est en jeu. Je ne peux pas l’abandonner.

On dit que c’est en situation de crise que nous voyons la vraie personne qui se cache en nous.

Eh bien, la voilà la vraie moi : épuisée, angoissée et incapable.

J’ai vraiment hâte que tout ça finisse et que vous reveniez à la maison.

Pouvez‑vous être mes anges au lieu d’être ceux de la société?

Ta fille qui vous aime et qui a besoin de vous.

Clara