Promesse d’amour — Texte : Liza Harkiolakis
Hier, huit mois après mon déménagement, j’ai défait et rangé la dernière boîte qui restait. LA boîte « divers » qu’on finit toujours par oublier. Celle qu’on fait in extremis une heure avant que les déménageurs arrivent ; ramassis de fonds d’armoires, de tiroirs, et de dessus de comptoirs. Nos disparates, nos impossibles à jeter ou à classifier.
D’une fois à l’autre, c’est pas mal toujours les mêmes choses que je « pitch » dedans. À la différence que cette année, en plus des mini lunettes de soleil, mini chaussures à paillettes ; mini peignes à cheveux, mini bandeaux à cheveux, mini sacs à main, mini rouges à lèvres et autres mini gogosses et accessoires de poupées de ma fille, il y avait aussi des échantillons de peinture, des bouts de céramiques brisés et une lettre d’amour jamais envoyée.
Cette lettre, c’était ma promesse d’amour écrite pour mon chum. Assise par terre dans mon grand walk-in, comme dans une scène de film, je l’ai relue. Et j’ai pleuré. Pour plein de bonnes et de moins bonnes raisons. J’ai pleuré, car nous ne sommes plus en couple aujourd’hui et qu’encore, certains soirs, son corps et son odeur me manquent. Son humour aussi. Accepter un deuil ou une situation, même si elle est pour le mieux, ne nous rend pas moins nostalgiques.
Après cette lecture, je me suis demandé si les choses auraient été différentes si je lui avais donné la lettre. Si notre rupture était davantage liée au contexte difficile des derniers mois ou si nos besoins, nos attentes et nos façons d’aimer étaient simplement trop éloignés. La valse étourdissante des « Si on avait fait ceci » ou des « si j’avais fait ça » a recommencé. Je suis médaillée d’or des valses mentales. Des fois, j’en doute, des fois je regrette et des fois je reste coincée dans mes grands questionnements. Une chose pour laquelle je ne doute pas cependant, c’est que ma vision de l’amour a changé à ses côtés. Depuis lui, je n’aime plus de la même façon.
Avant, je voulais de grands vertiges, de l’indélébile. Avant, je likais ces longs textes poétiques qu’on voit passer sur les médias sociaux. Ceux qui martèlent qu’on « mérite » un amour qui nous lève de terre et qui efface nos blessures à grands coups de frissons. L’amour idéal, immuable qui chasse la noirceur et les démons, mais l’amour n’a pas ces fonctions et ce serait de mentir que de promettre que mon amour à moi fait ou fera tout ça.
« Mon amour n’arrivera pas à te faire oublier les blessures et les trahisons d’amour qui t’ont profondément marqué.
Mon amour n’arrivera jamais à remplir le manque ou la sensation de vide qui peut parfois t’habiter.
Mon amour, même s’il est puissant et sincère, ne sera jamais suffisant si tu n’as pas envie de le recevoir ou s’il ne correspond pas à ce que tu crois être bon pour toi.
Mon amour n’aura jamais la saveur de ton premier amour. Il ne se rapprochera jamais de celui que tu as ressenti quand tu avais 17 ans.
Mon amour ne te tiendra peut-être pas réveillé toute la nuit, mais peut-être qu’il t’aidera à t’endormir les dimanches soirs ou ça ne va pas.
Mon amour a 44Â ans.
Il arrive plein d’espoirs, de désirs, de sincérité, mais il arrive aussi seconde main, reconstruit, réusiné.
Je ne chasserai pas tes démons, mais je resterai à tes côtés même quand ils y seront. Je ne te soulèverai pas de terre tous les jours, mais je t’accepterai comme tu es et même quand, malgré moi je te blesserai, j’essayerai de comprendre tes déclencheurs et mes erreurs afin que tu te sentes en sécurité. C’est cette promesse d’amour que j’ai envie de faire aujourd’hui. Un amour doux, loyal et vrai. Un amour qui s’installe et qui grandit ; un amour qui s’ancre et qui dure dans le temps. »
Aujourd’hui, mon émotion est passée et j’ai arrêté de pleurer. Je viens de relire cette lettre. Je suis en paix et remplie de gratitude pour ce qu’on a vécu et traversé. Lundi prochain, jour de la Saint-Valentin, je vais lever mon verre d’eau de puits aux moments doux qu’on aura eus et à tous les amoureux qui s’aiment. Et je remercierai la vie de m’avoir donné, tant de fois, la chance d’aimer avec autant de sincérité.
Liza Harkiolakis