Je veux voir mamie sur Skype!
Il y a un océan qui me sépare de ma famille. Eux au Québec, moi en France, avec toute ma tribu. Je crois que la distance ne détermine pas la force des relations humaines. J’ai lu quelque part que la distance pouvait empêcher un câlin, un bisou, mais pas un sentiment. Et malgré les 5 000 km qui me séparent de ma famille, le sentiment est toujours plus grand, plus fort. Et c’est ce que je veux transmettre à mes filles.
Parfois, je reproche aux gens qui habitent proche de ne pas vraiment se parler, de ne pas se connaître, de ne pas prendre le temps. Je connais des familles éclatées pour un malentendu, un mot de trop… Malgré la distance, je suis convaincue que nous avons construit une relation unique, spéciale. Je n’ai jamais coupé les ponts, au contraire; je vois mes filles construire un lien immuable avec mes parents, leurs cousins et cousines, leurs tantes et leur oncle. Malgré l’océan qui nous sépare, elles ne se sont jamais senties à l’écart. C’est vrai, nous sommes toujours absents pour les fêtes, les soupers en famille, les sorties à la cabane à sucre ou les activités. Ça me brise le cœur, c’est triste de ne pas partager leur quotidien. J’aimerais pouvoir dire « on va jouer chez ma sœur », « on va dormir chez Mamie… » Mais je ne peux pas. À la place, je partage des souvenirs, des anecdotes, des histoires rapportées, des conversations virtuelles, des appels…
J’appelle ma famille toutes les semaines, je suis au courant de tout. Mes filles me réclament aussi de les appeler. Elles montrent leurs dessins, leurs nouveaux jouets, ma mère montre la neige, ses chatons… La conversation est faite de moments loufoques, cocasses, il y a une certaine pureté, une innocence et une vérité dans nos échanges. Parfois, mes filles ont une idée, une pensée, une envie qu’elles veulent partager, on envoie un email ou une photo, on appelle… La technologie a grandement contribué à entretenir les relations. C’est presque naturel de voir leur visage sur la tablette, ce n’est pas rédhibitoire aux marques d’affection. Au contraire, elles aiment faire des bisous envolés, accentuer leur joie, faire des sourires. La technologie nous fait oublier la distance réelle et contribue à une proximité virtuelle, en restant très naturelle pour les enfants.
La relation est spontanée. Et quand on se voit, tout est si simple. Nous profitons du temps, il n’y a pas de place dans notre relation pour des sous-entendus, des non-dits. Les souvenirs s’emmagasinent pour les jours de séparation. On fait des réserves, on classe les moments, les visages. Combien de fois j’ai entendu mes filles dire « tu te souviens chez papi » ou « quand on sera chez matante… » J’aimerais qu’on soit là physiquement, mais au lieu de nous apitoyer sur notre sort, nous tissons une relation bien serrée. Je ne me sens pas loin de ma famille, je sais qu’ils sont là, proches et disponibles. Mes filles aussi sont conscientes que la distance n’est pas un obstacle à leur relation avec eux.
Gabie Demers-Morand