Quand ta crainte de dormir chez une amie vire au cauchemar

J’ai une fille avec un tempérament un peu anxieux. Un tempérament qui, au début de son apparition, ne causait pas trop de tort. Mais qui, une fois bien installé, nous a projetés dans les dédales de l’incertitude. Nous a fait frôler le cauchemardesque.

Tes craintes se sont manifestées à priori par de petits signes physiques. Puis, petit à petit, en grandissant, tu as mis des mots dessus. Mais rien à voir avec le rationnel. Non. Tu fabulais, tu racontais des tas de trucs afin de nous faire comprendre que telle ou telle situation te rendait inconfortable.

Nous t’avons tout d’abord soignée. Ton anxiété se manifestait souvent par des « bobos au ventre ». Puis au cœur. Maux de tête. Tu as même déjà souligné que tu croyais avoir les symptômes d’une gastro. L’attention fut renouvelée lorsqu’à travers tes mots et tes histoires, nous avons tenté de comprendre l’entièreté de ton cafouillis. Tu avais compris que plus tu beurrais épais, moins l’aide ne tarderait pas à arriver. L’attention offerte fut ainsi acquise pour les fois suivantes. Nous venions d’entrer dans une roue qui pourrait tourner indéfiniment.

Aller coucher chez une amie était souvent difficile. Tu nous appelais lorsque venait le temps d’aller te mettre au lit, prétextant un mal de ventre. Puis parce que tu n’étais pas à l’aise. À l’aise de quoi? Ça devait faire deux ou trois fois que tu allais passer de longues journées chez cette amie. Le plaisir que tu y trouvais! On ne pouvait imaginer qu’une nuit hors de la maison serait catastrophique pour toi. Et puis oui.

Dans ton imaginaire, il s’en passait des trucs. Plus tu y pensais et appréhendais ce qui s’en venait, plus tu craignais de ne pas nous savoir près de toi. Le temps a filé. Ton petit corps en a pris un coup. L’angoisse et l’anxiété se sont emparées de toi. Elles étaient de connivence. Elles se sont ralliées contre nous. Trop petite pour comprendre ce qui se passait, tu t’es alors jetée dans des histoires afin que nous mettions fin à tes supplices.

Les années ont passé, mais toujours la crainte de la nouveauté te cause des préjudices. Et par ricochet, à nous aussi.

J’avais tout fait en mon pouvoir pour instaurer ce lien d’attachement qui allait t’offrir le cadre nécessaire pour bien te sentir. J’avais toujours droit à une « crisette » lorsque venait le temps de sortir de la maison pour un moment à moi, entre filles ou pour aller faire des courses. Aller à l’école loin de moi t’était parfois impensable.

T’avais-je trop couvée? Avais-je instauré en toi un processus de crainte de la séparation? Avais-je, à un moment ou l’autre, accordé trop d’importance à tout cela, créant du coup du tort à ton développement?

Jamais tu n’avais été confrontée à une séparation angoissante, voire traumatisante au point de créer de l’anxiété.

Nos avertissements et nos menaces n’ont pas le dessus sur ce qui te ronge, t’effraie. On discute avec toi, t’explique ce qui va se passer. Cherche avec toi des solutions lorsque viendra le moment de reconnaître cet état que tu n’apprécies guère. Oui, il y a eu des menaces de perdre tel ou tel privilège si tu allais nous appeler au beau milieu de la nuit. Tu as préféré les retraits plutôt que de rester chez l’amie.

Le temps passera. Ton plaisir prendra le dessus sur l’inconnu. Tu choisiras de te faire confiance et tout ira pour le mieux. C’est bien d’écouter ton instinct, mais faut apprendre aussi à le contrôler. L’apprentissage de ce contrôle te servira pour le reste de ta vie. Fais‑toi confiance!

Je me questionne sur le lien de ce que tu as vécu toute petite et maintenant. Quitter l’enfance pour entrer dans le monde adulte te fera-t-il aussi peur que d’aller passer une nuit chez une amie? Si tu doutes de tes capacités intérieures, qu’en sera-t-il alors des questions existentielles sur ta vie? Moi, je crois en toi, mais je ne veux pas te pousser à croire en toi si tu n’as pas les bons outils pour y parvenir. Tu es ce que tu es. Ni faible ni pas bonne. Tu es toi et je veux que tu croies en toi aussi fort que nous croyons en toi. À un moment de ta vie, tu t’es fragilisée. Nous tâcherons de t’aider à comprendre que le passé n’est un présage ni de ton présent et ni de ton avenir. De t’offrir de nouvelles balises et ensemble de reconstruire ce que tu avais mis en place un peu maladroitement.

Il nous importe de te sentir bien, peu importe où tu te trouves. Là où tu seras, nous y serons.

 

Mylène Groleau



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