Essai sur le bonheur
Il y a de cela plusieurs mois, l’une d’entre vous m’a demandé ma définition du Bonheur. Une question qui m’a laissée sans mots et sans réponses. Mais pas sans réflexions et maux de tête !
D’aussi loin que remonte l’Humanité, la question du Bonheur a souvent été au centre des préoccupations des hommes et des femmes. Cette question et les réflexions qui en découlent ont fait couler beaucoup d’encre déjà, donnant naissance à de nombreuses théories ou définitions.
Cette quête incessante du Bonheur a aussi été à l’origine de nombreuses désillusions et de prescriptions d’antidépresseurs.
Alors avant d’aller plus loin dans cet essai sur le Bonheur et avant de vous partager mon point de vue, il faudrait d’abord s’entendre sur ce qu’est le Bonheur.
D’après Wikipédia (celle du Larousse est trop sommaire), la définition du Bonheur est : « Un état durable de plénitude, de satisfaction ou de sérénité. État agréable et équilibré de l’esprit et du corps, d’où la souffrance, le stress, l’inquiétude et le trouble sont absents ». Le bonheur n’est pas seulement un état passager de plaisir, de joie, il représente un état d’équilibre qui dure dans le temps.
Donc pour être heureux, il ne suffit pas de ressentir un bref contentement. Une joie intense n’est pas le Bonheur. Un plaisir éphémère non plus. Pouvons-nous nous entendre sur ce point ?
Maintenant, je pense que tout le monde s’est posé cette question au moins une fois dans sa vie, si ce n’est pas tout au long de sa vie : comment parvenons-nous à ce Bonheur ? Ou plus simplement : comment être heureux ?
Certains penseurs sages disent que le Bonheur est en chacun de nous.
Ok. Dans ce cas, il est donc bien aisé à chacun d’être heureux et d’atteindre cet état de plénitude et de sérénité, en tout temps. Arrêtons de courir et de le chercher dans un ailleurs : notre Bonheur est à portée de main. Alléluia !
Sauf que si j’adhère à ce principe selon lequel le Bonheur est en nous, je ne peux cesser de me demander si nous sommes tous égaux génétiquement et socialement pour trouver et maintenir cet équilibre durable entre l’esprit et le corps?
Après tout, ne dit-on pas que certains ont le gène du Bonheur ? Ce qui voudrait dire que d’autres ne l’auraient pas…
Certains auraient-ils plus de facilité à vivre ce Bonheur tant espéré parce qu’ils ont gagné à la loterie génétique ?
Je ne sais pas pour vous, mais moi, j’ai un malaise avec ça !
Revenons à la définition Wikipédia du Bonheur. Si je me contente de me référer à cette définition, cela veut dire que je n’ai JAMAIS été heureuse. Et que je n’ai alors peut-être pas le fameux gène du Bonheur. Attention là, ne vous méprenez pas ! J’ai vécu de nombreux moments de plaisirs, remplis de joie. J’ai aussi connu un état de sérénité et de satisfaction à certains moments de ma vie, mais… je n’ai jamais expérimenté un équilibre sans stress, sans souffrances et sans inquiétudes.
Qui, d’ailleurs, peut vraiment prétendre avoir éprouvé cet équilibre de façon durable ? Levez la main, pas tous en même temps.
Personne ?!
C’est bien ce que je pensais. Le mot clé dans cette définition est DURABLE !
On a TOUS, à différents niveaux et à différents moments, connu des épreuves difficiles dans la vie, que ce soit une peine d’amour, un deuil, la maladie, la peur ou la souffrance…
Je vous le concède, la vie est plus douce avec certains d’entre nous. Tandis que pour d’autres, qui auraient pourtant génétiquement les mêmes aptitudes et les mêmes droits au Bonheur, la vie est loin d’être un long fleuve tranquille.
Mais une chose certaine, tous ces événements — quelles qu’en soient la cause, l’ampleur ou la durée — ont fait basculer, ou du moins vaciller, cet état d’équilibre du Bonheur.
C’est ce qui fait de nous des êtres humainement constitués.
D’autres philosophes prétendent que le Bonheur est une quête. La quête d’une vie. La fin ultime. Que c’est à chacun de se le construire et de se donner les moyens de l’acquérir. Mais dans ce cas, n’est-il pas risqué de tomber dans une définition matérialiste du Bonheur ?
Alors, nous ne l’atteindrons jamais, ce Bonheur tant désiré, puisque dans nos sociétés de surconsommation, nous ne sommes jamais satisfaits de ce que nous avons. Nous en voulons toujours plus. Nous repoussons la barre du Bonheur toujours plus haut, toujours plus loin.
Et de toutes les façons, cette quête du Bonheur parfait ne peut se faire sans stress, sans peur ou sans souffrances. Nous sommes bien loin de l’équilibre recherché. Je dirais même qu’en cherchant en permanence ce Bonheur absolu, nous nous en éloignons. Il nous échappe. Pourtant, nous continuons à passer notre vie à le rechercher, sans jamais vraiment le trouver.
L’être humain est-il condamné à ne jamais connaître le Bonheur ? Le vrai.
Alors, pourquoi encore et toujours définir le sens et la qualité de notre vie selon cet état de Bonheur ?
Parce que le Bonheur est vital pour chaque individu. Il est aussi une question de santé : quand nous vivons un moment heureux, la chimie du corps s’améliore, la tension et le rythme cardiaque diminuent. Et quand nous avons goûté à cet état de bien-être, nous voulons le maintenir pour toujours. « Les hommes veulent être heureux et le rester », disait Freud.
Une chose est sûre, le Bonheur nous motive. Il nous stimule. Plus que la satisfaction qu’il nous apporte.
Le Bonheur n’est plus juste un état. Il est devenu l’étalon de mesure de nos désirs, de nos projets et de nos actes. Nous sommes naturellement conditionnés pour tendre vers cet idéal de Bonheur. Il est l’objectif ultime qui régit nos comportements et nos décisions de vie.
Nietzsche disait que « le Bonheur est une femme ». Vraiment ?
Alors je suis le Bonheur. Et pourtant, je ne suis pas heureuse. Pas tous les jours. Pas à chaque instant. Pas dans le temps. Non pas parce que certains de mes désirs ne sont pas encore comblés. Non pas parce que je suis insatisfaite des choses qui m’entourent. Non pas parce que j’en voudrais encore plus. NON.
Je ne suis pas heureuse en tout temps parce que je ne me (re) connais pas encore entièrement et que je ne m’accepte pas encore complètement pour ce que je suis.
Selon moi, le Bonheur ne tient pas au fait d’être aimé. Le Bonheur, c’est d’avoir assez d’amour pour soi. Car le Bonheur ne peut être constant que s’il est indépendant des gens qui nous entourent ou de l’environnement dans lequel nous évoluons.
Et ça — ce Bonheur — c’est le travail d’une vie !
Le Bonheur n’est pas juste un état, pas plus qu’il est inné. Le Bonheur ne s’achète pas, ne se conquiert pas et ne s’impose pas.
Le Bonheur — mon Bonheur — est de cultiver une manière d’être, de penser, de vivre et d’aimer, dans la durée. Et comme les manières s’apprennent, le Bonheur aussi.
Mon Bonheur, c’est d’apprendre à me connaître, à me découvrir, à m’aimer, chaque jour, au fil des événements de la vie, pour ce que je suis. Me choisir. Être heureuse, alors que rien ni personne n’en est la cause.
Vanessa Boisset