La face cachée du mot « projet »

Quand c’est rendu que même écrire fait peur… peur de mettre ses émotions sur papier… peur de se faire critiquer… peur de se faire dire « Hein? Toi? Ben voyons! »

Oui, je suis cette fille-là. Ça ne paraît pas, hein? Celle qui a peur de tout, mais qui doit rester forte pour les autres. Celle pour qui c’est impossible de s’arrêter trente secondes, sinon la tête se met à tourner et le vertige apparaît. Celle qui s’étourdit avec une tonne de projets pour ne pas trop penser. Oui, je suis cette fille-là.

Je suis celle qui se bat pour tout le monde. Celle qui est toujours disponible pour tout le monde. Celle qui pense à tout le monde. Et je suis celle qui s’oublie. M’oublier évite de penser. Éviter de penser évite d’angoisser. Éviter d’angoisser égale respirer.

J’ai peur d’un paquet de choses. Premièrement, la plupart des gens ont peur de foncer dans la vie pour ne pas vivre l’échec. Moi, c’est l’inverse : j’ai peur de foncer parce que je me dis : « Tout d’un coup que ça fonctionne, comment vais-je faire pour y arriver? »  Comment vais-je faire pour arriver à combiner travail, passions, projets et famille? Comment vais-je m’organiser si mon projet fonctionne? Est-ce que je vais être capable? Est-ce que je vais avoir du temps?

Ensuite, une tonne de questions tourbillonnent sans arrêt dans ma tête : que va-t-il se passer avec ma fille si je meurs? Qu’y a-t-il après la vie? Je suis le genre de personne qui ne met pas mes écouteurs sur les oreilles en public, car je n’entendrais pas le danger arriver. Le danger, vraiment? Oui. Le D-A-N-G-E-R. J’ai peur de passer ma vie à côté de la track comme on dit. J’ai peur d’arriver à quatre-vingts ans et de regretter de ne pas avoir fait ce que j’aimais. J’ai peur de marcher dans la rue le soir. J’ai peur d’oublier des rendez-vous importants. J’ai peur de mourir. J’ai peur que ma fille soit malade. J’ai peur que ma fille ne m’aime pas. J’ai peur de tout.

J’ai peur de ne plus avoir d’idées! J’ai peur que ma tête devienne vide, alors je la remplis un peu plus chaque jour. Je commence des projets et je ne les finis pas tous, évidemment. Des projets, amenez-en! Il faut que ça roule. Il ne faut jamais s’arrêter sinon, c’est le néant. M’arrêter, c’est prendre le temps de penser et je ne veux pas ça. Penser égale angoisser.

Aux yeux des autres, je suis la fille inspirante, celle qui a eu son enfant jeune, celle qui est retournée aux études et qui réalise ses rêves de plus en plus. Peut-être, mais je le fais parce que j’ai la chienne, la maudite chienne de vivre, de vieillir et de regretter! Je dois accomplir le plus de choses possible pour ne pas regretter. C’est une course! La vie est une course! J’ai peur de ne pas réussir à tout faire. C’est ironique parce que je passe mon temps à dire à ma fille que ce n’est pas une course. Mais dans ma tête, c’en est une et je ne veux pas qu’elle pense comme moi. Et si ma fille pensait comme moi?

Combien de fois me suis-je réveillée dans la nuit en pensant à tout ce que j’avais oublié de faire dans la journée? Combien de fois ai-je paniqué en silence pour ne pas déranger les autres? Combien de fois ai-je caché mes vrais sentiments quand on parlait d’angoisse? Trop de fois. Je ne voulais pas montrer la face cachée derrière tout ça. Je ne voulais pas montrer ma faiblesse parce que je ne voulais pas décevoir.

La Superwoman de jour et l’éternelle angoissée de nuit : voilà qui je suis.

Mais vous savez quoi? Je suis totalement heureuse! Cette panique me tient en vie. Elle me montre que j’existe et ça me permet de rouler ma bosse et de ne pas penser… de ne pas penser à ce que sera la vie quand je ne serai plus là. Alors le jour où vous allez me redire : « Wow! Tan, tu as un millier de projets! », vous allez comprendre pourquoi…!



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