Le jour où j’ai envoyé mes enfants seuls dans un avion
Vivre loin de sa famille, c’est accepter qu’à un moment donné, tes enfants vont partir loin sans toi… Je redoutais cet instant, je refusais d’y penser et, beaucoup trop vite, ce moment est arrivé… J’ai mis mes trois enfants, seuls, dans un avion, direction l’autre côté de l’océan…
Ce jour‑là, en arrivant à l’aéroport, tout mon corps tremblait, mais je m’efforçais de sourire… car pour les enfants, c’était la fête : ils s’en allaient rejoindre leurs grands‑parents pour des vacances de rêve !
C’est à l’autre bout du monde… Et si l’avion s’écrase ? Et s’ils se perdent ? Si quelqu’un les enlève ? Ils seront si loin…
L’euphorie grandissait au fur et à mesure que l’heure du décollage approchait. C’est quand nous avons commencé à nous diriger vers la douane que mon plus jeune s’est mis à avoir mal au ventre… – Maman, je ne veux pas partir sans toi… – On en a beaucoup parlé et tu étais prêt, non ? Ton frère et ta sœur vont être là avec toi. Tout ira bien. Ne t’en fais pas. Il n’y a aucun danger.
Il s’est collé contre moi, ne se doutant pas que ces mots, je les ai prononcés sans y croire. Car tout mon être paniquait… Ce sentiment d’insécurité me rongeait par en dedans…
– Allez, allez, un dernier câlin…
Puis, ils sont partis, main dans la main, avec leur petit sac sur le dos et leur passeport autour du cou. Je les ai regardés s’éloigner avec effroi… Ils se sont retournés souriants et joyeux, envoyant la main pour un dernier salut…
Je me suis efforcée de sourire…
Juste après, mes enfants ont passé le portique de sécurité, puis ils ont disparu derrière le mur…
Le sol s’est alors dérobé sous mes pieds… et j’ai fondu en larmes dans l’aérogare…
Les reverrai-je un jour ? Je n’ai pas de mots pour décrire la panique et l’angoisse qui m’ont submergée.
Nous sommes rentrés à la maison le cœur lourd…
– Nous n’aurions peut-être pas dû les envoyer tous les trois dans le même avion ? – Euh, pourquoi tu dis ça, chéri ? – Si l’avion s’écrase, nous n’aurons plus d’enfants.
NE JAMAIS DIRE ÇA À UNE MÈRE ! Je ne me souviens plus quand j’ai arrêté de pleurer…
Bien sûr, dans ma maison trop vide, je n’ai pas fermé l’œil cette nuit‑là. Je crois que j’ai recommencé à respirer quand ma maman m’a envoyé un message qui disait « petits colis récupérés, tout va bien ».
Quand j’ai pu entendre leurs voix enjouées, j’ai enfin arrêté de trembler…
Est-ce que mes enfants se sont amusés et ont eu de merveilleuses vacances ? Oui.
Est-ce que tout s’est bien passé ? Oui.
Est-ce que nous avons recommencé ? Oui, chaque année.
Est-ce que je me suis habituée ? Non.
Je déteste envoyer mes enfants seuls à l’autre bout du monde, et dans ces moments‑là, je déteste ma vie d’expatriée…
Gwendoline Duchaine