Prendre soin
En me couchant à 20 h 35 hier, bien accompagnée de mon rhume et de ma doudou (un vrai bébé!), je me suis dit : « Oh! Que j’aimerais avoir un bon déjeuner au lit demain matin… mais bon, ce n’est pas la fête des Mères… je n’en demanderai pas trop! ». Et j’ai dormi presque sans interruption jusqu’à 9 h 47 ce matin. Un record, pour moi qui dors normalement cinq ou six heures. J’en avais plus que besoin. Je me suis couchée hyper tôt pour prendre soin de moi.
Hier, j’avais aussi rencontré mon art-thérapeute. Une perle de douceur, de compétence, d’humour et de créativité. C’était une autre façon de prendre soin de moi. Après des années de psychothérapies, je plafonnais, je stagnais. J’ai décidé de changer de stratégie. Une art‑thérapeute fait appel à une partie de moi que je contrôle moins : mon subconscient. Elle m’aide à mettre en images et en mots ce que mon corps sait intuitivement, mais que ma bouche refuse d’exprimer.
Je mets enfin en pratique des stratégies que ma tête connaissait depuis des années, mais qui restaient de la théorie. Des bonnes intentions non actualisées : lâcher prise (je préfère parler de laisser être), dire « non » sans culpabilité, se choisir chaque jour, créer au lieu de maugréer, et prendre soin des autres et de soi.
Prendre soin des autres : mon « check in the box » était déjà fait depuis longtemps, en caractères gras par-dessus le marché. Bien que je sois la plus jeune de ma famille, j’ai appris tôt à m’occuper de mon entourage et à taire mes peines pour laisser de la place à celle des autres. J’ai observé ma mère consoler les endeuillés alors qu’elle-même pleurait un être aimé. Combien de fois l’ai-je vue donner alors qu’elle-même avait peu? À l’heure des repas, il y a toujours de la nourriture en quantité, «plus une portion pour le clochard». Comme dans le bon vieux temps. Même maintenant, si le clochard s’invite sous les traits d’une amie qui déprime ou d’un fils qui veut de la compagnie, la portion est déjà sur la table, à côté d’un café réconfortant.
J’ai intégré le modèle naturellement. Je me suis souvent fait reprocher de trop en faire et de ne jamais demander d’aide. J’avais pourtant l’impression d’afficher mes appels à l’aide comme des panneaux lumineux au centre de Time Square. Je devais être trop subtile ou aveugle aux offres de soutien. Comme le souligne Julia Cameron dans son livre sur la créativité, on résiste à ce dont on a vraiment besoin.
Dans les dernières années, j’ai commencé à « acheter » de l’aide : chiro, masso, homéo, ostéo, compagnie de ménage. En payant, je ne pouvais pas être déçue par quelqu’un qui n’a pas le temps de s’occuper de moi ou qui n’entend pas mon besoin. Ces soins m’ont donné l’élan pour aller mieux, physiquement et moralement.
Prendre soin de moi : Je me trouve dans une période de transition où je souhaite devenir plus autonome. Voyez-vous, tous ces rendez‑vous prennent beaucoup de temps et constituent un réel investissement financier (justifié, ne vous méprenez pas!). J’essaie d’établir une routine saine et réaliste qui inclurait méditation, étirements, créativité artistique, jeux en famille, yoga et alimentation équilibrée.
Je n’y suis pas tout à fait, mais ça s’en vient. En attendant de trouver le moyen de prendre soin de moi-même, je reçois de l’aide que je n’ai pas achetée. Ma maman est venue habiter chez moi une semaine pour s’occuper des enfants et préparer plein de bons petits plats (12 pâtés, 48 conserves de viandes et de soupes, en plus des préparations à muffins et à salades de couscous). Mes beaux-parents ont aidé mon mari à préparer la maison et le terrain pour l’hiver. Mes amies m’accueillent à bras ouverts pour une fondue ou un thé.
Ce matin, mes enfants sont entrés dans ma chambre tout doucement avec un plateau de déjeuner. Avec papa, ils m’avaient préparé une crêpe à la confiture et aux bananes (« Maman, c’est moi qui ai coupé les rondelles de bananes. On a choisi la plus jaune pour que tu guérisses plus vite ») avec un verre de lait. Sans l’avoir demandé, j’ai eu mon déjeuner au lit. Et une conversation complice avec ma belle Cocotte sur l’amour, le bonheur, la santé, la zoothérapie et la famille.
Quand mes enfants sont arrivés dans ma chambre, je rêvais que je perdais mes dents. Selon les dictionnaires d’interprétation des rêves, perdre ses dents signifie qu’on a peur d’abandonner nos défenses inconscientes. Peut-être. Mais je sens que cette crainte se dissipe peu à peu. J’accueille l’aide généreuse des autres, et cela me donne la force de prendre soin de moi autant que je prends soin de ceux que j’aime.