Je te vois couler
Je me souviens du jour où j’ai réalisé que tu coulais. Tu étais dans le salon, le regard vide, à faire semblant d’écouter un truc.
Ce qui te faisait sourire t’irritait maintenant.
Le rire de nos si belles filles était un bruit de fond qui te laissait de marbre.
Les regards que tu posais sur moi étaient ternes.
Tu coulais tout doucement mais certainement dans ton abîme.
Le jour où j’ai réalisé que je te perdais pour ton monde intérieur, j’ai eu si peur.
Peur que plus jamais on ne reconnecte, toi et moi.
Peur que tout ce qu’on avait construit toi et moi s’effondre.
Que la vie nous ait usés finalement.
Peur que plus jamais tu ne retrouves ton enfant en toi (qui m’exaspérait tellement avant).
Peur pour nos filles, qu’elles perdent l’ami, le cascadeur, le clown qu’elles aiment tant.
Le jour où j’ai réalisé que tu coulais, j’ai vu la douleur que tes parents portaient de voir leur fils si mal en point.
Le jour où j’ai réalisé que tu coulais, j’ai prié pour que la vie te ramène vers la lumière.
Cela n’a pas été facile.
Tu as galéré hein, il n’y a pas d’autres mots !
Doucement mais sûrement, tu t’es accroché aux parcelles de lumières que tu trouvais, comme à une bouée de sauvetage.
Tu as fini par toucher au rivage et accueillir la chaleur de la terre.
Tu as cheminé un peu comme un papillon qui éclot… en magnifique papillon.
Plus grand, plus beau, une version améliorée de l’homme que tu étais.
Tu as trouvé ta voie vers la vie que tu souhaitais pour toi.
Tu t’es choisi pour qu’à la fin, ta présence parmi nous soit encore plus grandiose et magique pour nous.
Quand je te regarde aujourd’hui si rayonnant, je remercie la vie parce qu’un jour… je t’ai vu couler.
Martine Wilky