T’es beau, tsé!

Je te trouve encore beau, tsé… Mais pas comme avant…

Avant, je te trouvais beau parce qu’avec tes six pieds trois pouces et tes épaules carrées, je faisais l’envie des copines et puis à ton bras, je paraissais beaucoup plus grande que mon cinq pieds deux pouces (et demie). Avant, je te trouvais beau parce qu’avec tes yeux bleus comme le ciel du mois d’avril, quand la neige est si blanche qu’elle découpe le paysage et fait ressortir toutes les couleurs qui s’en approche, tu pouvais faire fondre n’importe qui, n’importe quoi, mais c’est à mes côtés que tu as choisi d’exister, forever. Avant, je te trouvais beau avec mes yeux et c’était sans gène ni retenue que je te le démontrais, que je me pendais à ton cou, que je me jetais vers toi.

Je te trouve encore beau, tsé. Mais pas comme avant.

Parce qu’avant, la maison était toujours propre et le souper, s’il n’avait pas été préparé par l’un de nous, se prenait candidement au restaurant, peu importe lequel. Avant, on n’avait pas à mettre le nez dans nos vêtements pour savoir s’ils étaient propres ou sales et tes bas qui trainaient sur le plancher, entre le lit et le panier à linge, ne me donnaient pas envie de tuer. Avant, il n’y avait que toi et moi et je n’avais rien d’autre à faire que de te trouver beau et de vaquer à mes occupations.

Puis, les jumeaux sont arrivés, avec tambours et trompettes, avec biberons et couches pleines, avec 4 changements de pyjamas par jour et une plus grande soif que ton oncle alcoolique. Ils sont arrivés en fessant dans le tas et puis je n’ai pas eu le temps de m’assoir deux secondes pour te trouver beau, depuis des mois.

Je le sais que toi au fond, tu n’as jamais cessé de me trouver belle. Tu dis que de me voir avec les petits collés contre ma peau fait naître en toi une passion que tu ne te connaissais pas. Tu dis que l’instinct maternel des femmes est sans aucun doute notre plus grande force, et que cette force nous donne des airs de Wonder Woman, que ça nous rend belle, encore plus belles, nous les femmes. Tu dis que de me voir porter un des deux petits dans mon châle alors que l’autre est assoupi, pour pouvoir avoir mes mains libres et faire la vaisselle, ça me rend irrésistible. Moi, je trouve que je suis pas mal résistible ces temps-ci!

Je te trouve encore beau tsé, mais pas comme avant.

Maintenant parfois tu pars pour le boulot et dans ma tête, j’ai un plan très clair de ma journée. Je me vois faire le ménage de la maison et réussi à plier la montagne de linge propre, nourrir les petits et leur faire prendre leur bain puis nous cuisiner quelque chose de bon, de savant, dont j’aurai pris la recette sur internet et je me vois donner le boire aux garçons avant ton arrivée, pour que nous puissions passer quelques heures ensemble et pour que je puisse enfin te trouver beau comme avant. Te toucher, te sentir me toucher. Il me semble que ça fait des siècles qu’on n’a pas pris le temps de prendre le temps l’un pour l’autre.

Puis, le soir, lorsque tu arrives à la maison, je n’ai non seulement pas eu le temps de faire le lavage, le ménage (la douche est propre par contre, thank god), la vaisselle, mais tu devrais te considérer chanceux que je n’ai pas foutu le feu à ladite maison en oubliant les filets de tilapia congelé dans le four, pendant 3 heures. Méchante chance que tu aimes le Kraft Dinner parce que c’est ça qu’on mange pour souper, mon amour.

Tu ne le sauras probablement jamais, que toute la journée j’ai essayé de gagner du temps, pour pouvoir en passer plus auprès de toi, que j’ai envie d’être collée contre toi (nue de préférence), mais que je suis si fatiguée que j’en oublie mes envies. Tu ne le sauras jamais non plus que maintenant, je te trouve beau lorsque tu changes deux couches en même temps, sans que le cœur te lève, et que tu réussis mieux que moi à calmer Félix lorsqu’il a des coliques. Je te trouve beau le soir, quand tu reviens de travailler et qu’après avoir déposé un baiser sur mon front tu te diriges immédiatement vers eux, et tu les serres dans tes bras, longtemps, doucement, tendrement. Puis je te trouve beau la nuit, parce que tu dois te lever à 8 heures tous les jours pour le travail, mais que tu insistes pour donner les bouteilles de minuit et trois heures pour que je me repose. Je te trouve beau, lorsque tu donnes le biberon en chantant du Willie Nelson et quand tu les assois dans leurs chaises berçantes devant toi lorsque tu te rases, même s’ils n’ont que 3 mois et qu’ils ne comprennent pas ce que tu fais du tout. Je te trouve beau lorsque tu leur racontes ta journée en détail et que tu ris aux éclats juste parce que l’un deux a ‘fait une drôle de face’.

Parfois, je me demande si tu t’ennuies de la moi d’avant. La moi qui te trouvait beau avec mes yeux. Je me demande si tu le sais, que je te trouve encore beau, mais que maintenant c’est avec mon cœur. Mais aujourd’hui, j’ai fait le lavage et la vaisselle avant midi et les petits sont déjà propres comme des sous neufs. J’ai mis un rôti dans le four vers deux heures et oui, j’ai activé la minuterie. Tu ne travailles pas demain et puis, si je ne suis pas dans le coma lorsque tu passeras la porte en revenant du travail, laisse-moi te regarder de plus près et te trouver beau, comme avant.



Commentaires