Toi le seul homme de la maison – Texte : Mylène Groleau

Lorsque je t’ai connu, tu avais déjà à ta charge une Julia, blondinette de deux ans. Puis, la famille s’est élargie à la vitesse grand V. À quarante semaines pile poil de grossesse, nous avons vu en plus que trop gros plan que le petit être à venir n’avait pas le petit engin qui lui déclinerait toute masculinité. Deux semaines après cette vision, nous avons accueilli au sein de notre nouvelle famille moderne recomposée une nouvelle petite fille, Lauriane.

Deux années se sont écoulées et le désir de devenir parents à nouveau a effleuré nos esprits et nos hormones. Nous n’avions pas trouvé de prénoms de filles, mais pour un garçon, nous nous étions mis d’accord avant l’arrivée de Lauriane.

À la première échographie de cette rencontre fœtale, j’ai bien vu cette fraction de seconde de deuil que tu as vécu lorsque la dame nous a annoncé qu’il s’agissait d’une fille. Tu n’étais pas déçu que ce soit une fille, mais tu as vécu un deuil de plein de projets, de plein de désirs à partager pour TON gars. Cette naissance à venir te renvoyait au banc des papas à qui l’on dirait à la blague : « Ouin… tu n’es pas capable de faire des gars! Tu sais juste faire des filles. » Il n’y aurait pas de Fabrice, mais bien une Emmanuelle qui allait se joindre à nous.

Moi qui, de prime abord, n’avais aucun désir d’avoir des filles! J’avais toujours eu peur de ne pas être à la hauteur des exigences féminines à transmettre. Toi, en prof d’éducation physique qui ne jurait que par ses années d’enseignant, de joueur de football dans tes années d’étudiant au secondaire et au collégial, pour ainsi transmettre ta passion à ta progéniture masculine. Nos désirs s’étaient probablement entremêlés quelque part.

Dans cette fraction de seconde, nous ignorions tout de l’avenir de nos trois filles. Pendant des années, je t’ai vu encourager de jeunes garçons en devenant coach de football à ton école secondaire. Tu avais ainsi trouvé ta façon à toi d’avoir le loisir de partager ta passion et de vivre plein de réussites avec tes gars « cadets » en les amenant comme champions interrégionaux, l’année où Lauriane a vu le jour. La fierté se lisait dans tous les pores de ta peau.

Les années se sont écoulées et tu es devenu tour à tour entraîneur et arbitre au football. Les filles ont aussi évoluée et ta grande a débuté une passion pour le volleyball. Son engouement te replongea dans tes premières années comme entraîneur pour des jeunes du secondaire, pendant lesquelles tu les glorifias du titre de champions à la première édition du championnat provincial benjamin en 1990. Te voir revivre ces années dans la passion de ta fille t’a amené à nous partager des tas d’histoires. Dans tes yeux brillants, on voyait se dérouler un pan de ta vie qui nous était depuis inconnu. On y voyait poindre des étincelles aussi grosses que des projecteurs sur un terrain de foot.

 

Tu es devenu l’entraîneur de l’équipe de ta fille, emmenant son équipe vers le titre de championnes au championnat régional juvénile. Désormais, tu partageais ton désir de transmettre tes passions à ta fille, à ta Julia.

Outre le sport qui te définit si bien dans la vie, tu transmets tes autres connaissances à notre trio de filles dans des domaines où moi, je n’ai pas ou peu de connaissances. Je t’ai vu enseigner à conduire à ta fille Julia et le tour de notre Lauriane viendra sous peu. La patience que tu as eue! Je t’ai vu être inquiet de les savoir dans diverses situations ou endroits. Tu as toujours pu avoir avec elles des discussions sur la façon dont un gars peut interpréter les choses. Rien à voir avec mes dires, puisque c’est toi qui avais l’expérience masculine et ainsi, tu devenais plus véridique par tes propos. Tu les laissais ainsi plus aptes à comprendre comment un gars pense ou réfléchit. Lorsque j’ai évoqué les dialogues sur les moyens de contraception, tu as donc pu y ajouter ton mot pour qu’ainsi, nos filles puissent déjouer les tentatives masculines de ne pas utiliser de condom.

Tu es un papa fier de ses filles et tel un paon, tu trônes dans ton habitat entouré de tes « femmes ». Un vrai patriarche!

Nos filles vieillissent et amènent des amis ou des amoureux avec qui tu peux échanger sur le football, sur les courses automobiles… des vraies conversations de gars autour d’une bière.

Je te l’accorde, les sujets lors des soupers en famille sont plus portés sur les dernières tendances de la mode, les potins de fifilles, les petits problèmes féminins… mais tu as ton garage pour t’y réfugier lorsque tu en as besoin, contrairement à moi que notre progéniture ultra féminine suit constamment d’un bout à l’autre de la maison.

En somme, peu importe le sexe de nos enfants, l’important reste ce qu’on leur transmet. Nous aurions pu avoir un garçon, notre Fabrice aurait pu été ultra ludique et se tenir loin des gymnases, loin de tes passions.

Et, dans l’équation, si tu avais le choix entre une équipe de football ou une équipe de cheerleaders? Dis-moi, quel homme n’aurait pas envié être à ta place?!

Dans cette fraction de seconde où nous avons vu que c’était une troisième fille, tu crois probablement avoir perdu un petit quelque chose, mais en fin de compte, tu as gagné au change. Tu as une femme qui t’a accompagné dans ta passion (ok, je ne comprends pas tout sur le football, même après dix‑sept ans, mais je te suis, te soutiens et t’encourage), tu as une grande qui aime recevoir tes conseils et s’entraîner avec toi pour poursuivre sa passion pour le volleyball au niveau collégial et qui partage le tout avec son « pops » à elle, une jeune adolescente qui veut jouer au flag-football à son entrée au secondaire et une autre qui bricole et te suit avec ses outils.

 

Je n’aurais pu choisir meilleur homme pour m’accompagner auprès de nos filles.

 

Mylène Groleau



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