Un ennemi dans mon frigo

Je suis éducatrice depuis de nombreuses années. Au fil des ans, j’ai connu différents enfants. Chaque fois qu’il y avait un enfant allergique à un aliment, j’étais nerveuse, inquiète. Un seul aliment pouvait dans certains cas enclencher une réaction très grave, voire la mort. Je m’assurais de nombreuses fois que ce qu’il allait manger ne contenait pas son allergène. À chaque repas ou collation, je remerciais le ciel d’avoir des enfants sans allergies. Je me demandais comment les parents vivaient avec cette condition sans mourir de stress.

 

Et puis, récemment, tu t’es mise à avoir mal au ventre, ma grande. On se demandait pourquoi, on est même allés consulter. Personne ne trouvait la cause de tes maux. Je me suis mise à écrire tout ce que tu mangeais, parce que les maux de ventre empiraient. Un pressentiment de maman? Peut-être. Un soir, tu t’es mise à vomir. Mon dieu, je n’avais jamais vu autant de vomi de ma vie. Papa et moi, on a regardé les notes. C’est là que nous avons réalisé que chaque fois que tu avais des douleurs au ventre, tu avais mangé des œufs, dans sa forme pure. On a appelé ton médecin. On a pris rendez-vous. Mais avant même le fameux rendez-vous, tu t’es mise à crier, à hurler de douleur. Je ne comprenais pas, tu n’avais pas mangé d’œufs. Et là, j’ai réalisé que tu en avais mangé, indirectement, dans une recette de galettes. 

 

Papa est allé à l’urgence avec toi. Tu as vu un médecin rapidement. Le verdict est tombé : allergie aux œufs soupçonnée. À partir de ce moment, plus d’œufs dans ton alimentation, jusqu’au test d’allergie. On a arrêté à la pharmacie pour prendre l’Epipen prescrite.

 

Maintenant, je fais partie de ces mamans inquiètes. Je m’informe sur les options de remplacement dans les recettes. Je lis les étiquettes des aliments un million de fois. Chaque fois que tu manges, je suis inquiète, parfois même paniquée. Et s’il y en avait… et que j’ai mal lu.

 

J’ai discuté avec des parents qui vivent avec des enfants allergiques. Il paraît qu’on finit par s’habituer, qu’on devient moins nerveux. On apprend à connaître ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Ils m’ont tous dit la même chose : le pire, c’est dans les restos. Là-bas, on n’aura pas le contrôle.

 

Je ne sais pas pourquoi, mais je pensais qu’à huit ans, tu étais à l’abri. Pourtant, je savais parfaitement qu’une allergie peut se déclencher n’importe quand. Je souffrais probablement de la pensée magique.

 

Mais maintenant… J’ai peur…

 

Mélanie Paradis



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