Une bataille menée avec courage

Non, les soldats n’ont pas gagné. La vraie combattante est encore debout, vacillante par moment.

À vous qui êtes témoins, gardez votre cœur ouvert.

C’est le bébé de la famille, elle est de dix ans ma cadette. Je suis déjà une maman depuis un moment. Au début, on ne comprend pas la valse des tentatives. Les trop nombreuses injections, les absences du travail, les embryons congelés, les prises de sang. Se dépêcher d’aller à la clinique pour faire mesurer le taux de ceci, la longueur de cela. Parce que non, la vie ne trouve pas sa route facilement dans le corps de toutes les femmes.

De loin, au bout du fil, écouter pour comprendre le parcours de la combattante. Car Dieu sait qu’elle passe par toute une gamme d’émotions : l’espoir, l’envie, le déni, la déception, la colère, la tristesse, la douleur physique, l’angoisse, le rêve, et combien d’autres. Elle le veut depuis si longtemps. Surtout, l’écouter avec amour. Elle ne veut pas se faire dire « ben c’est pas grave, y’en reste d’autres ». Non, c’est celui‑là. Point. Ce soldat ou cette soldate. Toutes les attentes, les rêves sont tournés vers ce trésor. Il faut que celui‑ci s’ancre, se love, fasse partie de cette famille, sa famille. Il l’a choisie pour huit semaines. Ma sœur a été une maman pendant ces jours, à lui parler, lui chanter des berceuses, s’imaginer sa petite voix, la couleur de ses yeux…

De loin, accueillir, sans jugement. Cette bataille n’est pas la mienne, mais la combattante et son amoureux ont besoin de sollicitude, de compréhension pour trouver tout le courage pour traverser ce processus, ce marathon. La chambre est en attente, la poussette prête, le premier pyjama est acheté, les peluches aussi. Lorsqu’un cœur de parents se prépare, mais que tous les pourquoi ne trouveront jamais de réponses. Pourquoi son cœur s’est‑il arrêté? Aurait-il été handicapé, malade, malformé? Ai-je pris assez de repos, trop marché, pas assez mangé? Huit semaines où tout aura été tenté pour qu’il s’accroche, mais non… Il faut l’inviter à sortir…

Le champ de mines : le soir où elle m’appelle, complètement paniquée, car elle doit prendre LA pilule qui expulsera le soldat déjà mort. Non, il n’a pas voulu s’accrocher, grandir. Il a choisi. Il DOIT sortir de son lit. Elle saigne abondamment, se lève péniblement jusqu’à la salle de bain, toute en sueur. Son partner la soutient, du mieux qu’il le peut. Des étourdissements. Elle entend les coups de fusil, les bombes. Elle sent les déchirements dans son corps. L’heure de la désolation a sonné. L’obus rouge au fond de l’eau, qui se désintègre.

La vraie combattante est encore debout, meurtrie. Elle et lui ne seront pas des parents. Elle et lui, seuls mais ensemble. Ils ne resteront pas dans les tranchées.

Elle poursuit sa route, la tête haute, le cœur qui a besoin d’être pansé. Vous qui marchez avec elle, accueillez, sans jugement.

Je suis si fière d’elle.

Ma sœur de dix ans ma cadette, mon héroïne qui mérite une médaille.

Ma combattante, je t’aime. xxx

Solène Dussault



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