Vie de vagin

« Faque là, fille, t’as le choix : soit je r’garde ce qui se passe avec ton vagin, soit j’examine les oreilles de ta fille. On n’a pas le temps pour les deux. C’est simple de même. » Ses grands yeux bleus me fixaient en affichant un air d’impatience. Tsé, le regard «Awwwwweilllle-branche-toééé! » du médecin écœuré qui en est à sa 37e heure de travail consécutive. Un vagin ou des oreilles. Dre Lucie avait raison. C’était un choix facile.

Ça faisait quatre jours que j’avais mal au ventre et que ça me brûlait quand j’allais faire pipi. Sans savoir ce que c’était, je savais que ça n’allait pas partir aussi vite que c’était arrivé. Soit je me gâtais avec un examen gynécologique en règle et des antibiotiques pour retrouver mon vagin de course, soit je laissais le soin à ma fille de quatre ans de découvrir le chemin nébuleux de l’autoguérison en souhaitant que son tympan n’explose pas. Elle avait raison, Dre Lucie, vraiment simple comme choix. Des oreilles, elle en avait deux!

Dans un moment de doute, j’ai baissé les yeux. J’ai vu la petite face blafarde de ma cocotte, ses yeux bouffis, sa conjonctivite naissante pis l’empreinte de sel laissée par sa larme à moitié séchée. J’ai pris un grand respire pis j’ai PAS choisi mon vagin. Avant de me coucher, pendant que je me versais un verre d’eau froide entre les jambes pis que je grimaçais en faisant pipi, je me suis dit que si jamais je devais me réincarner en partie anatomique, je ne reviendrais pas en vagin. Drôle de réflexion? Je sais, oui.

Ça doit être vraiment poche, la vie d’un vagin. Ça commence par des bobettes cheap qu’on achète pour faire plaisir à notre chum. Full polyester, full teinture chimique, full pas confo : un string de danseuse avec la corde raide comme d’la jute pis qui nous écorche le d’dans des fesses quand on marche avec. On essaie de bouger avec assurance et sensualité, mais on n’y arrive pas dans nos bobettes made in China. On se ressaisit, on se dit que c’était un coup d’folie, que ça ne vaut pas la peine de garder ça, mais là, « Minou » se pointe dans « chambre; le regard avide et le pantalon content-content. Huit secondes top chrono : les bobettes de faux satin soyeux sont su’l’ plancher pis la bonne femme est su’l’ dos. On ne se plaint pas, nous autres aussi, on a aimé ça, mais trois jours plus tard, c’est la catastrophe-allergie-à-la teinture et hop les antibios! La vie 1 — Vagin 0.

Ça vient pis ça sort aussi, dans ce coin-là : des tampons, des DivaCup, du lubrifiant, du latex, des amoureux pis des gringos. On s’émancipe, on s’apprivoise, on a du fun et, pas longtemps après, on se case, on s’assagit. Là, c’est la grossesse, c’est Dieppe : le débarquement de Normandie! Vingt-quatre heures de travail pour accoucher de huit livres compactes d’amour. Passage ravagé, le v’là, effoiré, déchiré. Miséricorde. Faut le recoudre, le r’nipper pis faire ben des exercices si on ne veut pas toute notre vie faire pipi dans nos pantalons. La vie 2 — Vagin 0.

On pense que le pire est passé, qu’une fois les naissances finies, notre vagin aura enfin un répit, mais non. La ménopause se pointe et avec elle, la sécheresse, la douleur et le manque d’envie. On se bourre de ginseng et on se beurre de lubrifiant. On se tue dans les cours de yoga, on redouble d’ardeur au gym, on se cherche un boost d’hormones, d’endorphines, mais y a rien qui marche. Niet, nada, c’est le néant. La région aride, on attend la mort, la réincarnation, le retour à nos vingt ans. C’est la traversée du désert. Tristounette, on prie en attendant. Et un beau jour, Alléluia, l’univers nous entend et on trouve des pilules miraculeuses qui simulent la Mousson! On revit, on sourit, on est gaillarde : Minou, vient par ici, pis aweille dans l’lit! L’humidité retrouvée, l’engin reprend vie! La vie 3/4/5 — Vagin 0.

Conclusion philosophique de tout ça? Ben, non, y en a pas! Sauf que la vie d’un vagin, c’est un interminable combat de UFC. Alors, mesdames, et même messieurs, prenez votre temps et choisissez bien en quoi vous voulez vous réincarner dans votre prochaine vie!

 



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