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Toi l’éducatrice des 18 mois

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Tu en as déjà côtoyé des enfants de cet âge. Plus jeune, tu gardais chez la voisine. Tu sais qu’ils prennent du temps à te faire confiance. Que leur dialogue est plutôt restreint. Qu’ils rechignent lorsqu’ils n’ont pas ce qu’ils désirent. Qu’ils veulent tout faire « tu seul » parce qu’ils se croient « pacables » et lorsqu’ils ne sont pas capables, ils continuent de s’entêter. Ils vont là où tu ne veux pas et vice versa. Ils sont une roue sans fin. Mais qui avance, lentement, mais sûrement. Ils sont si adorables. Quand ils aiment, ils aiment. Et tu deviens rapidement une héroïne lorsque papa et maman quittent pour une sortie. C’est TOI qu’ils veulent.

 

Comme tu excelles en tant que gardienne, tu te dis : « Je pourrais en faire une carrière! J’aime ça moi, les enfants. Et eux, ils m’aiment! »

 

Puis, tu t’inscris. Tu jubiles de commencer les cours qui feront de toi une bonne éducatrice. Et tu as ta remise de diplôme qui te projette dans le fabuleux monde de la petite enfance. Tes premiers remplacements ou encore ton premier poste en petite enfance t’offrent le défi des 18 mois. Tu plonges du plus haut tremplin de tes connaissances dans cet univers rempli d’apprentissages. Car 18 mois, ça sonne comme APPRENTISSAGE en tout point. Imaginez tous les débuts de la petite enfance. La majorité de ceux-ci sont centralisés à cet âge. D’où l’intensité. Quand tu as plus ou moins l’expérience avec ce groupe d’âge, tu vis alors TA PREMIÈRE JOURNÉE. Ta VRAIE journée d’éducatrice. On ne se le cachera pas. C’est un âge intense. Instable au niveau émotionnel. La limite du vocabulaire n’aidant en rien. On se projette dans la formulation de nommer ce que l’on voit pour chercher ce qu’ils veulent bien exprimer.

 

Visiter un local 18 mois peut paraître à priori un peu intimidant. Tout est mis à la disposition pour que les enfants acquièrent de l’autonomie. Une autonomie à la grandeur de leur âge, mais loin du tien. Tout est lilliputien. Et là, tu fais : « Oupelay!  Ici, ils peuvent avoir accès à l’eau du robinet? Tu seuls. »  Tu fais le décompte des casiers à couches et oui, il y en a au moins huit. Ils sont huit dans ces locaux. En début d’année, il est plutôt rare de tous les retrouver en petites culottes. Tu es mieux d’aimer ça, changer des couches. Ce n’est que le début de tes haut‑le‑cœur. Des ti poupou dans le petit pot, ben, ça colle dans le fond. Pas pour rien qu’on appelle ça « l’apprentissage ». C’est un terme tout indiqué pour tes débuts à les mettre en culottes.

 

À la sortie extérieure du matin, tu commences à habiller le premier. Et tu recommences! Il n’est pas rare que les premiers finissent les derniers et les derniers seront alors les premiers à force de tous se déshabiller et se rhabiller. Lors de la rentrée de ce temps à l’extérieur, on se dit que les parents sont bons d’être capables de reconnaître les vêtements extérieurs de leurs enfants… mais huit paires de mitaines et de pantalons achetés au même magasin et NON IDENTIFIÉS AU PRÉNOM DE L’ENFANT, ce n’est pas reconnaissable lorsqu’ils déposent le tout en tapons souillés sur le sol du vestiaire pour se précipiter dans le local. S’amuser étant toujours plus plaisant que ranger. Tu jouis alors de ta forte mémoire visuelle pour tout rapatrier.

 

Au dîner, dans tout le groupe, un seul n’a pas sali son bavoir et ses mains. ABRACADABRA! MAGIE-MAGIE! Et tu devines son truc seulement lorsque tu lui enlèves son bavoir. Il est finalement maître pour essuyer ses mains sur son chandail et son pantalon à ton insu, sous ledit bavoir intact. (En passant, c’est non les designers de mode enfantine! À 18 mois, du linge blanc ça ne reste pas blanc! C’est bien cute… mais étrangement, ça prend la teinte orangée de la sauce tomate. Ou encore la couleur feutrée du crayon INDÉLÉBILE.)

 

Comme tu n’es pas suffisamment rapide pour resservir le repas à la vitesse de l’éclair pour huit affamés, eux trouvent la solution facilement dans l’assiette du voisin. Les cocos trop curieux qui se retournent pour voir d’où vient un bruit vont échapper leurs assiettes au sol. Les verres qui se vident sur la table, tous s’amusent à taper les mains dans le liquide renversé. C’est d’ailleurs ce son qui t’a fait comprendre l’excitation soudaine à la table. 

 

Après avoir récuré le désordre du repas et changé les couches pour la xième fois, ces étapes viennent terminer l’avant-midi et nous dirigent vers l’heure de la sieste. 

 

Une musique relaxante qui, nous l’espérons, fera son œuvre sur ces petits corps trop animés par l’envie de vivre toutes les occasions que la journée leur offre. Dieu seul sait qu’il y en a des occasions dans une seule journée!

 

On sort les matelas. On assemble couvre-matelas et hop, c’est le chaos sur le plancher. Tout se mélange. Avec une dernière énergie trouvée au fin fond de nous, on finit par disposer dans le local ce qui nous sera salutaire pour permettre aux bambins de recharger leurs batteries. Ils s’endorment rapidement. Quelques petits rappels à l’ordre et caresses sur le dos et c’est le silence… CHUT! 

 

Ils se réveillent, chacun à son rythme. L’heure avance. Rangement des matelas, changements de couches, lavage des mains (c’est toujours un moment fort de pouvoir jouer dans l’eau), supervision à distance. Collation. Les départs de la fin de journée qui s’amorcent. Certains pleureront de devoir partir, d’autres de voir les autres quitter mais pas eux.

 

Tu finis ta journée, épuisée, vidée d’énergie, mais remplie de « colleux », de je t’aime, de sourires, de moments précieux. Autant ils apprennent sur la vie du haut de leur bas âge, autant tu apprends à être patiente, calme, sereine. Les prendre et les aimer à un âge plutôt rudimentaire et les voir quitter ton groupe en fin d’année te laisse voir le grand bout de chemin qu’ils ont accompli à tes côtés. Le langage a explosé. Leur autonomie a avancé à grands pas. Tu leur as appris à attendre, à persévérer. Tu les auras sécurisés dans une routine. À faire confiance. À avoir une base dans leur estime d’eux. Tu les auras guidés dans leur prise de risque. Tu auras été significative en cette année remplie d’apprentissages. Tu en auras bercé des accidents, des maladresses. Tu en auras bécoté des petits bedons pour des chatouilles. Tu en auras entendu des « JE T’AIME » comme jamais. 

 

Mylène Groleau

Ce soir, je n’ai plus de bébé

Quand un bébé a 18 mois, ça change beaucoup de choses. Parce quâ€

Quand un bébé a 18 mois, ça change beaucoup de choses. Parce qu’un poupon, ça a entre 0 et 18 mois. Après ça, ce n’est plus un bébé. Il peut dormir dans un grand lit, manger à la grande table, et faire toutes ces choses que les plus grands font. Et tous les parents savent que cette nuit est bien spéciale…

Lorsque ma première fille a eu 18 mois, j’ai eu un serrement au cœur. Un gros serrement. Je me sentais tout à coup tellement inutile. Elle parlait tellement, donc elle n’avait plus besoin de moi pour s’exprimer, pour s’affirmer. Elle était propre, de jour comme de nuit, donc je n’avais même plus de couche à changer. Elle se développait, toute seule, comme une petite femme en devenir. J’avais tout-à-coup l’impression qu’elle n’avait plus besoin de moi.

Lorsque ma deuxième fille a eu 18 mois, j’ai eu un serrement au cœur. Encore un gros serrement. Elle s’était sevrée seule, quelques mois plus tôt, sans que je ne sois vraiment prête moi-même. En fait, elle évoluait tellement vite que j’avais surtout peur d’en manquer des bouts. Le temps filait à une allure impressionnante et j’arrivais à peine à croire qu’elle était si grande, déjà. Je la voyais tellement minuscule dans son grand lit, toute seule.

Cette nuit, ma troisième fille a 18 mois. Elle dort en ce moment. Elle ne se rend même pas compte qu’elle se réveillera en laissant son titre de bébé derrière elle. Et j’ai un serrement au cœur. Un serrement qui, cette fois-ci, prend toute la place. Je la regarde dormir, si paisiblement, et je me rends compte que j’ai un deuil à faire. Elle sera peut-être mon dernier bébé… Et si c’est le cas, je suis fière d’avoir profité de chaque seconde passée avec elle, avec mon bébé. Je l’ai cajolée, consolée, allaitée, portée, aimée… tellement aimée. J’ai profité de chaque moment, chaque sourire, chaque chanson, chaque câlin…

Ça me fait mal, tellement je l’aime. Mais je sais une chose, c’est que malgré ce serrement au cœur, elle franchit une grande étape. Et jamais, au grand jamais, vous ne m’entendrez dire : « Je voudrais tellement qu’elle arrête de grandir ». J’ai entendu des dizaines de parents répéter ces mots. Ces horribles mots. Je pense à tous ces couples, qui n’auront jamais la chance de devenir parents. Je pense à tous ces parents, qui ont vécu l’ultime perte d’un enfant. Je pense à ces enfants qui n’auront pas la chance de souffler leurs bougies. Et je pense à ces enfants qui ont arrêté de grandir…

Voir mes enfants grandir est le plus beau privilège du monde. Avoir la chance d’être à leurs côtés… Avoir l’honneur de découvrir qui ils sont… Avoir ce serrement au cœur à chaque étape franchie… C’est aussi la preuve qu’ils sont vivants et en santé. Alors mon bébé, cette nuit, dort paisiblement. Je veille sur toi. Tu deviens, cette nuit, une grande fille. Et je te souhaite de grandir, encore et encore. Je te souhaite de découvrir toutes les beautés de ce monde. Je veux te voir courir, tomber et te relever. Je veux te voir découvrir, échouer et apprendre. Je veux te voir aimer, détester et pardonner. Je veux te voir changer, grandir et évoluer.

Ce soir, j’ai un deuil à faire parce que je n’ai plus de bébé. Mais je me réjouirai d’avoir l’honneur d’assister tous les jours au miracle de la vie.