Tag accouchement avec une sage-femme

Merci aux sages-femmes ! Journée internationale des sages-femmes – Texte : Roxane Larocque

Ma maternité a été directement influencée par la pratique sage-f

Ma maternité a été directement influencée par la pratique sage-femme. Avant même d’être maman, j’ai eu la chance d’être formée comme accompagnante à la naissance par Huguette Boilard (un jour, je ferai mon hommage à Huguette, une grande femme du Québec, mais pour l’instant, je l’inclus dans cet hommage plus large à l’ensemble des sages-femmes.) Je suis ensuite devenue maman deux fois. Mes deux enfants sont nés chez moi en présence de sages-femmes. La pratique sage-femme m’a aidée à naître comme maman avec un suivi physique rigoureux, mais aussi avec un suivi psychologique humain et bienveillant.

J’ai souvent de la difficulté à parler de mon vécu, puisqu’il est différent. Je ne sais pas si c’est menaçant, mais assez rapidement, on change de sujet. On me dit : « Oui, mais moi je n’aurais pas pu » ou « Ah ! T’es pas peureuse ! ». Ben non ! aucune de ces réponses ! Je suis juste sensible. J’ai besoin de poser des questions, beaucoup de questions et de partager comment je me sens. J’ai besoin de me sentir en confiance, de sentir qu’on me donne tous les éléments pour que je puisse prendre mes décisions. Je déteste avoir des regrets ! Je n’aurais pas aimé avoir des regrets concernant mes choix ou le déroulement de ma grossesse et de mon accouchement.

Alors voilà, aujourd’hui j’ai envie d’écrire sur le pourquoi du comment j’aime la profession de sage-femme et sur mon vécu. Pas pour convaincre, pas pour vanter, juste pour nommer. Parce que s’il y a quelque chose que j’aime encore plus que les sages-femmes, c’est la liberté de choix !

Pour moi, avoir un suivi avec des rencontres d’une heure avec deux sages-femmes en sachant que sauf exception rare, l’une d’elles serait là le jour de mon accouchement ; savoir que j’allais pouvoir les rejoindre sur leur cellulaire en tout temps 24 h/24 h 7 jours/7 s’il y avait une urgence ou une inquiétude ; savoir que j’allais pouvoir accoucher chez moi, dans mon lit, puis manger de la bonne nourriture et me laver dans ma douche quand je le voulais ; savoir que ces mêmes sages-femmes allaient venir me visiter en postnatal pendant les six semaines après la naissance de mes enfants ; savoir qu’elles allaient favoriser le lien d’attachement au maximum dès la grossesse et s’assurer de le préserver tout au long de l’accouchement et du postnatal… savoir tout ça, pour moi, c’était le rêve ! En plus, c’est sécuritaire : la formation académique est sur la coche et le service est complètement gratuit. Honnêtement, j’aurais été triste sans bon sens que le service ne se donne pas dans ma région.

On me dit souvent aussi : « Ah ! Moi c’était presque pareil, mon médecin est super, l’infirmière était douce, etc. » Oui, je sais, il y a des perles ! Vraiment ! Le problème pour moi, ce n’est pas le personnel, c’est le système dans son entièreté. Le fait que papa n’a pas de lit pour dormir, que la nourriture n’est pas optimale pour la reprise d’énergie, que le changement de quart fait en sorte que des interventions ont lieu sans respecter le rythme de bébé et de maman, que des doutes par rapport à une écho prennent des proportions invraisemblables et laissent tout le monde dans le stress. Je sais bien que ce n’est pas un drame tout ça, pas toujours en tout cas. Mais moi avec mon tempérament, je n’avais pas envie d’être sur mes gardes, de défendre mes droits. Je sais bien que ton ami médecin, ambulancier ou infirmier a déjà entendu ou vécu des histoires d’horreur, mais pour travailler en périnatalité je peux vous confirmer que des histoires d’horreur, j’en ai entendu plein en milieu hospitalier !

Je ne peux pas croire qu’à ce jour, on pense encore faussement qu’un suivi sage-femme est plus risqué qu’un suivi médical en cas de grossesse normale. Si j’étais sage-femme, je serais en colère, tout le temps. À cause du manque de reconnaissance et du salaire trop peu élevé, mais surtout à cause de toutes les faussetés qui circulent ! Le travail de démystification reste à faire et à refaire. Même sur le plan monétaire, il y a plusieurs avantages au suivi sage-femme.

Bref, tout ça pour dire un grand merci aux sages-femmes ! Merci d’avoir parlé à mes bébés, même dans ma bedaine. Merci de vous être présentées à eux et d’avoir réchauffé vos mains avant de me toucher. Merci d’avoir fait une grande place à mon chum. Merci de nous avoir écoutés, consolés, informés, rassurés. Merci de ne jamais vous être approprié ma grossesse. Jamais je ne vous ai entendues dire que vous m’aviez accouchée ! Et quand j’avais mal en plein travail, merci pour vos câlins, vos bons mots et votre confiance. Merci de ne pas avoir brusqué mon bébé à son arrivée parmi nous, d’avoir attendu pour le peser. Merci d’avoir pris de mes nouvelles durant les six semaines post-partum qui ont complété notre suivi.

Je vous souhaite toute la reconnaissance que vous méritez et je nous souhaite que vous continuiez votre travail colossal pour changer le monde, une naissance à la fois.

Roxane Larocque

La naissance d’Isaac

Je te porte au creux de mon être depuis maintenant 39 semaines et 5

Je te porte au creux de mon être depuis maintenant 39 semaines et 5 jours. Quel bonheur cette grossesse. Je me sens bien avec toi et j’ai la chance de la vivre comme je la sens.

 

Ton père et moi attendons ta venue

 

Ton père est extraordinaire avec nous. Il est attentionné et protecteur. Il te parle et te chante des chansons tous les jours. Notre suivi avec la sage-femme est au-delà de nos attentes. On se trouve chanceux d’y avoir droit; de pouvoir échanger, questionner et en apprendre sur ton développement dans le respect de nos choix et de nos envies.

39 semaines et 5 jours à t’attendre, à t’imaginer, à préparer ton arrivée dans notre maison et dans notre coeur. C’est long, mais pourtant, je ne m’attendais pas à te rencontrer tout de suite. Va savoir pourquoi, mais je croyais qu’avant d’accoucher, il fallait arriver au stade « à-boutte-pu-capable-ben-tanné » et moi, je ne l’étais pas. Bien sûr, il y a eu des moments plus difficiles! Il y a eu des maux de coeur, de la fatigue, des maux d’estomac… Et on va se le dire, présentement, je suis de moins en moins mobile. Ton père m’appelle d’ailleurs affectueusement Moby, en référence à Moby Dick. Par contre, je ne me suis jamais sentie aussi calme, aussi confiante et aussi privilégiée. De toute façon, c’est bien vrai que tu arrives, car je viens de perdre mes eaux!

 

Tu es en route

 


Il est minuit, ton père n’est pas encore couché. Je viens de me réveiller en sursaut et bien trempée. J’ai comme un vertige, ça y est, le moment est venu. Je me suis tellement préparée pour ce jour-ci et je suis restée ancrée à mon coeur, malgré les commentaires empreints de peur que l’on m’ait fait :

– Tu accouches à la maison? Mais si ça ne va pas? Si le bébé est trop gros?

– Pourquoi ne pas te faire de plan b avec un gynécologue juste au cas où?

Des fois je n’arrivais pas à croire ce que j’entendais, comme si on était dans un film, une caricature. Heureusement j’avais le soutien de notre entourage et surtout, celui de ton père. Nous avions le désir commun de te voir naître le plus naturellement possible pour que ton arrivée sur cette terre soit douce. Je me suis réfugiée dans notre bulle d’amour et de convictions, bien loin de la peur et des idées qu’elle nous laisse en tête, mais là, ça y est, on va découvrir si j’ai été sereine ou simplement naïve.

Les contractions commencent rapidement. Ton père appelle la sage femme, puis j’appelle ta grand-mère puisqu’elle assistera à l’accouchement. On allume des petites lumières en papier de riz et la lampe de sel; l’éclairage est doux. Je me sens bien, couchée en cuillère avec ton père. Puis le rythme et l’intensité augmentent. Ton père va préparer la piscine d’accouchement et je m’installe sur mon ballon d’exercice en écoutant un mantra, l’« Om shanti », paraît que ça aide à ouvrir le coeur… En tout cas, ça me calme et m’aide à entrer dans cet espace avec toi, loin de tous mes repères, dans une sorte de trans, de monde parallèle. Il n’y a plus de temps, plus rien qui existe autour. Je suis entièrement absorbée par toi et par les vagues de contractions qui nous rapprochent de plus en plus.

À chaque contraction, je fais un son grave en soufflant sur mon ventre comme pour t’aider à descendre. J’imagine des vagues; j’apprivoise la douleur. Ton père est présent et nous accompagne à chaque contraction. Il me tient la main, me caresse, m’aide à me déplacer. Ta grand-mère prépare des compresses d’eau froide, elle me serre dans ses bras et m’encourage. La sage femme vient nous voir régulièrement pour écouter ton coeur, tout va bien.

Après quelques heures de travail à passer de la piscine au lit, du lit à la toilette et de la toilette à la piscine, je me sens épuisée. Les vagues que j’imagine sont plutôt devenues un tsunami. Ton père et moi, on dort entre les contractions; nous sommes épuisés. La sage femme vient me voir et je lui en parle, elle me prend dans ses bras avec toute la douceur du monde. Elle me rappelle le sens de cette douleur. Elle a raison, cette douleur elle n’est pas veine! Elle provoque un flot d’hormones pour moi, et duquel tu profites par la bande. Cette douleur me permet de t’accompagner physiologiquement vers notre rencontre. Je tente de m’accrocher à cette pensée. Je ne souffre pas : je t’accompagne!

Le temps passe et je sens que les contractions sont différentes. Après vérification, ça y est : la poussée peut commencer. Cette nouvelle m’apaise, j’ai enfin l’impression que notre rencontre approche. Je suis si bien dans le lit, entourée de tout mon monde, que je refuse de retourner à l’eau. Tu vas naître ici, dans notre lit. Ton père me dit souvent que je prends beaucoup de place quand je dors, que j’empiète sur sa moitié de lit. Et bien, imagine-toi donc qu’instinctivement, c’est de son côté que je me suis placée. Tu vas naitre dans son espace! On m’apprend qu’on voit ta tête. Je la touche, je n’y crois pas.

 

Tu es maintenant avec nous

 

Puis, quelques instants plus tard, c’est tout ton corps qui est posé sur le mien. Jamais je n’ai été si heureuse de voir apparaître quelqu’un! Tu pousses un petit cri, puis tu nous observes, l’air de dire : «Mais veux-tu bien me dire ce qui vient de se passer ? ». Je ferme les yeux et respire longuement. Toutes les personnes présentes pleurent de joie. Après un court moment, je demande : « Est-ce une fille ou un garçon ? » La sage femme m’invite à le découvrir par moi-même. Pas question que je te bouge, je préfère aller toucher avec mes mains.

 

Tu es un garçon; mon fils

 

On se colle en « peau à peau », puis ton père coupe le cordon qui a cessé de battre. C’est à son tour de te prendre en « peau à peau », quoiqu’avec lui, le terme « peau à poil » est plus juste. Pendant ce temps, je pousse le placenta qui t’a nourri.

Après, nous sommes réunis de nouveau et on s’installe pour te nourrir. On dirait que tu as fait ça toute ta vie! ? Tu têtes comme un champion et le colostrum coule bien. C’est le début d’une belle histoire d’allaitement, sans douleur, rien que du bonheur!

Quelques heures plus tard, on te pèse et te mesure. Et un peu plus tard encore, tout le monde quitte la maison. Nous sommes seuls : toi, ton père et moi. Seul au monde, dans notre belle bulle d’amour, submergés par nos émotions. Nous sommes maintenant une famille, grâce à toi, bébé d’amour! Je vous regarde dormir ton père et toi, et je me sens fière d’avoir cru en notre projet d’accouchement.

 

Huit mois plus tard, je ne retiens ni la douleur ni les heures de travail de cet accouchement. Je garde plutôt la force de mon corps, cette puissance extrême qui s’est mobilisée en moi comme en des milliers de femmes, avant et après moi. Ce moment si intense partagé avec des gens que j’aime, chez moi, dans ce lit qui ta vu naître.

 

Ce travail d’équipe : cette connexion qui nous lie à jamais, toi et moi, mon beau Isaac.


Je t’aime,

Merci.