Je t’aime, tu me manipules
J’ai quatorze ans, tu en as dix-sept. Je t’aime, et toi tu me manipules
J’ai quatorze ans, tu en as dix-sept. Je t’aime, et toi tu me manipules. Je n’ai encore jamais entendu le proverbe américain Actions speak louder than words. Si tu savais comme mes jambes faibliront le jour où il résonnera pour la première fois dans mes oreilles et que son écho se répercutera jusque dans mes tripes. Quand je réaliserai enfin que tes belles paroles d’amour n’ont jamais concordé avec tes agissements.
Tu m’as choisie jeune. Tu me dis que je suis mature, tu me flattes. Tu me moules selon tes désirs comme une pâte fondante sous tes doigts. Dès que je veux tenter une nouvelle chose, tu m’accuses de changer. Mais je suis une ado, c’est ma job de changer.
Tu ne me laisses jamais seule, même pas pour aller à la salle de bain. Tu mens aux autres et tu m’encourages à mentir. On pue l’hypocrisie. Ce que je vis avec toi est tellement loin de la réalité de mes copines de classe que je n’ai plus personne à qui me confier.
J’ai chaviré devant ta complexité. Tu représentes un défi et il y a quelque chose d’amusant là‑dedans. Les jeux de pouvoir sont stimulants. Quand je te résiste, je suis fière. Je combats pour mon identité avec toi et tu me laisses croire que j’ai gagné. Mais juste parce que j’ai accepté de combattre, j’ai déjà perdu. Je ne devrais pas avoir à défendre ma façon de m’habiller. Je suis toujours trop pour toi. Trop émotive, trop sociable, trop ouverte, trop intelligente (oui, oui ! Tu m’as fait passer un test sur Internet)…
Tu me trouves belle, tu me désires. Tu me dis que tu vas m’aimer toute la vie. Tu me fais miroiter une belle bébelle : l’amour inconditionnel. J’ai tellement besoin de ça. Tu me donnes la force de cesser de chercher l’approbation de mes parents. Sans toi, je n’aurais pas le courage d’entreprendre une quelconque action qui puisse menacer leur amour. Je passe d’une dépendance à une autre. Tu remplis mon vide vertigineux.
J’ai la naïveté de croire que les gens sont fondamentalement honnêtes et bons. Je confonds intensité et passion amoureuse. Tu me dis mot pour mot que tu te crois supérieur aux autres, mais je ne te crois pas. Je ne peux pas imaginer la malveillance. Je suis certaine que ton arrogance cache la même insécurité qui plombe mes ailes. Tu me partages tes blessures et ta vulnérabilité me touche. Tu as besoin de moi, j’en suis convaincue. Le vide, t’sais. Toi aussi tu dois le ressentir, non ?
Je te laisse encore et encore parce que tu pousses toujours plus loin mes limites. Qu’est‑ce que tu arriveras encore à te faire excuser ? Ma colère contre toi ne fait jamais le poids contre la panique qui s’empare de moi lorsque je me retrouve seule. Je t’ai pardonné trop de fois. Tu sais maintenant que tu peux jouer avec moi et me traiter n’importe comment. Chaque fois que j’essaie de mettre un terme à notre histoire toxique, ce n’est qu’une virgule.
Peut-être qu’en tombant amoureuse d’un autre, j’arriverai à te quitter ? Plusieurs fois, je l’essaie. Je cherche ailleurs une relation aussi enivrante. Mais je reviens toujours à toi comme un stupide papillon autour d’une flamme. Tu es le seul qui m’attire comme ça. Tu hantes mes rêves. J’ai l’amour souffrant, l’amour malade… Envoûtée, je bois tes paroles comme une junkie. Une dose forte et cheap à la fois. Forte en apparence et pourrie au centre, pourrie au cœur. Il n’y a pas un autre gars qui me donne un high aussi fort que toi. Tu es bon. Tu as le don d’engourdir mes anxiétés. Pendant des années, j’essaie de faire de toi l’homme de ma vie alors que notre incompatibilité est évidente. J’ai mal choisi mais je t’aime malgré, je t’aime quand même. Chaque jour, tu me donnes une raison de te détester.
Grâce à toi, j’apprends à vivre dans le malheur ordinaire et quotidien.
Eva Staire