Arrête-moi si tu m’aimes

Depuis que je su

Depuis que je suis né, je suis intense. Je suis anxieux. J’ai besoin de tester ton amour pour moi. J’ai besoin de limites. Je suis arrivé sur Terre comme ça et j’ai continué de me construire autour de ce besoin-là, d’être encadré… d’être arrêté. J’ai besoin de toi, de ta force et surtout de ton amour.

 

Je suis exigeant pour toi, même si je ne m’en rends pas toujours compte. Que tu sois ma mère, mon père, mon éducatrice, mon prof, mon éducatrice spécialisée, tu te dois d’être toujours alerte et de m’avoir à ta vue… plus que les autres enfants. Tu sais que j’aime toucher à tout, surtout ce qui est interdit. En fait, plus c’est interdit, plus j’ai envie d’y toucher. Tu sais, comme quand on dit « Ne pense pas à un chat blanc », c’est plus fort que moi. S’il y a un trou de boue, je vais y sauter à pieds joints même si j’ai des nouvelles chaussures, même si tu es à côté de moi avec ta belle robe. J’ai fait exprès de sauter dedans, mais je n’ai pas réfléchi aux conséquences… encore.

 

J’ai l’impression que le monde m’appartient, qu’il est un terrain de jeux et que je suis invincible. J’aime avoir le contrôle et de la liberté. C’est pour cette raison que je me sauve ou que me cache pour explorer à ma guise. En secret, j’espère que tu me chercheras et que tu seras inquiète, ça va me prouver que tu m’aimes encore malgré toutes mes gaffes. 

 

J’essaie très fort de te plaire, parce que malgré mes comportements persistants, je veux plus que tout que tu sois fière de moi. J’ai l’air fort comme ça, on dirait que rien ne m’atteint, mais c’est tout le contraire. J’ai plusieurs surnoms : petit monstre, démon, tannant, hyperactif, tornade et même p’tit criss. Je pense souvent que je suis bon à rien, alors je réponds à mes propres attentes en étant désagréable et en sabotant toutes les chances que quelqu’un m’aime. Si personne ne m’aime, je ne pourrai décevoir personne. C’est contradictoire n’est-ce pas? J’ai tant besoin d’amour et de limites, et mes agissements démontrent tout le contraire. Mon anxiété mélangée à mon impulsivité me fait dire et faire des choses d’une ampleur démesurée. Derrière mon agressivité et mon je‑m’en‑foutisme se cache un enfant souffrant.

Inconsciemment, je sais moi aussi que je suis impulsif et que je peux me mettre dans le trouble. Je n’ai pas les petits policiers dans ma tête pour m’arrêter avant de faire quelque chose de dangereux. Je n’ai pas non plus de Jiminy Cricket pour me chuchoter à l’oreille l’impact de mes gestes sur ma vie et celles des autres. Si tu me dis de ne pas dépasser la ligne, c’est certain que j’y mets au moins un orteil. Puis si rien ne se passe, le pied au complet en te regardant droit dans les yeux. Parfois, même si j’ai vraiment besoin de toi, que tu m’arrêtes, je vais rire ou t’insulter. Jusqu’à ce que tu m’arrêtes avec des conséquences, que tu mettes un frein à mes agissements inadéquats. Ça me vaudra beaucoup de conflits, une tonne de dégâts à ramasser et plusieurs blessures qui auraient pu être évitées si je t’avais écoutée. Et toi, ça te fait creuser les petites rides entre tes sourcils et blanchir tes cheveux un peu trop tôt; je suis juste encore trop égocentrique pour m’en rendre compte.

 

Je veux le contrôle de ma vie, alors je suis rendu un pro pour jouer avec les règlements et les conséquences. Surtout, je connais en moins de deux secondes les « boutons rouges » des émotions de tout le monde et j’ai un malin plaisir à peser dessus. Quand ça fonctionne, j’ai l’impression que j’ai réussi à contrôler la personne. Au début, ça me donne de la puissance et ensuite, ça me rend anxieux de savoir que c’est moi qui mène, au fond.

 

À force de faire des mauvais choix à répétition, je me rends compte que je suis différent. Je suis impulsif, je ne peux pas m’arrêter tout seul. Ça me rend, encore une fois, terriblement anxieux. Ça me prend quelqu’un de stable et fort à mes côtés. Quand tu es près de moi, je teste encore plus les limites, juste pour être certain que toi, mon ange gardien, tu veilles sur moi. Je me sens en sécurité quand tu es là parce que tu es une des seules personnes capables de me protéger de moi-même. Tu deviens ma référence par rapport à ce qui est bien ou mal.

 

Avec les autres adultes, je vois la peur dans leur regard quand je fais une crise. Je vois leur mépris quand je suis encore mêlé à une bataille. Quand je les entends dire avec impatience qu’ils ne savent plus quoi faire avec moi, le peu d’estime qui me reste s’envole pour faire place à la honte et à la colère. Mais pas toi. Toi, tu crois en moi. Tu crois que je suis un bon garçon malgré tout et tu vas brasser mer et monde pour que je réussisse ma journée avec un cercle vert dans mon agenda. Tu vas me prouver que je suis capable, que je suis une bonne personne. Tu vas rester près de moi et m’empêcher de faire du mal aux autres et à moi-même. Tu m’arrêtes lorsque je m’emporte. 

 

Tu appliques les mêmes règles avec tout le monde… même avec moi! Tu dis toujours que c’est parce que dans la vie d’adulte, c’est comme ça aussi. Tu me casses les oreilles avec tes « conséquences naturelles » lorsque je suis rentré en collision avec mon ami, dans la glissade en tunnel que je montais à l’envers pour la dixième fois malgré le règlement et les avertissements. Même, si que je recommence le même comportement 20x j’ai droit aux mêmes conséquences, aux résolutions de conflits et à la verbalisation d’émotions. C’est rassurant le connu, c’est pour ça que j’y retourne de temps en temps, juste pour être sûr que c’est pareil. Malgré ce que je peux faire et ne pas faire, tu tiens ton bout et je ne réussis pas à te faire changer les règles que tu m’imposes… Ça me déstabilise. Ça me fait du bien. Avec les autres d’habitude je réussis toujours à faire modifier les conséquences, mais pas avec toi. Tu me fais prendre conscience que je dois prendre le contrôle de moi-même et non des autres. Que les règles sont déjà là, que toi tu les appliques et que mon travail est de choisir les bonnes ou moins bonnes conséquences logiques. Je sais que tu es souvent fatigué et que parfois tu as le goût de jeter la serviette, malgré tout j’ai besoin que tu m’imposes des limites. Ça me prouve que tu tiens à moi. Même si je fais des crises et que je hurle à la terre entière que je te déteste. (En passant, je ne te déteste pas pour vrai c’est à moi que j’en veux de souvent répéter des mauvaises décisions, mais je ne le comprends pas encore tout à fait). Au fin fond de moi, ça m’apaise tellement de savoir que tu m’aimes assez et que tu t’en fous que je te déteste. Parce que ce qui compte pour toi, c’est de m’aimer et de me protéger… même de moi. 

 

Merci de croire en moi.

Je t’aime

Xoxo

Ton petit minou 

 

Krystal Cameron