Une maman différente pour chaque enfant – Texte: Joanie Fournier

J’entends souvent les mamans autour de moi s’inquiéter à l’idée d’avoir un deuxième enfa

J’entends souvent les mamans autour de moi s’inquiéter à l’idée d’avoir un deuxième enfant. Parce que c’est vrai que quand on a un enfant unique, on jongle tellement pour en connaître chaque facette, pour l’outiller, pour l’accompagner, pour le stimuler. On est débordée. On l’aime tellement qu’on se dit que c’est juste impossible d’aimer quelqu’un d’autre autant… Et on s’inquiète à l’idée de mettre un enfant au monde qu’on pourrait risquer de ne pas aimer autant que le premier. On a l’impression que notre premier bébé a fait gonfler notre cœur et qu’il y prend toute la place.

Et quand j’entends ce discours, ça me fait sourire. Je ne peux pas m’empêcher de me revoir, il y a dix ans, dans la même situation. J’avais peur de devoir diviser mon amour entre mes enfants. J’avais peur de devoir aimer moins mon grand, pour pouvoir aimer plus le petit. Comme j’avais tort… Quand mon premier bébé est né, j’ai appris ce que l’amour était. Mon cœur a appris à aimer comme il n’avait jamais aimé avant. Et à chaque naissance ensuite, il a doublé, triplé et quadruplé de taille pour les aimer encore et encore plus.

Il y avait une autre chose pour laquelle j’avais tort : je disais que j’allais être égale et juste pour chacun de mes enfants. C’est sûr que je suis égale quand on pense aux cadeaux de fêtes ou aux activités qu’on fait avec chacun d’eux. Mais là où je me trompais, c’est que je ne suis pas la même mère pour chacun de mes enfants. Parce que c’est impossible de l’être et que je me mentirais à moi-même si je pensais l’être.

Quand j’ai eu mon premier bébé, j’ai eu tout mon temps pour lui. J’étais jeune, énergique et pleine de naïveté. Oui, j’avais l’avantage d’avoir tout mon temps pour lui seul. Pour le cajoler, le bercer, le stimuler et jouer avec lui. Mais la vérité, c’est que la jeune mère que j’étais apprenait aussi jour après jour comment devenir une mère. J’étais naïve, j’avais plein d’objectifs irréalistes et d’idées arrêtées sur la maternité. Je manquais d’expérience, mais j’avais tout le temps devant moi pour apprendre avec mon enfant.

Quand j’ai eu mon deuxième bébé, je trouve que ça a été de loin la marche la plus grande à remonter. J’étais encore jeune, naïve, mais j’avais encore de l’énergie. J’apprenais à jongler entre leurs besoins comme une pieuvre, quitte à m’oublier là-dedans. J’essayais d’être la jeune mère cool et en contrôle, celle qui arrive à tout faire. Mais j’avais encore tant de choses à apprendre…

Quand j’ai eu mon troisième bébé, j’ai arrêté le temps. J’ai arrêté de faire passer les besoins de tout le monde avant les miens et j’ai commencé à penser à moi. J’ai appris à dire non et j’ai considéré que mes besoins étaient aussi importants que les leurs. Puis, ce bébé spécial m’a tant fait cheminer. J’ai arrêté de lui enseigner des choses et d’essayer de lui faire suivre mon rythme à moi. Ce bébé m’a appris plus de choses que j’ai pu lui en enseigner. Ces apprentissages sont arrivés avec des deuils, des obstacles et des murs à franchir. J’ai dû donner plus de mon temps à ce troisième bébé. En échange, il m’a appris la vie.

Quand j’ai eu mon dernier bébé, je n’avais plus rien de la mère naïve et effacée des années passées. J’ai appris à prendre le temps, à profiter de chaque instant. J’ai arrêté de jouer à l’organisatrice d’activités et j’ai appris à les observer pendant leurs jeux. Je joue beaucoup moins avec mon quatrième bébé que j’ai pu jouer avec ma première. Mais ce n’est pas parce que j’ai les bras pleins, au contraire! C’est justement parce qu’il a ses grands frères et grandes sœurs pour jouer avec lui, pour le prendre par la main, pour le consoler quand il tombe, pour lui enseigner tellement de choses. Ce dernier bébé m’a appris à prendre du recul et à apprécier ma vie avec eux.

Je ne me sens plus démunie. Je ne cours plus partout. Je reste assise au souper et je mange mon repas chaud. Je savoure mon café le matin, assise et tranquille. Je suis devenue une maman avec du lâcher-prise. Je reste persuadée d’être la meilleure mère que je peux être, et ce, chaque jour. Même si mon meilleur n’est pas le même tous les jours. Mais une chose est certaine, j’avais tort de penser que je serais la même maman pour tous mes enfants.

Parce que l’humain évolue, vieillit, mature. Une mère, c’est un être complexe et en continuel changement. Et la seule chose qui ne change jamais, c’est le changement en lui-même.

Joanie Fournier