Tag conditions de travail

Votre réseau de services de garde en hémorragie

M. Lacombe, appuyer sur le site de l’hémorragie, ça fait un temps, mais ça ne règle pas le pro

M. Lacombe, appuyer sur le site de l’hémorragie, ça fait un temps, mais ça ne règle pas le problème.

Monsieur Lacombe, j’ai presque envie de vous appeler Mathieu, tellement vous faites partie de mon quotidien depuis le début de la pandémie, mais je vais me garder une petite gêne parce que vous êtes quand même notre ministre de la Famille.

Je fais partie des éducatrices tombées au combat. En arrêt de travail depuis deux mois, à me reconstruire, à m’armer de tous les outils possibles et inimaginables pour ne pas crouler sous la pression une autre fois.

Je vous ai écouté lors de votre dernière conférence de presse. J’y croyais, vous savez. Je croyais vraiment que vous aviez compris. Honnêtement, je suis contente de penser que bientôt, il y aura de la relève, parce que nous sommes épuisées.

Mais une relève à quel prix ? Vous nous demandez l’excellence, de nous ajuster constamment à vos nouvelles recommandations. Vous demandez de connaître notre programme éducatif quasiment par cœur, pour donner ce que nos enfants méritent de meilleur. Là‑dessus, je vous suis, c’est vrai nos mini humains, c’est l’avenir.

J’aimerais vous dire, vous le savez peut-être déjà, que vous ne faites qu’appliquer une pression sur le site de l’hémorragie. La pénurie de main-d’œuvre, nous la voyons venir depuis longtemps, même avant la COVID-19. Cette cochonnerie n’a été que la goutte qui a fait déborder le vase, et qui vous a fait voir que notre super réseau, comme vous aimez le nommer, s’effondre. Nous le portons depuis beaucoup trop longtemps à bout de bras. Nos gestionnaires ne sont malheureusement pas magiciennes et de toute façon, même Houdini ne réussirait pas.

Permettez-moi de vous dire ce que moi, éducatrice, je vois. Je vois des collègues épuisées, qui continuent de se battre au détriment de leur santé mentale, de leur famille. Pourquoi ? Parce qu’elles ont peur pour nos petits, parce qu’elles croient encore à un réseau même s’il nous oublie.

Ce dont nous avons besoin, c’est que vous soyez là derrière nous, pas seulement avec de bons mots, mais avec des actions concrètes. Nous avons besoin d’une valorisation sociale. Nous sommes encore pour beaucoup trop de monde de simples gardiennes qui jouent avec les enfants chaque jour. Nous avons besoin de meilleures conditions de travail. S’il vous plaît, arrêtez vos coupures. Arrêtez de nous demander de faire toujours plus avec moins. Reconnaissez que notre salaire est insuffisant. Nous faisons partie de la longue chaîne d’éducation de nos petits. Alors, pourquoi notre salaire est‑il si éloigné de celui de nos professeurs ?

Je vous souhaite sincèrement que votre recrutement fonctionne, nous en avons besoin. Mais combien resteront ?

Vous savez, j’aime beaucoup cette citation : « J’aime la goutte qui fait déborder le vase, puisque c’est à ce moment que débutent les changements les plus positifs. »

Allez-vous saisir la goutte COVID pour comprendre que votre si beau milieu de la petite enfance s’effondre lentement, une éducatrice à fois ?

Mélanie Paradis, éducatrice

Éducatrices en voie de disparition ?

Je ne serais pas surprise de voir une pub du ministère de la Faune, pour n

Je ne serais pas surprise de voir une pub du ministère de la Faune, pour nous dire à quel point nous sommes en voie de disparaître. Tu sais, comme celle que nous avions dans le temps (ceux et celles qui sont dans la quarantaine comprendront lol).

Les listes d’éducatrices remplaçantes fondent à vue d’œil. Il est difficile de se faire remplacer et encore plus d’avoir des vacances. Les bancs des cégeps se vident, il n’y a plus que quelques inscriptions à la technique. Seulement quelques courageuses terminent les trois ans et gardent la flamme de la passion allumée, malgré la réalité à laquelle elles sont confrontées en stage.

Cette réalité de faire plus avec beaucoup moins, parce que nous subissons chaque année des coupures considérables du gouvernement. Celui‑là même qui a louangé notre présence en mots en temps de pandémie, mais pas vraiment en actions.

Cette réalité de non-reconnaissance de notre métier. Parce que c’est vrai, nous ne sommes pas reconnues. Il y a de l’amélioration, mais encore tellement de chemin à faire. Trop souvent encore, je me fais appeler gardienne. Non, je ne suis pas une gardienne, je suis une éducatrice. J’ai trois ans d’études pour le prouver. Ma table de chevet est remplie de livres sur le développement de l’enfant, sur les nouvelles approches parce que je me tiens à jour. 

Parce que je me fais encore dire que ce que je fais n’est pas un travail, parce que selon certains, je garde des enfants. Oui, j’ai la chance de m’accomplir en présence d’enfants et oui, en jouant. Pourtant, je connais le développement de l’enfant sur le bout des doigts. Je connais les différentes sphères du développement et ce qu’elles comportent. Je sais ce qu’est la zone proximale de développement et comment je dois y arriver pour chacun des enfants de mon groupe. Parce que oui, elle diffère pour chacun. Pour y arriver, j’observe, je note. Je monte des activités, je choisis des jeux pour chacun. 

Parce que je travaille chaque jour, je mets tout en œuvre pour appliquer le programme éducatif « Accueillir la petite enfance ». Parce que je veux offrir un service de qualité à chacun de mes petits trésors. Parce que je les aime tellement fort. J’essaie de toujours être sur la coche, je suis en constante adaptation. On favorise le jeu libre ! Ha non ! Là, c’est le jeu actif en nature. Finalement, tu devrais favoriser l’imagination avec le « loose part ». Ah pis tant qu’à faire, mélange donc tout ça. N’oublie pas d’aménager ta salle pour qu’elle ressemble le plus à leur environnement naturel (maison). Mais on (le gouvernement) ne vous donne pas plus de budget. 

Ça fait que je suis devenue une pro des ventes de garages et du design d’intérieur. Ah oui ! N’oublie pas que même si on (le gouvernement) met de superbes photos de grandes salles bien aménagées, ben toi, tu dois faire pareil, mais dans un espace trois fois moins grand.

Ça, c’est mon quotidien. Oui, je l’ai choisi, mais il n’en demeure pas moins de plus en plus difficile. 

C’est pourquoi nous clamons haut et fort, nous éducatrices, de meilleures conditions de travail, ce qui veut aussi dire un meilleur salaire. Parce que OUI, on mérite un meilleur salaire (et oui, je suis prête à me faire lancer des roches).

C’est triste de voir que la passion de la petite enfance s’en va. C’est tellement le plus beau métier du monde.

Mais à la suite de l’écriture de ce texte, je comprends que l’adolescente de 16-17 ans ne soit pas attirée par mon travail.

Moi, ça fait près de vingt ans que la petite enfance, c’est ma vie… C’est le plus beau métier du monde.

Il faut être passionnée pour tenir le coup.


Mélanie Paradis, éducatrice survivante.