Archives juillet 2020

Y’a-tu juste moi qui n’ai pas le tour ?

J’étais sagement assise devant mon téléviseur et là, mon film de fill

J’étais sagement assise devant mon téléviseur et là, mon film de filles fut coupé par une (des) publicité(s). Et là, mon cerveau, que je ne contrôle pas toujours, s’est mis en mode fonction. 

Je voyais défiler sous mes yeux une publicité d’une marque d’essuie-tout populaire. Et là, je me suis dit : y’a-tu juste moi qui n’ai pas le tour ? Parce que si une de mes filles renverse son verre de lait, je n’aurai jamais assez d’une demi-feuille de ce fameux papier absorbant pour ramasser le dégât. Ça ressemble pas mal plus à un demi-rouleau. Mais pourtant, j’y crois ! Chaque fois, je pars avec ma demi-feuille, confiante.

Je ne me maquille pas souvent, mais quand je le fais, j’y vais légèrement. Pourtant, un tampon d’eau micellaire ne suffit pas à tout enlever. Ça m’étend le mascara à la grandeur de la face. Avec quelques‑uns, je réussis, mais pas avec juste un !

Parlons vaisselle. Mon plat de lasagnes croûtées dans tous les coins et sur tous les rebords ressortira tout aussi croûté, peu importe le détergent en capsule, en liquide, en poudre ou autre, que j’utilise. Je dois faire tremper le plat et le frotter avec ma petite éponge verte, comme si ma vie en dépendait, pour ensuite le mettre au lave-vaisselle.

Je crois que les concepteurs de produits pour laver nos vitres sont dans le secret des dieux. Je vais vous le dire moi, leur secret. Des oiseaux, je pense sincèrement que ça voit rien. Parce que moi, il n’y a pas un oiseau bien voyant qui va rentrer dans mes vitres. Le bariolage (je ne sais même pas si c’est un mot), y en a tout le temps. Mes fenêtres sont soit trop chaudes, trop froides, pas assez tièdes. La nuit venue, c’est là que je les trouve belles.

Ce n’est pas faute d’avoir essayé, mais qui dans ce monde a un plancher ou un bain sale comme dans les publicités ? À part recouvrir ton bain ou frotter ton plancher à la brosse (voir même au papier sablé), y’a rien qui va venir à boutte de ça.

Je n’ai pas testé le papier de toilette et l’œuf, celui qui rebondit sans se casser. Y’a d’autres tests que j’ai passés ou que mes filles ont réussis et qui me font clairement dire… « j’ai des doutes.

Donc, finalement, y’a-tu juste moi qui n’ai pas le tour ?

Mélanie Paradis

Éducatrices en voie de disparition ?

Je ne serais pas surprise de voir une pub du ministère de la Faune, pour n

Je ne serais pas surprise de voir une pub du ministère de la Faune, pour nous dire à quel point nous sommes en voie de disparaître. Tu sais, comme celle que nous avions dans le temps (ceux et celles qui sont dans la quarantaine comprendront lol).

Les listes d’éducatrices remplaçantes fondent à vue d’œil. Il est difficile de se faire remplacer et encore plus d’avoir des vacances. Les bancs des cégeps se vident, il n’y a plus que quelques inscriptions à la technique. Seulement quelques courageuses terminent les trois ans et gardent la flamme de la passion allumée, malgré la réalité à laquelle elles sont confrontées en stage.

Cette réalité de faire plus avec beaucoup moins, parce que nous subissons chaque année des coupures considérables du gouvernement. Celui‑là même qui a louangé notre présence en mots en temps de pandémie, mais pas vraiment en actions.

Cette réalité de non-reconnaissance de notre métier. Parce que c’est vrai, nous ne sommes pas reconnues. Il y a de l’amélioration, mais encore tellement de chemin à faire. Trop souvent encore, je me fais appeler gardienne. Non, je ne suis pas une gardienne, je suis une éducatrice. J’ai trois ans d’études pour le prouver. Ma table de chevet est remplie de livres sur le développement de l’enfant, sur les nouvelles approches parce que je me tiens à jour. 

Parce que je me fais encore dire que ce que je fais n’est pas un travail, parce que selon certains, je garde des enfants. Oui, j’ai la chance de m’accomplir en présence d’enfants et oui, en jouant. Pourtant, je connais le développement de l’enfant sur le bout des doigts. Je connais les différentes sphères du développement et ce qu’elles comportent. Je sais ce qu’est la zone proximale de développement et comment je dois y arriver pour chacun des enfants de mon groupe. Parce que oui, elle diffère pour chacun. Pour y arriver, j’observe, je note. Je monte des activités, je choisis des jeux pour chacun. 

Parce que je travaille chaque jour, je mets tout en œuvre pour appliquer le programme éducatif « Accueillir la petite enfance ». Parce que je veux offrir un service de qualité à chacun de mes petits trésors. Parce que je les aime tellement fort. J’essaie de toujours être sur la coche, je suis en constante adaptation. On favorise le jeu libre ! Ha non ! Là, c’est le jeu actif en nature. Finalement, tu devrais favoriser l’imagination avec le « loose part ». Ah pis tant qu’à faire, mélange donc tout ça. N’oublie pas d’aménager ta salle pour qu’elle ressemble le plus à leur environnement naturel (maison). Mais on (le gouvernement) ne vous donne pas plus de budget. 

Ça fait que je suis devenue une pro des ventes de garages et du design d’intérieur. Ah oui ! N’oublie pas que même si on (le gouvernement) met de superbes photos de grandes salles bien aménagées, ben toi, tu dois faire pareil, mais dans un espace trois fois moins grand.

Ça, c’est mon quotidien. Oui, je l’ai choisi, mais il n’en demeure pas moins de plus en plus difficile. 

C’est pourquoi nous clamons haut et fort, nous éducatrices, de meilleures conditions de travail, ce qui veut aussi dire un meilleur salaire. Parce que OUI, on mérite un meilleur salaire (et oui, je suis prête à me faire lancer des roches).

C’est triste de voir que la passion de la petite enfance s’en va. C’est tellement le plus beau métier du monde.

Mais à la suite de l’écriture de ce texte, je comprends que l’adolescente de 16-17 ans ne soit pas attirée par mon travail.

Moi, ça fait près de vingt ans que la petite enfance, c’est ma vie… C’est le plus beau métier du monde.

Il faut être passionnée pour tenir le coup.


Mélanie Paradis, éducatrice survivante.

L’injustice d’être une fille

Élever des filles en 2020, c’est… comment dire? Stressant! Oui, oui, j

Élever des filles en 2020, c’est… comment dire? Stressant! Oui, oui, j’avoue, je trouve ça angoissant. L’accès à l’information de toutes sortes, la facilité de communication et les médias sociaux sont très souvent utiles dans nos vies. Mais quand on élève des ados, ça rend parfois la tâche plus difficile.

J’ai souvenir d’un moment précis qui s’est déroulé il y a plusieurs années. J’étais une belle jeune ado de quinze ans qui se promenait sur le camping en maillot de bain. Banal, jusqu’à ce que mon père me demande de m’habiller. Sur le coup, j’étais en colère. Tout le monde pouvait se promener en bikini sauf moi. Injustice! 

Avec mes yeux d’adulte, je comprends. Il me protégeait de la gang de gars en moto qui étaient venus camper chez le voisin. Ils me regardaient intensément, ce qui énervait mon père. Cependant, si les gars ne venaient pas me parler, ça finissait là. Mais aujourd’hui, ce serait plus compliqué.

En 2020, c’est facile de trouver quelqu’un. Alors, la même situation serait bien différente. La gang de gars aurait pu me localiser sur Snapchat, me trouver sur Instagram ou m’envoyer un message avec Messenger. Facile! Donc, comme parents, nous devons outiller nos filles pour qu’elles puissent se protéger, pour qu’elles ne soient pas naïves, pour qu’elles apprennent à se méfier.

Mais pourquoi avons-nous besoin de nous protéger? Pourquoi, comme femme, j’ai dû apprendre à m’habiller pour ne pas attirer les mains baladeuses? Pourquoi j’ai appris à éviter les situations qui pourraient me mettre dans l’embarras? Pourquoi je me méfie des inconnus qui me parlent?

La réponse est simple : mon père avait raison. Il y a des gens qui ont de mauvaises intentions et la naïveté est souvent mauvaise conseillère. Les statistiques parlent d’elles-mêmes.  

Pour mes deux belles ados que j’élève aujourd’hui, je fais un vœu : je souhaite qu’elles puissent s’épanouir et vivre leur vie, sans avoir besoin de se protéger, en étant libres. Que toutes les dénonciations qui ont lieu en ce moment amènent un questionnement et des changements de mentalité.

Un jour, j’espère, les jeunes filles pourront se promener en maillot en ne se protégeant que du soleil.

Nancy Pedneault

Vos câlins

Même si je vous le dis, même si je vous le montre, vous ne savez pas à q

Même si je vous le dis, même si je vous le montre, vous ne savez pas à quel point vos câlins me font du bien.

Quand vous vous glissez dans mon lit avant que le soleil trouve le bout de mon nez, à la recherche d’une caresse ou d’une oreille écoute-rêve, je fonds. Je me gâte en étirant le moment avant d’appuyer sur la pédale d’embrayage du quotidien. On réinvente le temps et on s’envahit de mots d’amour et de douceur. Vous ne le voyez pas dans le noir, mais mes yeux somnolents sourient jusqu’au plafond. Et si vous êtes rejoints par les autres câlineux de la famille, c’est toute mon âme qui jubile. Aux Jeux olympiques des meilleurs débuts de journée, vous gagneriez la médaille de diamant.

Quand vous montez l’escalier en courant pour venir me voler un câlin entre deux séances de jeux, vous me faites me sentir là, toute là. Vos bras me confirment que ma présence vous est rassurante même quand elle n’est pas visible ou physique. Vos courses-câlins me montrent qu’ensemble, on a fait un super travail d’équipe pour tisser nos liens, encore et encore. Que vous soyez au sous-sol, dans la cour, chez votre papa, dans la piscine d’un ami ou à l’école, vous transportez une parcelle de moi. Une maman dans le cœur, c’est comme un câlin de l’intérieur.

Vous avez des antennes pour sentir que mon corps est au bout de son rouleau compresseur ou que mon cœur a trouvé le fond de son baril de mouchoirs. Hypersensibles comme vous l’êtes, vous sentez les changements de vibrations et vous me transmettez vos énergies positives à votre manière. Un câlin-lézard-lourd pour réparer mon dos ou pour m’aider à me recentrer. Une caresse de cheveux qui dit « je suis là, j’ai remarqué que ça ne va pas ». Une tête déposée dans mon nid d’épaule pour faire une transition douce entre le jour et la nuit. Dans les valeurs que je voulais vous transmettre, il y avait le « prendre soin » de soi et des autres. Vos câlins me disent que c’est mission accomplie.

Et que dire de nos câlins de bonne nuit… exponentiels, et tellement tendres. Ils ont remplacé nos bains partagés pendant lesquels on se créait une bulle, soir après soir. Vous avez grandi, la bulle s’est déplacée. Mais elle est encore là, prête à accueillir les confidences, les fous rires complices, les récapitulations de fin de journée, les « merci » et les « je te demande pardon », les prises de conscience et les caresses apaisantes. Même quand je vous trouve endormis, je place ma main sur votre tête pour y déposer de jolis songes. Souvent, vous me souriez au creux de votre sommeil.

Vous grandissez et je suis tellement heureuse que les câlins soient encore à l’ordre du jour, qu’ils viennent de vous autant que de moi, et qu’ils s’expriment entre nous et entre vous. Bien sûr, il y a parfois une prise de becs, mais ça se termine toujours par un câlin, sur le coup ou après coup. Ce sont des câlins-répare-tout, des câlins-tout-doux. Des câlins juste à nous.

Plus ça va et plus on se regarde droit dans les yeux sans que j’aie besoin de m’agenouiller. Avant longtemps, c’est vous qui serez capables de me soulever de terre et de me faire tourner dans les airs. Un jour, vous quitterez le nid pour aller construire un nid à votre image, avec une autre personne que vous câlinerez, peut-être avec des enfants à qui vous enseignerez l’art des câlins-coupe-en-deux et des câlins-qui-font-du-bien. Et à ce moment, c’est peut-être moi qui courrai jusqu’à votre demeure à la recherche d’un câlin ! (Mais promis, je ne sauterai pas dans votre lit à 6 h du matin… ;o))

Nathalie Courcy

Le malaise

Au départ, j’ai une histoire triste. Dès mon plus jeune âge, je me sui

Au départ, j’ai une histoire triste. Dès mon plus jeune âge, je me suis fait agresser sexuellement par mon père. Je devrais plutôt dire selon le CAVAC, mon père m’a agressée sexuellement. Mais ici n’est pas le sujet que je souhaite emmener.

Il y a eu ça, puis toutes les autres choses. Les inconduites sexuelles, que l’on dit. Ça fait presque beau : inconduites. Ça ne traduit en rien la détresse de celles et ceux qui en sont victimes. Les attouchements sexuels, les seins qu’on m’effleure dans le métro, les fesses qu’on me prend à pleines mains dans un bar, les baisers forcés dans une voiture ou contre un mur, les remarques à teneur sexuelle souvent lancées à la blague. Enfin, toutes ces choses que vous et moi avons déjà vécues une multitude de fois.

Je me suis parfois défendue. Et parfois pas. Parce que des fois, c’était plus facile de laisser passer, de vivre avec ou de faire comme si rien n’avait existé. Des fois, j’ai confronté l’autre et des fois non. Parce que je me disais que c’était de ma faute, parce que je l’avais cherché, parce que j’avais honte et que je me sentais sale. Et toute seule.

II y a à nouveau cette vague de dénonciations. Je ne connais pas toutes ces personnes publiques personnellement. Je n’étais pas présente lors des situations qui ont été évoquées. Et l’un de mes malaises est là : comment des personnes peuvent-elles se prononcer sur la culpabilité de l’un est coupable et l’innocence de l’autre?

Les hommes qui m’ont agressée sexuellement ou qui ont posé des gestes à caractère sexuel à mon égard étaient de bons gars. Ceux que tout le monde aime, de beaux gars qui faisaient rire ma mère. Il y en a eu aussi des pas gentils et des moins beaux. Enfin, qu’importe de quoi ils avaient l’air, ça n’avait pas d’importance. L’essentiel n’était pas ce qu’ils dégageaient, c’était ce qu’ils m’ont fait vivre à moi.

Depuis la vague qu’on appelle MeToo, je trouve cela difficile par moment. Cela me ramène à ce que j’ai voulu oublier. Cela me ramène au jugement parfois gratuit des gens. Les gestes à caractère sexuel sans consentement, peu importe lesquels laissent des traces. Même si je veux oublier, je me rappelle toujours. L’empreinte du corps reste longtemps.

Eva Staire

Quand c’est trop…

Je crois que la vie nous apporte son lot de défis en sachant que nous somm

Je crois que la vie nous apporte son lot de défis en sachant que nous sommes capables de les surmonter. Mais parfois, la vie a tendance à s’accrocher à du monde et à lui apporter pas mal de malheur. J’ai pour ma part eu pas mal d’obstacles dans ma jeune vie, j’ai juste 33 ans quand même.

À 15 ans, j’ai été abusé sexuellement par un copain. À 19 ans j’ai perdu mon père et à 21 ans, mon grand-père. À l’été 2016, ma cousine est disparue puis elle a été retrouvée, mais était changée à jamais. En octobre 2016, j’ai été diagnostiquée avec une dépression post-partum majeure ; en juin 2017 j’ai voulu mettre fin à mes jours. En septembre 2018, j’ai perdu ma tante à cause du cancer des ovaires. Depuis février 2020, je suis officiellement guérie de ma dépression et tout semble aller pour le mieux. Puis la pandémie est arrivée. Je travaille en santé, alors j’ai travaillé sans relâche. Mon conjoint a failli perdre son emploi. Une autre tante est décédée du cancer des poumons et je n’ai pas pu assister aux funérailles, vu que c’était au Nouveau-Brunswick. Et ce midi, dimanche 19 juillet 2020, le soleil brille, il fait chaud et je reçois un appel d’un frère de mon père. Mon oncle Christian, celui qui a perdu sa femme il y a même pas deux ans d’un cancer, est décédé d’une crise cardiaque. Il avait 55 ans.

Ce matin même, j’ai parlé avec quelqu’un à qui je n’avais pas pu parler depuis une éternité. Cette conversation m’a enlevé un poids énorme des épaules. Deux heures plus tard, j’ai cette nouvelle. Depuis, je n’arrête pas de me dire que la vie a fait en sorte que je sois en paix avec une partie de ma vie pour pouvoir encaisser cette énorme étape. Mais je me dis aussi : « Christi, ça peut-tu lâcher? T’sais, la malchance, est-ce qu’elle peut arrêter de me tester? » Je crois avoir prouvé ma force, ma détermination. J’ai comme qui dirait une écœurantite de la marde. En 2020, j’avais décidé que ça serait mon année, mon nouveau moi en santé profiterait de la vie à fond. Bout de viarge, les bâtons dans les roues, j’en ai ma claque.

J’étais super proche de mon oncle, nous nous écrivions tous les jours ou presque. Comme il vivait à Yellowknife, nous ne nous voyions pas souvent, mais nous avions une belle relation. Surtout depuis Noël dernier. J’ai célébré le temps des fêtes pour la première fois avec les trois frères de mon père, ma mère, ma sœur et mes cousins et ma cousine. Depuis, nous nous parlions souvent. Mon oncle était un homme courageux, fier, drôle, toujours prêt pour une nouvelle aventure. Il aimait ses enfants et sa femme comme un fou. Il a rencontré sa femme en Allemagne durant un séjour de l’armée. Ils sont tombés amoureux et elle l’a suivi au Canada, ne connaissant aucunement le français ni l’anglais. Mon oncle a été dans l’armée canadienne pendant 35 ans. Il a été basé majoritairement à Yellowknife, mais il a été un temps à Edmonton et à Petawawa en Ontario. Son départ me fait mal, j’ai l’impression de perdre mon père à nouveau. Ce matin, il m’avait envoyé une vidéo drôle d’animaux qui étaient paresseux. C’est fou de croire que quelques heures plus tard, il n’était plus là pour lire ma réponse.

La dernière conversation de vive voix que nous avons eue a eu lieu à son retour de voyage en Asie en avril dernier. Ce qu’il avait dit m’avait profondément marquée :

« Vis ta vie à fond, sans regrets. Voyage, vois le monde, pas juste ses paysages, mais les humains. C’est magnifique, tu vas voir. Vis ta vie comme si demain n’existait pas, parce qu’on ne sait jamais ce que la vie nous réserve. »

Je t’aime oncle Christian. Tu vas tellement me manquer.

Cindy LB

Lettre à ma fille dysphasique

Ma chère et belle enfant,

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Ma chère et belle enfant,

Aujourd’hui, j’ai dû prendre la décision la plus difficile de ma vie. Celle qui aurait une influence sur ton futur, celle qui ferait de toi une enfant plus heureuse, selon moi, et selon les professionnelles qui te côtoient chaque jour. J’ai eu le privilège de t’accompagner et de te côtoyer chaque jour depuis le premier jour de ta maternelle à l’école, à MON école. J’ai eu le privilège de t’enseigner et de te voir évoluer au sein d’une classe régulière. Les inquiétudes? J’en ai tout le temps.

Le doute? J’en ai constamment. Je voulais t’offrir une partie de ton enfance, la vraie vie. Côtoyer des personnes qui sont « normales » pour t’offrir un échantillon de la société dans laquelle tu vivras. Ton handicap n’est pas visible, et plusieurs personnes ne sont pas en mesure de comprendre. Elles ne peuvent comprendre parce que « ça paraît pas ». Tu aimes tellement discuter avec tout le monde, comment pourrait-on se douter que tu as un problème de langage? Pourtant, ce « problème » est au cœur de ton quotidien et il t’empêche très souvent d’entrer en relation avec des enfants de ton âge. J’ai longtemps espéré que t’avoir avec moi te protégerait d’une certaine façon de la cruauté des autres… Mais malheureusement, je dois accepter que je ne peux pas tout faire ni tout contrôler.

Tu travailles fort chaque jour, tu essaies tant bien que mal de comprendre ce que le professeur t’explique. Tu essaies de résoudre des problèmes mathématiques, de lire des textes en français, mais c’est difficile pour toi. C’est bien normal, TOUT passe par le langage. Quelqu’un est avec toi, un ange qui t’accompagne quelques heures par semaine, et ce, parce que l’école a su que c’était essentiel pour toi… Mais malgré tout ton travail, tu n’y arrives tout simplement pas, et nous voyons que tu décroches de plus en plus… Décrocher en troisième année, c’est un non-sens, et je me dois de faire quelque chose.

Une opportunité se présente à nous. L’occasion que tu puisses aller dans une classe spécialisée, qui, je l’espère, sera épargnée par toutes les coupures de services engendrées par cette période d’austérité. J’ai peur… Et si ce n’était pas la bonne décision? Et si tu étais malheureuse loin de ton milieu, loin de moi? Je crois que nous n’avons rien à perdre d’essayer puisque ton milieu ne te convient plus. Je dois « couper le cordon » et essayer de te laisser voler de tes propres ailes. Tu verras, je suis certaine que tu y seras heureuse. Il y aura des personnes, différentes comme toi, qui ont un problème de langage. Je souhaite de tout mon cœur que tu y connaisses enfin ce que c’est que l’amitié.

Ma chère et belle enfant, je t’écris ces quelques lignes puisque je ne peux pas te l’expliquer… Tu ne le comprendrais pas… parce que ton handicap, ce sont les mots… les mots des autres, et les tiens… Mon seul et unique but est de te rendre heureuse, et je suis prête à tout pour y parvenir.

Valérie Cléroux

C’est encore possible

Il y a deux mois, j’ai fait un test de grossesse. Il y a deux mois, j’a

Il y a deux mois, j’ai fait un test de grossesse. Il y a deux mois, j’ai appris que j’attendais mon deuxième bébé. Il y a deux mois commençait un voyage qui, je le savais, ne serait pas de tout repos.

Pour toutes celles ayant déjà vécu une grossesse ectopique dans le passé, un résultat positif sur un test de grossesse sonne une cloche d’alarme. N’importe qui désirant un bébé se réjouirait de cette nouvelle. J’aimerais tellement que ce soit si simple. Oui, nous voulions agrandir notre famille, mais cela reste toujours inquiétant. Ce que j’ai vu avec les deux lignes sur le test, ce sont toutes les procédures qui allaient suivre et les nuits d’angoisse à ne pas dormir. Je voyais les appels en clinique pour essayer d’avoir un rendez-vous pendant la COVID. Je voyais les prises de sang aux deux jours. Je voyais l’attente du résultat téléphonique chaque soir. Je voyais les échographies à répétition jusqu’à ce qu’on trouve le petit cœur.

J’anticipais la déception si on m’annonçait qu’il n’était pas là où il devait être. J’anticipais la douleur des injections et du décollement. J’anticipais l’hospitalisation et le suivi post-injection.

Mon conjoint n’osait pas se réjouir, car nous avons déjà vécu cette expérience et nous savons ce qui peut arriver. On se regardait, on se souriait, mais on n’osait pas imaginer déjà notre vie à quatre.

Puis, après plusieurs tests, le résultat est arrivé… Bébé est à la bonne place et son cœur bat parfaitement. Nous sommes contents et reconnaissants de la chance que nous avons. Nous pouvons enfin nous réjouir.

Nous sommes conscients que plusieurs parents n’ont pas notre chance. J’ai pu garder ma trompe lorsque ma grossesse extra-utérine est survenue et ça m’a permis de concevoir ma fille et le futur humain qui s’en vient. En revanche, beaucoup de femmes se font prendre en charge trop tard et doivent se faire enlever une trompe pour sauver leur vie. C’est terrible de penser qu’une femme qui veut donner la vie passe proche de perdre la sienne par le fait même.

Je voudrais dire aux femmes qui ont vécu cette expérience par le passé que ce n’est pas impossible de concevoir après avoir vécu une grossesse ectopique. Certaines histoires se terminent bien. Et si certaines ne veulent pas se réessayer, c’est bien correct aussi. Il faut savoir s’écouter et se respecter. Mon témoignage aujourd’hui est juste pour vous dire que si vos trompes ont survécu à cette épreuve, il n’est pas impossible de concevoir à nouveau et à la bonne place. Ça prend beaucoup de courage et de résilience, mais c’est possible.

Je vous souhaite, à toutes celles qui le désirent, d’avoir un petit cœur dans le ventre lorsque vous vous en sentirez prêtes.    

Anouk Carmel-Pelosse

Langue de vipère

 Vipère : nom féminin 

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 Vipère : nom féminin 

  • Serpent venimeux, vivipare, des régions chaudes et tempérées froides.
  • Personne malfaisante ou médisante. 

C’est toi. Peut-être toi aussi. Le monde est rempli de vipères. Des langues blessantes et méprisantes, il y en a plein. 

Et il y a toi, MA vipère, celle qui me blesse à chaque rencontre. Toi, qui déclares mes faiblesses haut et fort, comme si tout le monde devait savoir que j’ai des défauts (tout le monde en a). Toi qui parles dans mon dos, en te moquant de mes travers. Tu jettes ton venin à qui veut l’entendre. Tu paralyses tes proies par tes mots qui frappent, racontant la vie de tout un chacun. Tu enroules ton corps autour des jambes de ceux qui veulent bien t’écouter pour mieux les faire tomber à leur tour. Dès qu’on a le dos tourné, tu attaques, tu craches ton fiel toxique. Personne n’est à l’abri de ta méchanceté, de ta langue de vipère, même ceux que tu aimes. 

Tu es malheureuse, je le sais bien. Je le vois dans tes yeux malicieux, dans tes rides de tristesse. Tu essaies de le cacher, mais tes épaules voûtées te trahissent. Malgré tout, je ne peux plus l’accepter.

Sache qu’à partir de maintenant, entre nous deux, ce sera différent. Je t’ai identifiée, chère vipère. Je me méfie de toi. J’ai même trouvé l’antidote à ton venin : la confiance en moi. Je sais désormais qui je suis et ce que je vaux. À partir d’aujourd’hui, tes mots ne seront plus que des tentatives ratées de morsures. Tu pourras raconter ce que tu veux à qui tu voudras, les gens qui m’aiment connaissent ma valeur. Je n’ai plus peur de te rencontrer.

Peut-être que tu devrais tenter la bienveillance toi aussi. Tu te sentirais beaucoup mieux. La gentillesse et l’honnêteté font sourire de façon sincère. Ça vaut tout l’or du monde, ça rend le cœur léger.   

Comme le dit Mahomet : « La vraie richesse d’un homme en ce monde se mesure au bien qu’il a fait autour de lui. »

Alors, je te laisse méditer là-dessus.

Nancy Pedneault  

C’est normal

Aujourd’hui, j’ai envie de me sentir normale. Tu sais, normale comme da

Aujourd’hui, j’ai envie de me sentir normale. Tu sais, normale comme dans « maudit que j’aimerais que la vie aille moins vite ». J’ai l’impression d’étouffer par moment. J’ai l’impression que je n’arriverai jamais à temps dans mon temps. Pourquoi je me sens ainsi? Qui m’impose ce rythme effréné?

Après réflexion, j’en suis venue à la conclusion que cette pression vient bel et bien de moi. C’est moi qui décide de me mettre dans de telles situations, et ce, de mon propre chef.

Du matin au soir, ma vie est chaotique. Enseignante de profession, je roule au quart de tour pour m’assurer que mes élèves sont les meilleurs de tous. Je m’assure qu’ils ne manquent de rien et j’en fais toujours trop. Dans le jour, j’oublie de respirer calmement. Dans le jour, j’oublie que j’existe. Je suis sur le pilote automatique, nous devons avancer, apprendre et nous amuser et je dois surtout ne pas oublier de corriger, de planifier et de ramasser.

Quand arrive le soir, je suis maman. Une maman aimante et dévouée qui oublie encore une fois de bien respirer. Une maman qui prépare le repas, qui s’assure que les douches sont prises, qui s’occupe des lunchs et qui prend le temps de jouer. Une maman qui se couche avec ses cocos et qui patiente avant de pouvoir aller se coucher juste pour être certaine qu’elle n’aura pas à se relever.

Quand arrive le soir, je suis brûlée, fatiguée. Me traîner dans mon lit est un vrai tour de magie. J’aimerais tellement fermer les yeux et m’endormir, mais ma réalité me ramène souvent en plein visage que l’anxiété n’a pas encore donné son OK. C’est à ce moment‑là que je voudrais crier. C’est justement là que je voudrais tout arrêter. Tu sais, arrêter le temps qui gère mon existence, arrêter la perfection et parfois couper les coins ronds, arrêter de stresser pour ne rien oublier. 

Aujourd’hui, j’ai envie de me sentir normale. Donc, je vais respirer, laisser aller et juste imaginer que demain sera une meilleure journée et que pour une fois, je réussirai à ne pas m’oublier.  

Véronique Daigle

Moi, je l’aime ta fraise

Moi, je l’aime ta fraise 🍓

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Moi, je l’aime ta fraise 🍓

Avant d’avoir un bébé, on nous avertit de la majorité des problèmes de santé qu’il pourrait avoir :

Les fesses rouges, la fièvre, les coliques, les otites, etc.

Cependant, il y a quelque chose dont on ne parle que très rarement, mais qui est fréquent : l’hémangiome infantile.

Selon le site de Merck, on décrit l’hémangiome comme ceci :

Les hémangiomes infantiles sont des lésions vasculaires relevées, rouges ou violacées, hyperplasiques qui apparaissent au cours de la première année de vie. Ils régressent le plus souvent spontanément ; dans certaines localisations, durant leur phase de croissance, ils peuvent affecter la vision, les voies respiratoires. Le traitement idéal varie en fonction de nombreux facteurs spécifiques du patient.

À un mois de vie, j’amène ma petite fille à la clinique pour une autre raison et je demande par la même occasion au médecin ce qu’est cette tache rouge sur le nez de ma fille. Il me répond seulement : « Ça va partir tout seul ».

Aucun autre détail.

La rougeur continuant d’augmenter, je vais voir mon médecin de famille et elle me dit que c’est un hémangiome, mais ne me donne pas plus d’informations excepté le fait que ça va partir d’ici deux à cinq ans et que ça va continuer de grandir dans la prochaine année. Je repars attristée parce que j’ai déjà entendu régulièrement les phrases :

« Tu t’es grafignée ma belle, il faut te couper les ongles! »

« C’est quoi ça sur son nez? »

« Est‑ce qu’elle va avoir ça dans la face pour toujours? »

Je sais que depuis la création de l’être humain, on veut tout savoir et comprendre.

La plupart du temps avec de bonnes intentions. Toutefois, à la longue, ça devient blessant. Ne pas pouvoir sortir dans de nouveaux endroits sans se faire poser de questions. Pour moi, que l’enfant comprenne ou non, ce n’est pas une raison pour émettre un commentaire négatif sur sa personne.

Pour en revenir au deuxième rendez-vous, j’avais le goût de m’effondrer. Dans mon cœur, ma chérie était parfaite avec sa jolie fraise au nez, ça faisait son charme, comme disait ma cousine Marianne. Par contre, je me suis mise à avoir peur que les autres enfants rient d’elle et qu’elle comprenne un jour en vieillissant. Je me suis dit que si moi, ça me déchirait le cœur, je n’osais pas m’imaginer à sa place.

Fin décembre, une amie me dit que sa plus vieille avait aussi un hémangiome et qu’il existe des traitements. Je décide donc de demander une référence pour une consultation, mais entre temps, nous sommes allées au CHEO (Children’s Hospital of Eastern Ontario), car notre fille faisait une bronchiolite.

Les spécialistes constatent également sa belle particularité et nous offrent un suivi. Ils nous disent qu’ils pourraient la traiter si on le désirait.

Moins d’un an plus tard, son hémangiome est presque complètement disparu.

J’avoue qu’il me manque. Ça faisait sa différence, mais pour nous, c’était la meilleure solution pour son avenir.

Pour ceux qui préfèrent que la vie suive son cours et qui croient que cette particularité est merveilleuse parce qu’elle rend leur enfant unique, je suis tout à fait d’accord avec vous également.

La meilleure chose pour nos enfants, c’est de faire ce que nous en tant que parents, considérons comme la meilleure chose.

Je termine ce texte en souhaitant que la société soit plus informée et que les hémangiomes deviennent une belle normalité.

C’est beau, des fraises! 🍓🍓🍓

Marilou Savard