Tu m’aimes-tu ? Texte : Kim Boisvert
« Tu m’aimes-tu ? »
C
« Tu m’aimes-tu ? »
Ces mots-là, je les ai dits plus souvent qu’autrement. Je les ai lancés dans le vide en espérant que mon homme ou n’importe qui les attrape. Sauf le voisin, qui passe probablement la majorité de ses soirées à écouter du porno. Là, je ne voudrais pas de réponse. Ça va aller. Prends ton KY pis tes kleenex, j’vais prendre mon insécurité pis ma fierté et rentrer.
Roger, mon manupuncteur, aurait dit que c’est égoïste de décider des sentiments des autres. C’est ben vrai. Alors je valide, trop souvent.
Ces quelques lettres forment une question plutôt banale qui ne veut rien dire d’autre que : « Tu m’aimes-tu ? »
Parce que non, ce n’est pas la même question si on dit :
- Est-ce que tu m’aimes (est-ce que je suis la seule ici à compléter par… Est-ce que tu m’aimes encore… Céline Dion, non ? Ok.)
Ou
- Tu m’aimes-TU ?
C’est complètement différent. Ça donne l’attention à l’autre, le questionne deux fois, avec une belle faute de syntaxe. Mais c’est simple. On veut juste savoir si à cette minute-là, on est aimée. Parce qu’à cette minute-là, on s’aime pas assez soi-même.
Ça prouve deux fois plus l’insistance et le besoin d’une réponse. « Tu m’aimes-tu », on demande ça pour se réconforter, parce que ça fait longtemps qu’on n’a pas entendu la réponse ou simplement pour se surprendre. Parce qu’au moment où on dit ces mots, parfois, on est certain du contraire. Quand on le demande, c’est un peu comme si on cherchait Edgard, le toutou en peluche qui sauve tout. C’est comme si on prenait un doudou très fort dans nos bras et que ce petit bout de polyester ou de fibre de bambou venait nous calmer.
« Tu m’aimes-tu », c’est un signe clair de manque de confiance en soi ou de besoin d’attention. C’est une demande banale qui cache un grand inconfort. Le simple : ben oui mon amour, nous remet dans un état un peu second : oh ! il a dit BEN oui, comme si c’était obligé, c’est peut-être pour cacher que non. J’tellement fille. Dites pas que vous n’avez jamais fait ça, je ne vous croirais pas. Mais souvent ce ben oui est accompagné d’un flattage de cuisse, d’un colleux ou d’un : viens donc ici avec un bec déposé sur le front. Ce dernier est mon préféré. Ben oui, viens donc ici, avec les bras ouverts, prêts à nous accueillir, moi pis mon incertitude momentanée.
« Tu m’aimes-tu » n’est pas tant quand on questionne notre couple que quand on se questionne soi-même. Si je m’aime assez ? Probablement pas. Sinon beaucoup de comportements malsains ne feraient plus partie de ma vie. J’ai donc besoin de l’entendre d’une bouche, souvent de celle qui a le plus d’importance, après moi-même et les deux mini moi. C’est triste de poser cette question, mais si on peut la demander, c’est qu’on n’est pas seul.
Kim Boisvert