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L’apprentissage de la propreté et toutes les odeurs du monde

Huit ans que j’étais dans les couches. Huit merveilleuses, fatiga

Huit ans que j’étais dans les couches. Huit merveilleuses, fatigantes, enrichissantes, surprenantes années à être dans les couches. Trois enfants plus tard, j’avais donc hâte que l’étape des couches soit terminée une fois pour toutes…

Mais la mémoire est une faculté qui oublie et je peux vous confirmer que j’avais complètement oublié à quel point c’est épuisant, un enfant en apprentissage de la propreté. Ma petite dernière est enfin devenue propre, mais lorsque vient le temps de faire des sorties… ouf!

– J’arrive au premier rendez-vous à vie de ma chère Petite chez la coiffeuse. Petite est heureuse, car il y a une aire de jeu. Maman est heureuse, car elle fait une sortie de filles avec Petite. Résultat : Petite est tellement heureuse qu’elle se cache dans un coin de la locomotive pour faire caca dans ses culottes! Pas de temps à perdre à aller aux toilettes, elle veut jouer. Évidemment, c’était la première fois que j’osais sortir sans couches et j’avais oublié les vêtements de rechange. Alors les nouvelles culottes se sont retrouvées aux poubelles! Petite : 1. Maman : 0.

– Je voulais me rendre au supermarché tôt le matin. Ainsi, je pourrais faire le ménage avant le dîner. (Oui, parfois je suis lunatique et pense vivre dans un monde enchanté!) Je franchis donc les portes du supermarché à 8 : 20. À 8 : 25 exactement, Petite me dit : « Pipi! » Ok… Go! Go! Go! Je laisse le panier à l’entrée et cours à la salle de bain. Je mets une tonne de papier de toilette autour du siège (parce que maudit que c’est dégueulasse!), j’assois Petite sur le bol et je la tiens. Je la tiens et j’ai l’impression d’avoir la face collée directement sur la toilette publique. Je sens toutes les odeurs du monde, tous les maux de ventre du monde qui n’a pas pu se retenir jusqu’à la maison. Et là, Petite entend SA chanson qui joue à la radio. (Merci, Rythme FM, mais ce n’était clairement pas nécessaire!) Elle se met donc à chanter et à hocher la tête au rythme de son bonheur. Soit dit en passant… j’ai toujours la face collée à la cuvette, attendant son merveilleux pipi. Trois minutes plus tard, elle me regarde et me dit : « Non pipi maman! » avec le plus beau sourire du monde.

Ok, c’est pas grave. Je rhabille Petite et retourne à mon chariot. Cinq minutes plus tard, elle me regarde de ses yeux brillants et me dit : « Pipi maman! » Arghhh! Je n’ai même pas fait une rangée de plus! Mais qui suis-je pour lui dire de se retenir? Je veux qu’elle devienne propre, oui ou non? Je ne m’en cacherai pas, mes yeux ont roulé vers le ciel. (Passé les nuages, en plus!) Je prends Petite, j’abandonne à nouveau mon chariot et je cours vers l’un des trônes les plus infects qui soient. Je remets du papier autour du siège et j’assois Petite. Retour à la case départ : la face collée sur la cuvette. En moins de cinq secondes, elle fait un beau pipi, tout heureuse.

– L’une des premières fois où j’ai osé sortir Petite sans couche était pour aller faire une simple commission. C’était à une seule sortie d’autoroute de distance, alors je me suis dit : Parfait! Même si elle me dit « Pipi », j’ai le temps de me rendre. (Toujours dans mon monde enchanté, t’sais!) Alors nous partons à l’aventure. Résultat : je bloque à mi chemin sur l’autoroute. Du trafic sur cinq cents mètres de distance. Je ne peux pas avancer d’un poil quand tout à coup, j’entends les deux mots qui m’ont fait frissonner le corps entier : « Maman, pipi. » Oh non! Je suis seule avec Petite, coincée sur l’autoroute en plein trafic un mardi matin. Ce furent dix TRÈS longues minutes à tenter de convaincre ma chère Petite que nous arrivions. Qu’elle était capable de se retenir. Qu’elle était donc bonne. Qu’elle était donc fine. Une fois sortie de l’autoroute, j’ai sorti Petite à toute vitesse et couru comme une folle vers le premier commerce sur mon chemin.

Pendant cette période d’apprentissage, tout est plus long, nous devons traîner des vêtements de rechange et ça complique les choses un tantinet. Mais lorsque Petite me regarde de ses yeux remplis de fierté et qu’elle me dit : « Moi grande fille maintenant hein? », ça vaut toutes les odeurs du monde!

 

Geneviève Dutrisac

J’ai huit ans, et je fais pipi au lit.

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Chaque matin, quand je me réveille, j’ai froid. Je frotte mes yeux. Je suis tout mouillé. Je grelotte. Ça sent fort l’ammoniaque. J’ai huit ans.
Et chaque nuit, je fais pipi dans mon lit.

J’ai honte. Même si papa et maman disent que ce n’est pas grave. Car je me sens comme un gros bébé. Je dors avec une énorme couche. Et pourtant, ça déborde. Je dors tellement profondément que ni l’envie d’aller uriner ni les draps qui se remplissent de liquide ne me réveillent.

Je ne vais pas dormir chez mes amis. Je ne veux pas qu’ils voient ma couche. Je refuse qu’ils sentent cette odeur si nauséabonde le matin. Ils savent, car je leur ai expliqué et je crois qu’ils comprennent. J’en parle sans problèmes parce que ça fait partie de moi.

Ça avait arrêté quelque temps, mais depuis que mon ami est à l’hôpital car le cancer est revenu dans son corps, mes pipis sont revenus eux aussi. Maman dit que ça a peut-être un lien. Moi je ne pense pas. Je crois que ce sera toujours ainsi.

Je frotte mes yeux à nouveau et je soupire. Je me lève et je mets des vêtements secs. Je défais mon lit, je garroche les draps, les peluches et mon pyjama dans la laveuse.
Je monte doucement l’escalier et je pousse la porte de la chambre de mes parents.
– Maman?
– Bon matin, ça va?
– J’ai mis les draps à laver, tu partiras la machine?
– Oui, merci mon lapin.

Je rajoute du travail à mes parents qui semblent pourtant si occupés et ça me stresse. Car il faut laver mes draps TOUS LES JOURS.

Un jour, une dame est venue à la maison avec une machine qui sonne. On a commencé à utiliser cet appareil. Quand je faisais pipi la nuit, la machine sonnait très fort et ça réveillait toute la maison… sauf moi… Ça sonnait quatre ou cinq fois chaque nuit. Je dormais vraiment dur. Mes frères et sœurs ne la trouvaient pas drôle, cette machine. Même le chien se levait!

Alors, je n’ai pas beaucoup d’espoir que ça passe un jour.
Pour l’instant, j’ai 8 ans.
Je vais grandir…
J’espère que ma femme m’aimera quand même. Mais je ne suis pas certain qu’elle voudra dormir dans mon lit. Et mes enfants? Ils auront honte de leur père! Ça m’inquiète parfois.

Papa dit de ne pas m’en faire, que tout finit par se placer dans la vie. Il a un ami qui était comme moi et maintenant, c’est un adulte grand et fort. Il ne porte plus de couche!

Grand-maman aussi parfois, elle se réveille dans le pipi à sa maison médicalisée. Je me demande si c’est possible que j’aie également cette maladie de la mémoire au nom bizarre.

Je suis content de pouvoir en parler sans me faire juger.
J’ai huit ans.
Et je fais pipi au lit.

 

Gwendoline Duchaine