Il manque de nuances…

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Dans les yeux de mes garçons, il manque de nuances. Les bleus se confondent avec les violets et les verts, parfois même avec les orangers et les gris. Entre les rouges, les bruns, les roses… les différences sont trop faibles être perçues. Avant leur premier examen de la vue à cinq ans, on s’en doutait. Mais ça aurait tout aussi bien pu être causé par leur jeune âge. Ce ne sont pas tous les enfants qui comme ma fille aînée (aussi nommée « L’artiste chronique ») distinguent le turquoise de l’émeraude et du jade à l’âge de trois ans…

Les tests ont été passés, et refaits, et réévalués. Diagnostic établi : daltonisme. Pour mes deux poussins. On n’est pas dans l’extrême daltonisme, ils s’en sortent plutôt bien la majorité du temps. Mais parfois, ça amène des situations cocasses (le visage orange d’un bonhomme [genre « j’ai trop mangé de potage de carottes »] ou les feuilles d’arbres lilas… « elles sont belles hein maman, les feuilles vertes de mon érable? »).

À chaque début d’année scolaire, on s’assure de mentionner cette particularité à l’enseignant. Le daltonisme, c’est le genre d’information qui tombe dans les craques des dossiers d’élève. Ça ne dérange pas le déroulement des cours. Ça ne nécessite pas de médication. Ça n’empêche pas l’enfant de passer son année. Donc si on n’en parle pas chaque année, ça reste classé secret dans les classeurs de la direction.

Les enseignants ont pu établir des stratégies aidantes avec mes enfants dès les premières journées : identifier les crayons par leur couleur, les placer dans un ordre précis, demander à l’enseignant ou au voisin quand ils hésitent entre le crayon rouille et le crayon écarlate (alors qu’ils cherchent le crayon citrouille…).

Partager cette information a aussi permis aux profs d’adapter la grille de correction lors de certaines évaluations. Mon garçon m’a rapporté une résolution de problèmes dans laquelle il devait colorier trois pommes en rouge, entourer deux pommes de plus en vert et faire un trait bleu sous les fruits restants. Sur sa feuille, il y avait du brun, du gris et du mauve… et une note de 100 %! Parce qu’il avait bien suivi les consignes même si ses yeux lui avaient joué des tours.

Les stratégies adaptées touchent aussi la vie de tous les jours. Au-delà du choix des vêtements (pour l’instant, on s’en sort bien : on n’a pas de cravate à faire matcher avec la chemise), la reconnaissance des couleurs se retrouve partout. Essayez donc de jouer à Guess Who ou de faire des casse-têtes sans voir les bonnes couleurs! Même les jeux basés sur des couleurs franches comme Uno ou Twister peuvent être piégés selon le degré de daltonisme, l’éclairage, etc. Pour les échecs et les dames, ça va, c’est déjà ça!

Comme défaut de fabrication (ou particularité de fabrication, pour être plus politiquement correct), on a déjà vu pire. À part quelques métiers qu’ils devront éliminer de leur liste, le daltonisme ne les empêchera pas de faire quoique ce soit et encore moins d’être heureux et épanouis. Tout de même, il ne faut pas négliger les adaptations que doivent faire l’enfant et son entourage. Il ne faut surtout pas négliger les examens de la vue et la communication avec les éducateurs. Ce sont des façons simples d’aider notre enfant à apprendre à se débrouiller avec ses yeux joueurs de tours!

Nathalie Courcy