Dans mon temps, on savait élever ça, des enfants!
<span style="color: #000000; font-family: Times New R
Mardi soir, je viens de terminer ma journée de travail. Je dois arrêter à l’épicerie, il me manque deux ou trois trucs pour le souper. Ma plus jeune me suit comme mon ombre, avec le foutu petit panier pour les enfants qu’elle m’enfonce dans le mollet souvent, beaucoup trop souvent.
On réussit à trouver tout ce qu’il nous manque. On se dirige vers la caisse. C’est là que ma fille voit les œufs Kinder. Naturellement, elle en veut un. Je lui dis non. Elle insiste. C’est toujours non. Je vois son petit visage angélique se déformer. La crise éclatera, c’est une question de fractions de seconde. Elle se jette par terre. Elle crie, elle hurle. Je suis la maman la plus méchante du monde. Un combat s’engage. Je veux l’asseoir dans mon panier (format adulte) pour que je puisse terminer de décharger le panier et payer. Après une lutte incroyable, elle est dans le panier. Elle essaie de sortir. Je lui déconseille fortement. La crise est toujours là. Les hurlements continuent. Tous les clients de l’épicerie nous regardent. Les mamans le font avec compassion. Je vois dans leur regard le soutien. Certains me regardent avec mépris. Je vois dans leur regard le jugement.
C’est là que j’entends à travers les plaintes de ma fille : « C’est ça! Les enfants rois. Dans mon temps, on savait éduquer ça, des enfants. Vous leur donnez toute. Ça ne sait plus se tenir. Apprenez donc à tenir votre bout. Vous n’en auriez pas de crises! » Ça vient de derrière moi. De la vieille dame qui attend dans la file.
Je suis stupéfaite, sans mots. J’ai juste envie de l’envoyer chier, je ne le fais pas. C’est justement parce que je tiens mon bout que j’ai cette crise. Je ne dis rien, mais mon regard dit tout. La dame me regarde toujours, les lèvres pincées par le mépris. La jeune caissière est rouge de malaise. Je la regarde et lève les épaules en espérant alléger son embarras. Ma petite démone se donne toujours autant. Je crois que la dame lui lancerait de l’eau bénite si elle en avait.
Je me demande si cette dame a eu des enfants. Finalement, je ne veux même pas le savoir. Je voudrais seulement qu’elle marche dans mes souliers quelques jours. Question de vivre un peu mon quotidien.
Ensuite et seulement ensuite, j’accorderais de l’importance à son jugement… et ce, s’il y en a une goutte en elle…
Je paie, je sors en lançant un dernier regard à la dame. Elle a l’air toujours aussi dégoûtée. Alors je me permets de lui sourire.
Mélanie Paradis