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Je ne survivrai pas à votre adolescence

Un soir, je me suis assise en silence à table pour le souper.

Un soir, je me suis assise en silence à table pour le souper.

Je les ai regardés. Un par un.

Et j’ai seulement prononcé ces mots :

– Je ne survivrai pas à votre adolescence…

La tête dans mes mains, je n’avais alors même plus de questions, plus d’espoir. Je ne peux pas. C’était trop pour un cœur de parent. Je démissionne. Je n’y arrive plus.

Le découragement, la fatigue, le stress de ce quotidien si pesant… Je suis rentrée dans le mur de l’adolescence et je me suis effondrée.

Cette période est terriblement difficile pour les enfants, je le sais bien… mais parle‑t‑on de la détresse des parents?

Je me sens inutile, dépassée, incompétente, chiante… j’ai l’impression d’être une police en permanence.

J’essaie de lâcher prise, mais chaque semaine, un de mes enfants invente une nouvelle bêtise, un nouvel échec scolaire, un nouveau problème de santé, une nouvelle peine d’amour, un nouveau party, une nouvelle consommation, un nouveau manque de respect, de nouveaux cris… Le tourbillon d’émotions ne s’arrête jamais…

Je ne pensais pas que ce serait aussi dur. Je ne pensais pas que mon cœur tremblerait autant. Mais surtout, je ne pensais pas qu’un jour, ceux que j’aime le plus sur cette planète allaient me faire mal comme ça…

Je ne sais pas comment je vais survivre à votre adolescence…

 

Gwendoline Duchaine

 

La mère que j’aurais voulu être

Pour plusieurs, je suis une superwoman, une super maman, un

Pour plusieurs, je suis une superwoman, une super maman, une super toute. (J’imagine que pour plusieurs autres, je suis complètement à côté de la track, mais coudonc.). Moi, quand je me regarde dans l’âme, je suis souvent fière de ce que je suis et de ce que j’accomplis. Mais quand la journée a été pénible, que les efforts d’éducation positive m’ont fait frapper le mur de béton et que la patience s’effrite au rythme d’un pastel sec qu’on met à la puissance dix dans le mélangeur, il se peut que le hop-la-vie prenne le bord.

Avant de devenir maman, je m’imaginais trouver l’équilibre entre la mama cool et la mère encadrante, stricte au besoin et compréhensive. Je m’imaginais faire plein d’activités d’apprentissage, de bricolage, de développement moteur, de découverte du monde, et tout autant d’activités pas pédagogiques pantoute, juste pour le plaisir d’avoir du fun et de rire. C’est ce que j’ai fait pendant les dix-huit premiers mois de la vie de ma fille aînée.

Puis, ça s’est gâté. Les crises sont devenues aussi régulières que les heures dans une journée. Tic : Une crise. Tac : Une crise. Tic : Une autre crise. Tac : encore une. Petite sœur est née et s’est mise à pleurer. Elle a arrêté quatre mois plus tard, me laissant épuisée, à moitié sourde, remplie de doutes sur ma capacité d’être une bonne mère (ou une mère tout court) et avec l’estime personnelle d’une carpe passée date injectée au valium.

Moi qui avais toujours des idées de bricolage originales, qui me promenais entre trois et quatre heures par jour en plein air avec ma plus vieille, qui prenait la vie une heure à la fois, je suis devenue une zombie. Oui, oui! Une zombie qui ne sort plus (l’extérieur angoissait mes filles hypersensibles, qui hurlaient et essayaient de retourner dans mon utérus à cause des bruits, des corneilles, du soleil, des étrangers…), qui ne bouge plus, qui ne parle plus, qui ne chante plus (ma plus jeune ne tolérait aucun son), qui ne sourit plus, qui ne joue plus. Une zombie qui n’est plus.

À force de me faire lancer de la nourriture par la tête parce que ce n’était jamais au goût de la plus vieille, je me suis découragée de faire des repas sains et variés. À force de devoir ramasser seule les gâchis de peinture post-bricolage et d’avoir peur de me faire attaquer par une paire de ciseaux, j’ai rangé le matériel d’art. Pour de bon. À force de me faire dire que j’exagérais ou que mes enfants dérangeaient et étaient mal élevés, j’ai fini par m’isoler. Mais les quatre murs d’une maison, c’est assez nul pour remonter le moral. J’ai heureusement gardé un cercle rapproché de personnes aimantes et compréhensives, ce qui nous a sauvés. Mais j’ai perdu le courage d’être la maman que je voulais.

Je souhaitais voyager en famille. Les chicanes ont mis un terme à nos expéditions. Je voulais leur enseigner à patiner, à nager, à faire du vélo, à attacher leurs lacets, à jouer de la musique. Leur refus de dépasser les frontières hermétiques de leur zone de confort m’a choquée : moi pour qui la persévérance et la notion d’effort et d’amélioration sont primordiales, je suis tombée de haut. Je n’avais pas transmis ces valeurs à mes enfants.

Je me voyais enseigner à mes enfants à la maison et participer pleinement à leur développement cognitif et social. Pendant des années, la période des devoirs a été synonyme de drame25 000. Mes enfants comprennent rapidement la matière, mais toujours faut-il qu’ils acceptent d’apprendre et de s’exercer. Leur tendance à l’opposition dans le milieu familial a rendu impossible cette voie alternative à l’éducation en milieu scolaire. Au moins, à l’école, ma plus vieille filtre son drama-queenisme aigu et ma plus jeune se laisse porter par le rythme du groupe. Elles apprennent et évoluent, c’est ce qui compte.

Les spécialistes ont beau nous dire que les enfants se comportent souvent différemment à l’école et à la maison, qu’ils savent que nous les aimons inconditionnellement donc ils se permettent d’être eux-mêmes dans leur famille, que nous faisons tout ce que nous devons faire pour que nos enfants progressent bien… ça fait mal quand même. Ça fait me poser bien des questions.

Parfois, les réponses sont difficiles à avaler. Elles goûtent l’amertume d’une vision de la maternité qui s’est éteinte au fil des échecs. Parfois, les réponses me recrinquent quand je me concentre sur les progrès de chacun et sur les moments magiques que nous vivons en famille. La vie a construit la mère que je suis, une mama cool qui est encadrante, stricte au besoin et compréhensive. Plus impatiente que je voudrais, parfois vraiment découragée, mais maman aimante quand même.

Nathalie Courcy