La persévérance scolaire : entre moule et détours
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Cette semaine, on célèbre la persévérance scolaire. Quels que soient nos rêves pour nos enfants, on leur souhaite de réussir à l’école et d’y trouver intérêts, plaisir et amis. Avec ces trois éléments réunis, c’est plus facile de se lever le matin avec le sourire pour se rendre à l’école. C’est plus facile d’arriver au grand jour de la diplomation, qu’elle soit secondaire, professionnelle, collégiale ou universitaire.
Mais dans certains cas, la persévérance scolaire fait des détours.
J’ai un doctorat, par choix. Personne ne m’a forcée à accumuler les diplômes universitaires. Je m’amusais sur les bancs d’école. Je me sentais à la bibliothèque et dans les centres de recherche comme dans mon royaume. J’avais la réussite facile (ok, peut-être moins en maths et en éducation physique…). J’étais timide, mais je n’ai jamais manqué d’amis ni de sentiment d’appartenance. Si je le pouvais, je serais une éternelle étudiante.
Je n’ai jamais fait sentir à mes enfants qu’ils devaient marcher dans mes traces scolaires. J’ai toujours valorisé l’effort plus que le résultat. J’ai toujours valorisé l’éducation plus que les études. Par contre, j’ai aussi toujours souhaité qu’ils terminent leur secondaire et qu’ils le fassent de la façon la plus positive possible.
Alors quand mon ado m’a annoncé qu’elle voulait terminer sa quatrième secondaire en éducation à domicile, une certaine remise en question m’est tombée dessus. Pas que je ne l’avais pas vue venir… mais j’espérais qu’elle poursuive son éducation dans le système jusqu’à la fin du secondaire. Ensuite, advienne que pourra : on avait souvent parlé ensemble des multiples avenues possibles vers le bonheur.
Depuis l’annonce, j’ai entendu beaucoup de préjugés (tu as juste à la forcer à aller à l’école ; moi mon enfant est dyslexique pis il réussit pareil ; ça va être quoi plus tard si elle n’est pas capable de fitter dans le moule de l’école?). Une partie de moi s’est déjà dit tous ces commentaires culpabilisants et accusateurs. Comme si on n’avait pas déjà tout essayé. Petite nouvelle : ça n’a pas marché.
Le moule n’est pas fait pour tout le monde, et ça adonne que mes enfants entrent difficilement dans un moule. Je les ai élevés dans l’amour de la diversité et dans la fierté de leurs différences, alors pour eux, c’est juste normal de faire des détours si le chemin prétracé ne leur convient pas.
La bonne nouvelle dans tout ça, c’est que ma fille a pris cette décision pour de bonnes raisons : elle veut réapprendre le plaisir d’apprendre, retrouver le plaisir d’être curieuse, développer de meilleures méthodes de travail et prendre soin d’elle pour mieux gérer ses émotions. Combien d’adultes auraient intérêt à faire ce pas de recul? Mon petit doigt maternel me dit que le temps qu’elle prend maintenant lui sera redonné au centuple dans l’avenir.
Si ma fille m’avait annoncé qu’elle abandonnait l’école, là, j’aurais tilté. Ben, pas vraiment parce que ça n’aurait servi à rien, mais je me serais sentie moins outillée et plus aux prises avec la DPJ. Si ma fille fuguait de l’école à répétition pour aller se geler au centre-ville, là, je capoterais. Si ma fille avait renoncé à ses rêves (parce que oui, elle prévoit finir son secondaire et sait déjà ce qu’elle veut faire comme études et comme carrière), là, je me serais vraiment inquiétée.
Mais depuis qu’elle a vidé son casier d’école, les étincelles sont revenues dans ses yeux. Ses épaules pèsent mille tonnes de moins. Le détour ne sera pas de tout repos. On s’est déjà entendues sur des objectifs et un horaire. On sait déjà quelles sont les étapes administratives à franchir pour faire l’école à domicile en toute légalité. Ses efforts devront être redoublés, et je n’ai aucune garantie que le succès sera au rendez-vous en juin. Mais ce que je sais, c’est qu’en ce moment, c’est la meilleure décision, peut-être la seule possible.
M’obstiner pour lui coller les fesses sur les bancs d’école n’apporterait pas de meilleurs résultats, tuerait les étincelles dans ses yeux et rendrait probablement le détour encore plus long et plus ardu. En cette semaine de la persévérance scolaire, je vote pour qu’on célèbre tous les types de parcours scolaires, les atypiques comme ceux qui rentrent dans le moule, les prolongés comme les accélérés, les redondants comme ceux qui sont marqués par les A+ en série. Comme toujours, le chemin est au moins aussi important que le but!
Nathalie Courcy