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Ode à ma dernière grossesse

Ça y est, dans les prochaines semaines, je vivrai mon dernier accou

Ça y est, dans les prochaines semaines, je vivrai mon dernier accouchement… Je n’ai plus aucun regret. Je suis pleine de gratitude pour cette dernière grossesse et je tenais à lui rendre hommage. J’ai porté dans le creux de mon ventre cinq petits humains. On entend souvent que chaque grossesse est différente et ça ne peut pas être plus vrai!

Quand j’entendais les autres mamans qui disaient adorer être enceintes, j’étais tellement jalouse… Moi, j’ai vécu des grossesses difficiles. J’ai vomi tous les jours, pendant toutes les grossesses. Je peux vous dire que ce n’est pas que du bonheur… J’ai eu de nombreux malaises et pertes de connaissance dans les épiceries. Je peux aussi vous dire que c’est vraiment gênant de se réveiller par terre avec une inconnue qui vous tapote le visage. J’ai été alitée pendant des mois pour éviter d’accoucher trop tôt… J’ai donc vécu mes quatre autres grossesses avec des maux au quotidien, beaucoup d’inquiétudes et de grands deuils.

La vie nous a apporté cette dernière grossesse alors que nous ne l’attendions plus. Nous savons avec certitude que ce sera la dernière, puisque mon cher mari était déjà vasectomisé quand on a appris que j’étais enceinte. Et c’est vraiment un sentiment étrange. Avoir cette certitude que ce petit être sera le dernier que je porterai. Et le savoir déjà, avant même qu’il ne vienne au monde.

On dit que la vie fait bien les choses… eh bien, elle a tenu à m’offrir ce petit miracle, qui me réconcilie chaque jour avec la maternité. Je dois accoucher ce mois‑ci. Je n’ai pas vomi une seule fois… Je n’ai pas perdu connaissance une seule fois… Je suis au repos à la maison, mais je ne suis pas forcée de rester couchée non plus… Et pour la première fois de ma vie, j’aime être enceinte.

J’aime être enceinte.

Merci, la vie, de m’avoir offert cette chance. Je profite de chaque instant, de chaque vague qui se dessine sur mon ventre. Je profite de chaque semaine de cette dernière grossesse. Je prends des tonnes de photos. Je prends le temps de parler à mon bébé et de le remercier pour chaque petit coup de pied. Il m’aura fallu tellement d’épreuves pour les apprécier…

Mon bébé, tu seras le dernier. Quoi qu’il advienne, tu seras le dernier. Le dernier à entendre mon cœur battre de l’intérieur. Le dernier que je sentirai hoqueter dans mon ventre. Le dernier que je bercerai, en me flattant l’énorme ventre arrondi. Le dernier à qui je chanterai sa berceuse…

À chacune de mes autres grossesses, je ne pouvais pas dire si la famille était finie ou non. Enceinte, j’avais constamment l’impression de vivre avec une épée de Damoclès au‑dessus de la tête… Nous vivions dans le seul souhait d’avoir enfin un bébé en santé. Mais quand les gens nous demandaient si nous voulions un deuxième ou un troisième enfant, je ne savais pas quoi répondre. Une partie de moi était si fatiguée déjà… Mais une petite voix me disait que ce n’était peut-être pas fini… Je n’arrivais pas à affirmer avec conviction que notre famille était complète.

Maintenant, oui. Et c’est vraiment une drôle de sensation, toute nouvelle pour moi. Je n’ai pas de peine. Je suis certaine que ce bébé sera le dernier. Et je me sens bien avec ça! Je n’aurais jamais pu penser être aussi sereine avec la fin d’une aussi grande étape dans ma vie… Mais je n’ai aucun regret.

Je vivrai mon dernier accouchement… Je suis peut-être naïve, mais j’ai moins peur cette fois‑ci. Je connais la douleur, je sais que je vais survivre. Je suis persuadée, cette fois, que ce bébé vigoureux ira bien. Je le sens en moi. J’ai confiance en ma force de le mettre au monde, et je lui fais confiance pour tout le reste.

Le jour de sa naissance, je laisserai dernière moi une grande partie de ma vie. J’ai le sentiment que c’est un nouveau chapitre qui commence. Un chapitre où j’élèverai mes enfants, où je penserai à leur avenir, sans regarder derrière moi.

Merci, mon dernier bébé, de m’avoir permis de terminer cette étape dans la sérénité et dans la paix. Merci d’avoir éliminé mes peurs, mes regrets et mes deuils. Merci d’avoir aidé mes peines à guérir. Merci de me permettre de porter la vie, une ultime fois.

Joanie Fournier

 

T’apporter sur terre : un récit de naissance à domicile

Ma belle Clara, voici l’histoire de ta naissance. Notre histoire Ã

Ma belle Clara, voici l’histoire de ta naissance. Notre histoire à nous, de mon point de vue. Cette aventure que nous avons traversée ensemble, accompagnées de ceux qui nous aiment et qui croient en nous. En espérant qu’elle puisse te faire ressentir toute la puissance et la beauté de ce moment.

Je t’ai portée pendant 40 semaines et 2 jours. C’est drôle, le temps. Il file tellement vite parfois et pourtant, en fin de grossesse, j’avais l’impression que chaque jour après la 39e semaine était une éternité qui me séparait de toi. J’avais hâte de te rencontrer ; peut-être que j’étais trop pressée. Un jour, alors que je méditais avec une main sur le cœur et l’autre sur le ventre, j’ai compris, comme si tu venais me le chuchoter à l’oreille, que je devais profiter de ses derniers moments. J’ai lâché prise. Je t’ai remerciée de me laisser le temps de préparer la maison pour ton arrivée, d’avoir le temps de jouer seule avec ton frère pour une dernière fois avant longtemps et de faire une dernière soirée en amoureux avec ton père pour longtemps aussi. Je t’ai fait confiance et tu as choisi un soir de mai pour débuter ton chemin vers nous.

Je n’avais eu aucun signe de ta venue, pas de contractions, rien. Puis, ce soir-là, j’ai commencé à ressentir mon ventre se crisper. J’en ai parlé à ton père et on s’est recouchés après avoir bordé ton frère dans son lit. Une soirée comme tant d’autres qui allait pourtant devenir extraordinaire.

Aux alentours de minuit, je n’arrivais plus à dormir, les contractions étaient plus longues et régulières. Ça y était, ce magnifique travail qui allait nous réunir venait de franchir une autre étape. Ton père s’est occupé d’appeler la sage-femme pour qu’elle vienne nous rejoindre, tes grands-parents pour qu’ils s’occupent de ton frère au besoin et la photographe qui allait immortaliser ce moment si précieux.

Pendant ce temps, de mon côté, je vivais bien les contractions. Contrairement à la naissance de ton frère, je n’ai pas perdu mes eaux en début de travail, les contractions étaient donc plus douces, plus progressives. J’ai quand même eu un petit vertige en les ressentant parce que tout d’un coup, mon corps se souvenait de ce qu’il allait traverser. C’est intense, une naissance. Je n’ai, jamais de ma vie, donné autant d’effort, d’énergie et d’endurance qu’en donnant la vie. C’est une expérience difficilement descriptible que je te souhaite un jour de vivre à ton tour. Comme si le monde tel qu’on le connaît s’arrêtait un instant. Impossible d’être ailleurs que dans le moment présent. Une belle danse entre la mère et son bébé qui les pousse de la plus grande des douleurs au plus grand des bonheurs.

Je tentais de prendre les contractions avec de longs sons graves. Je soufflais sur mon ventre en t’imaginant y descendre. Ton père était toujours près de moi, très présent, rassurant. Il me collait, on dansait doucement debout dans notre chambre sous l’éclairage tamisé. Les gens sont arrivés et se sont installés autour de nous. J’étais rassurée de voir que la sage-femme était à la maison, j’aurais tellement eu de peine si j’avais dû accoucher ailleurs que chez moi. Elle a pris le temps de me parler, de m’écouter puis d’écouter ton petit cœur. Tout allait bien, tu descendais doucement.

Puis, j’ai senti que tout s’accélérait. J’ai demandé à connaître la progression de mon ouverture. Avec étonnement, j’ai appris qu’il y avait un bon bout de chemin de fait. Agréable surprise, car tout devenait plus intense et je commençais à avoir besoin d’encouragement. La deuxième sage-femme a été appelée. Une étape de plus de faite, ça progressait bien.

J’ai poursuivi le travail dans la piscine d’accouchement. Étrangement, ton frère dormait encore. Je croyais que tout ce bruit allait le réveiller. Il faut dire que son pépé était allé le rejoindre, sa présence devait lui permettre de poursuivre son sommeil en sécurité. Ma mère, toujours aussi dévouée, faisait des allers-retours de la cuisine à la piscine. J’ai pris un long bain ce soir-là et on manquait d’eau chaude pour la piscine. Un degré de moins que ce que l’on vise. Alors ta grand-mère travaillait comme une abeille pour que tout se passe bien et faisait bouillir de l’eau qu’elle apportait à la piscine. Ton père était encore tout près de moi. Je mettais de la musique. Plein de pièces choisies parce qu’elles me rappelaient les gens que j’aime ou parce que je les écoutais durant ma grossesse. J’arrivais à fredonner entre les contractions, ça m’aidait à relaxer, ça changeait l’ambiance.

Dans la piscine, j’ai eu un moment de panique. C’était si fort, si intense. La sage-femme venait me parler en me regardant directement dans les yeux. Ça me calmait, ça m’apaisait, je me ressaisissais. Si tu avais vu le regard de ton père! Il était tellement confiant. Il était solide comme un roc sur lesquels toutes les vagues de mes contractions vont se briser. Il le savait, lui, que tout allait bien et que bientôt, tu serais avec nous. J’ai fini par dire : « Je commence vraiment à être tannée, ça doit être bon signe! ». Un petit clin d’œil ici au cours de préparation virtuelle à la naissance de Karine la Sage-Femme. J’y ai appris et compris les étapes de l’accouchement d’une manière tellement simple et authentique. Je savais donc que lorsque je croirais que mon corps allait se fragmenter sous la douleur, que je perdrais mes repères et mes certitudes, que c’est bon signe. Que bientôt, j’aurais fini de m’ouvrir et que tu pourrais descendre pour découvrir la vie avec nous. C’est ce qui est arrivé. Une longue contraction qui ne semblait plus vouloir finir a laissé place à la poche des eaux qui crève. Puis, je me suis dirigée vers la chambre pour la poussée, car tu t’en venais rapidement.

C’est à cet endroit qu’est né ton frère et c’est à cet endroit que je me suis dirigée d’instinct. Je te sentais arriver vers nous, je criais plus fort ; ça a réveillé ton frère. Votre grand-père lui a expliqué ce qui se passait et il est descendu à l’étage pour jouer. Pendant ce temps, j’étais couchée sur le lit, entourée de la présence bienveillante de ton père et des sages-femmes qui me supportait les jambes à ma demande. Comme ça, sur le côté et bien entourée, je sentais ta tête, puis après quelque temps, j’ai senti tout ton corps sortir. Quelle merveilleuse sensation, je flottais de bonheur. Je t’ai prise toute collée contre mon cœur et je pleurais d’amour. Un petit bébé tout chaud, tout gluant, bien collé en peau à peau, il n’y avait rien de mieux pour que toute cette expérience intense devienne soudainement l’un des plus beaux moments de ma vie. Tu allais bien, tu respirais bien et on découvrait que tu étais une petite fille. Quel bonheur!

Après, c’était au tour du placenta. À mon premier accouchement, j’avais un peu peur, je ne voulais pas retourner dans la douleur. La sage-femme m’avait alors dit que c’était tout mou et tout chaud, aucune crainte à avoir. Alors cette fois, je repensais à elle et je n’ai pas eu peur. Bien installé à quatre pattes dans le lit, ça y est, tout était fini, ne restait plus qu’à s’aimer pour toute la vie.

Ton père est allé chercher ton frère. Nous voilà réunis tous les quatre. Ton frère te trouvait drôle, il te regardait et te souriait. La sage-femme lui a expliqué comment couper ton cordon. Parce que ton frère nous avait demandé « de faire ton nombril » et on trouvait sa demande tellement belle qu’on s’est assurés qu’il pourrait le faire. Il est reparti ensuite dire à ses grands-parents : « Eille! Un bébé, ça naît tout nu! Elle n’a même pas de linge, ma sœur ». Puis, il est reparti jouer comme si de rien n’était.

Nous, on s’est collées, je t’ai allaitée. Après quelques heures et une bonne tétée, la sage-femme est venue doucement te mesurer et te peser. C’est vraiment précieux de ne pas être pressée dans les heures suivant une naissance. La sage-femme est repartie plus tard dans la journée, nous laissant dans notre bulle d’amour jusqu’à sa prochaine visite le lendemain. Ne restait plus qu’à te trouver un nom, mais ça, c’est une autre histoire.

Les deux sages-femmes qui ont assuré le suivi durant la grossesse et l’accouchement ont continué de nous voir comme ça, en alternance, jusqu’à tes six semaines. D’abord à la maison, puis dans leurs chaleureux bureaux pour notre première sortie quelques semaines plus tard. Tout était beau, un autre enfant en santé. Nous sommes choyés.

Ma fille, tu es née le poing dans les airs, prête à revendiquer tes besoins et tes droits. Tu n’avais que quelques heures de vie et déjà, on te savait allumée, paisible et belle comme le jour. De cet accouchement, je retiens la force des femmes : la mienne, la tienne, celle de ma mère, des sages-femmes et de la photographe. Cette nuit-là, ensemble, nous avons uni nos forces pour t’apporter sur la terre. Elles nous ont fait confiance et ont veillé sur nous pour que tout se passe bien, nous laissant tout l’espace pour que se déploient nos forces et notre puissance.

De cette nuit-là, je retiens aussi que ton père était aussi là pour nous soutenir, pour nous regarder avec les yeux pleins de confiance et d’émerveillement et nous permettre de vivre ce moment dans la paix d’esprit. Tu pourras toujours compter sur lui pour ça. Aussi, ton grand-père et ton frère, en retrait de l’action, mais présents dans la maison pour que la vie continue simplement et naturellement malgré tout. Ils seront là aussi pour t’aider à cheminer à travers ton quotidien. Et puis, il y a tous ceux qui étaient avec nous en pensées. Tu as de la chance, nous sommes bien entourés et aimés.

Très chère Clara, cette nuit-là suivie de ce doux matin avec toi, je n’ai pas arrêté de te sourire. J’étais fière de moi et heureuse d’avoir pu te mettre au monde dans la dignité et le respect. Je te souhaite que le reste de ta vie soit sous le même signe. Je t’aime.

Photographe : Veronique Verret

Roxane Larocque

Toi, ce héros qui donne la vie

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Tu approches à mon chevet, le regard encore un peu endormi. Les marques de ton oreiller sur ta joue trahissent ton réveil hâtif. Pourtant, tu es souriant et alerte.
Tu poses ta main sur mon épaule :
– Alors… c’est pour ce soir?
Il est 2 heures du matin. Les contractions se sont rapprochées, puis tout ce liquide est sorti de moi et la douleur a envahi mon corps tout entier.
– Je crois que oui…
– On va regarder tout ça. Respirez bien. Je vais vous examiner et décider de la suite des choses. Ne vous en faites pas. Tout ira bien.

Toi, ton travail, c’est de mettre des bébés au monde. Chaque jour. Avec ton grand sourire réconfortant. Tu arrives avec ton savoir et ta magie, puis tu donnes la vie.
Comme ça.

Quand la situation se complique, tu agis rapidement malgré le fait que tu sors à peine de ton petit lit en salle de garde. Combien de bébés sont nés depuis que tu travailles aujourd’hui? Combien de fois as-tu été réveillé? Combien de mains as-tu posées sur combien d’épaules? As-tu des enfants toi aussi? Que fais-tu ici en ce soir de congé férié, loin des tiens? Où trouves-tu la force de penser, de décider, de déléguer, d’agir?

Je veux te demander tout cela, mais les mots se cognent dans ma tête. Toi, tu as déjà ta main en moi. Tu fais ta job. Tu donnes la vie.

Soudainement, tout s’embrouille, j’entends mon chum qui crie, je distingue des silhouettes fourmiller autour de moi, les bruits des alarmes résonnent trop fort… Je m’accroche à ta voix si paisible et directive. Tu es comme le chef d’orchestre d’une symphonie bien rodée. Les événements s’enchainent si vite… Toi, ce héros qui fait naître des enfants, tu restes calme.

Comment fais-tu? N’as-tu pas peur? Je suis si terrorisée. J’ai si mal. Vais-je mourir? Sauve mon bébé, je t’en supplie!

Enfin, j’entends ce pleur, ce premier bruit que fait un nouvel être… et je vois ton immense sourire. Tu es fier. Le temps s’arrête… Tu viens de donner la vie et de sauver la mienne… Tu es un héros qu’on réveille en pleine nuit et qui fait des miracles! Tu as la job la plus impressionnante du monde!

Je te regarde quitter la pièce avec gratitude. Que vas-tu faire maintenant? Manger? Dormir? Blaguer avec tes collègues? Boire un bon café? Te recoucher? Courir dans une autre salle et donner la vie à nouveau? Annoncer une mauvaise nouvelle? Finir tes notes? Appeler ta famille?

Chaque jour, chaque heure, tu es un héros qui fait naître des enfants…

Gwnedoline Duchaine

Papa m’a donné la vie deux fois!

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Début de l’hiver 2014, mon père et moi sommes admis à l’hôpital pour une expérience qui allait changer nos vies à jamais. La mienne, puisque j’allais retrouver une qualité de vie perdue depuis des années et une santé si essentielle à mon bien-être quotidien. La sienne, parce qu’il s’apprêtait à poser le plus grand geste de générosité et d’altruisme qu’un humain puisse réaliser de son vivant. Le lendemain, au terme de deux interventions chirurgicales indépendantes et complexes, il allait me faire don d’un de ses reins pour me sauver la vie. Mon papa allait me redonner la vie pour une deuxième fois.

Ce grand jour, il était attendu depuis longtemps. Mais à l’intérieur de moi, je ne l’espérais presque plus. Au moment précis où j’ai su que c’était vrai, qu’il allait me faire ce cadeau de vie, j’ai vraiment eu peur pour lui. J’étais inquiet pour sa condition future et pour les risques qu’il prenait pour moi. Je ne pensais plus à moi mais juste à lui. Allait-il hypothéquer sa vie pour tenter d’améliorer la mienne? Cette générosité inestimable me rendait mal à l’aise. J’étais incapable de m’imaginer toutes les répercussions positives que cette greffe allait avoir sur ma vie. J’étais au cœur de la maladie, je m’étais habitué à vivre avec des conditions très diminuées et c’était la vie que je connaissais depuis plus de sept ans. Je ne me rappelais même pas ce que c’était de vivre en santé. Ma vingtaine a été complètement affectée par les conséquences d’un virus bête attrapé quelque part sur la route de ma vie. Une situation anodine et non identifiable, mais avec de grandes conséquences : celles d’affecter mon système immunitaire et de développer une maladie auto-immune s’attaquant à ma fonction rénale.

Le diagnostic est tombé à la fin de l’automne 2006. Je n’avais que 23 ans et je vivais désormais avec une maladie affectant mes organes vitaux. Ma fonction rénale a diminué progressivement jusqu’à envisager une greffe rénale dans un futur inconnu. Étant à ce moment étudiant universitaire, j’étais forcé de remettre toute ma vie en perspective et surtout d’affronter l’épreuve que la vie m’envoyait avec courage, fierté et détermination. Au fil des années se sont succédé des rendez-vous réguliers avec des médecins spécialistes, des traitements médicaux et une médication régulière afin de ralentir la progression de la maladie. Malgré tous les efforts, le résultat allait être le même, j’allais avoir besoin d’un don pour me sauver. Un don de vie.

Au cours de ces années, malgré les embûches rencontrées et ma vie qui changeait, j’ai toujours affiché une énergie positive exemplaire. Une attitude qui me permettait de relativiser ce qui m’arrivait et surtout de ne pas m’apitoyer sur mon sort. Je faisais tout ce qu’il était possible de faire pour m’aider et surtout pour vivre le bonheur malgré la maladie. Être positif, voir la vie du bon côté, se parler, se convaincre, utiliser la force du mental, se mettre une face : ce sont tous des dictons qui fonctionnent si nous faisons les efforts de les appliquer vraiment. J’en suis l’exemple réel. C’est principalement grâce à ce que mes parents m’ont enseigné, aux valeurs qu’ils m’ont transmises et à l’énergie avec laquelle ils abordent la vie qu’aujourd’hui, je suis en mesure d’appliquer concrètement ce mode de vie. Que j’ai surmonté cette épreuve de ma vie.

Être parent, c’est énormément de responsabilités qui sont assurément sous-estimées ou incomprises au moment où le désir d’enfants fait surface. À l’occasion de la fête des Pères, je veux rendre hommage à l’homme qu’est mon papa. À travers la maladie que j’ai vécue, il m’a toujours soutenu mais surtout, il s’est maintenu en excellente condition physique avec l’idée qu’il pourrait peut-être faire une différence encore plus grande dans ma vie. Les années sont passées et lorsque la décision de procéder aux premières étapes de recherche d’un donneur compatible, il était prêt. Il était déterminé et n’avait qu’un objectif en tête. Pendant plus de quatorze mois, il a été soumis à une batterie de tests ainsi qu’à des examens physiques et psychologiques. L’objectif du personnel médical était de s’assurer que le donneur soit compatible, que le greffon soit de qualité et que le geste en soit un d’altruisme pur. Il a avancé d’étape en étape à travers le processus avec l’immense stress de ne pas pouvoir réaliser ce geste de me donner son rein. La question qui l’angoissait : est-ce que le personnel médical allait trouver quelque chose qui empêcherait le don? Étant l’homme fier, fort, positif et déterminé qu’il est et surtout grâce à son attitude irréprochable, il a réussi à atteindre son but ultime : être un donneur compatible pour moi son fils et ainsi m’offrir une vie meilleure grâce à la santé. Quel père!

Mon père Richard vous dira que pour lui, c’était naturel et que tous les parents agiraient ainsi. Ça fait partie de ce qui naît en nous le jour où l’on devient parent. Je vous confirme que c’est vrai maintenant que je suis papa.

Chose certaine, mon père est maintenant dans la catégorie de ceux qui sont passés à l’action. Il est un homme d’action et il l’a prouvé toute sa vie. Jamais je ne serai assez reconnaissant pour ce qu’il a fait pour moi ce matin d’hiver 2014. Mon père est un grand homme et j’ai l’immense privilège d’être son fils. Mon seul souhait maintenant est que l’on puisse continuer de partager nos vies ensemble pour de nombreuses années à venir…

Bonne fête des Pères Papa!

 

Marc-Antoine Lavallée

 

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