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Débuter l’année scolaire la peur au ventre – Texte : Annick Gosselin

Pour la majorité des enfants et des parents, le retour à l’école est synonyme de bonheur. Mais

Pour la majorité des enfants et des parents, le retour à l’école est synonyme de bonheur. Mais pour beaucoup de familles, la rentrée scolaire rime avec anxiété.

Je parle ici des parents qui ont un enfant différent, qui ne rentre pas dans le moule de notre société. Ces familles ont vécu une ou plusieurs années scolaires difficiles et le retour à l’école n’est vraiment pas une expérience agréable.

Leur réalité est un enfant qui a des difficultés scolaires, des difficultés d’adaptation, qui est différent et qui finit par manquer de confiance en lui, qui réalise qu’il n’arrive pas à être comme les autres élèves de sa classe, qui subit une intimidation discrète, qui revient de l’école frustré, révolté et le cœur plein de tristesse.

Les parents voient leur enfant qu’ils aiment plus que tout dans cet état chaque soir en rêvant de l’école et le voyant partir le matin avec une grosse dose d’anxiété. Ça finit par être devenir une situation familiale difficile.

Malgré toute la bonne volonté des enseignants et leur support indéfectible, la réalité pour ces élèves est qu’ils souffrent en silence chaque jour, ou presque. C’est si difficile de voir un enfant souffrir en silence. Il manque cruellement de ressources dans nos écoles et chacun fait de son mieux pour rendre le quotidien de ces enfants plus léger.

Votre bataille comme parents ou comme enseignants pour aider ces enfants ne semble pas donner de résultats au quotidien. Mais le temps est votre meilleur ami. Tout l’amour et les outils que ces enfants reçoivent aura assurément un impact positif à long terme sur le cheminement des élèves en difficulté.

Je suis passée par là, comme élève et comme maman. Je crois qu’en fin de compte, ces élèves qui en ont tellement arraché finissent par devenir les personnes les mieux adaptées pour affronter leur vie d’adulte. L’adaptation et la résilience font partie intégrante de leur vie, depuis leur plus jeune âge, et on les a rapidement outillés pour réagir avec sérénité avec les difficultés que la vie leur envoie.

Chers élèves avec plus de difficulté ou différents, croyez en vous et en vos capacités. Ce n’est pas parce que vous avez l’impression d’être en marge des attentes de la société que vous valez moins, au contraire : vous représentez l’avenir le plus solide de notre société.

Annick Gosselin

Une excursion dans une classe du primaire

Depuis quelques semaines, on parle beaucoup d’éducation dans les

Depuis quelques semaines, on parle beaucoup d’éducation dans les médias. Des coupes par-ci, des investissements par-là, des cris du cœur. Des spécialistes partagent leurs points de vue, leurs émotions, leurs dénonciations. Mais surtout, des non-spécialistes critiquent beaucoup les milieux, les enseignants, les élèves. Ce n’est pas facile avec tout ce brouhaha de comprendre ce qui se passe.

Je suis enseignante au primaire. C’est ma première année, j’ai eu mon premier contrat. Et j’écoute ce qui se passe. Et ça me fâche. Vraiment. Je ne pense pas être la mieux placée pour dire ce qui doit être fait dans nos écoles québécoises. Je peux toutefois vous partager ce que je connais. Du genre nos difficultés. Je ne vous parlerai pas de salaire. Je ne vous parlerai pas du temps supplémentaire fait par tous les enseignants. Je ne vous parlerai pas de nos « vacances ». Je vous parlerai simplement de ce qui se passe dans les classes. De 8 h 30 à 15 h 30.

La cloche sonne. Je prends mes présences. Il me manque un élève. Je le note absent. La secrétaire m’appelle deux minutes plus tard.

– Oui, Stéphanie ? Ton élève n’est pas absent. Il était en crise dans la cour d’école. La technicienne en éducation spécialisée l’a pris en charge.

Bon, beau début de journée. L’élève revient quinze minutes plus tard. On le sent fragile.

En groupe, on corrige le devoir que les élèves avaient à faire. La moitié de la classe l’a fait. C’était un travail important. Donc on ne le corrige pas. Les élèves qui ne l’ont pas fait viendront en récupération pour le faire.

À la deuxième période, l’orthopédagogue vient me voir. Elle m’annonce qu’elle ne pourra plus prendre trois élèves avec elle, car du temps d’orthopédagogie a été coupé et qu’ils doivent se concentrer sur les élèves en grandes difficultés. En plus, elle travaille aussi dans une autre école, alors elle doit maximiser son temps.

Au retour de la récréation, l’élève en crise du matin revient de nouveau en crise. Il frappe un élève. J’appelle la T. E.S. Aucune réponse. Je vois une chaise qui se fait lancer dans la classe. Un élève pleure. Je ne sais pas quoi faire. J’empêche les élèves d’entrer dans la classe pour leur sécurité. Ma collègue d’en face me propose d’aller trouver la T.E.S. dans l’école. Elle arrive cinq minutes plus tard avec la directrice. Cette dernière amène l’élève à son bureau.

C’est le temps de la période de bibliothèque. Cinq élèves me montrent que le livre qu’ils ont choisi est brisé. Je les mets de côté en voyant leur visage triste de ne pas pouvoir le lire. On a assez de livres, semble-t-il.

La récupération du midi. Je laisse les élèves travailler sous ma supervision. Je constate que plusieurs n’ont absolument rien compris de ce qu’ils devaient faire. Même si le travail a été expliqué pendant vingt minutes la veille et que j’ai demandé aux élèves de me dire s’ils ne comprenaient pas. Je leur enseigne de nouveau la matière. Moi qui pensais avoir un dîner tranquille.

Au retour du dîner, c’est l’évaluation d’écriture. Pendant que les élèves sont en détente, je prépare tout. J’allume les cinq ordinateurs pour mes élèves dyslexiques et dysphasiques afin qu’ils puissent utiliser le logiciel nécessaire. Je sépare les documents de travail. Je n’ai que quinze élèves qui feront la tâche en entier. Deux auront droit à du temps supplémentaire, une mesure d’adaptation choisie en plan d’intervention. Les trois autres voient leur tâche réduite. Au lieu de 150 mots, c’est 75 mots. Ils sont évalués dans un niveau inférieur dans le bulletin. C’est une modification choisie pour le plan d’intervention aussi. Je devrai aussi corriger différemment. Par exemple, si dans leur niveau, ils n’apprennent pas le verbe avoir au passé composé, je ne peux pas leur mettre une erreur. Je dois bien connaître ma progression des apprentissages pour évaluer convenablement.

À la dernière période, ce sont les ateliers. Chaque élève a un atelier à faire chaque jour. Quatre élèves en français, quatre élèves en mathématiques, quatre élèves en univers social. Avec les quatre autres, je fais du soutien personnalisé. On revient avec ce qui été vu précédemment, on fait des entrevues de lecture, des tests. Pendant ce temps, j’ai des dizaines d’élèves qui lèvent la main pour se faire corriger, pour une question ou simplement pour me dire qu’ils m’aiment ou me trouvent belle.

« Simplement pour me dire qu’ils m’aiment ou me trouvent belle. » Pas simplement. Plutôt heureusement. Parce que c’est ça ma paie. Malgré cette journée difficile (qui est isolée, il faut se le dire, ce n’est pas comme ça TOUS LES JOURS), je trouve quand même la force de leur sourire, de leur dire qu’ils sont bons, qu’ils sont capables, qu’ils sont des champions. Parce que ce n’est pas facile pour eux non plus tout cela. Malgré tout, je ne me verrais pas faire un autre métier. Je débute dans la profession, je n’ai pas vécu le plus difficile encore. Toutefois, je les aime d’un amour infini mes élèves, même s’ils me créent parfois de grands questionnements. Ma devise en enseignement : Un élève à la fois.

On constate à travers mon texte qu’il manque d’aide et de soutien dans les classes pour des raisons totalement hors de mon contrôle. Donc avant de critiquer les enseignants et leurs élèves, je vous invite à passer une journée dans une classe, primaire ou secondaire. Vous verrez que ce n’est vraiment pas ce que le gouvernement a comme vision d’une classe.

Stéphanie Parent