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Les contradiction de notre système d’éducation

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Crédit photo: Isabelle Jetté

 

 

Faire l’école à la maison, ce n’est pas faire « comme à l’école », mais à la maison. On offre à nos enfants une éducation et oui, ça se fait à la maison, mais aussi (et surtout) chez nos amis, à la bibliothèque, au parc, au musée, à l’épicerie, en forêt, avec des jeux de société, des documentaires, des spectacles… On a une vie sociale et culturelle riche, qui permet à nos enfants des apprentissages concrets, variés et durables.

Le 27 mars, le ministre de l’Éducation du Québec, Jean-François Roberge, a présenté un règlement qui modifie la loi actuelle. Ce qu’il faut comprendre, c’est que depuis seulement neuf mois (juste neuf petits mois… pour celles qui ont porté la vie, on le sait à quel point ça passe vite dans une vie, ça!), il y a une nouvelle loi en vigueur pour les familles pratiquant l’école à la maison.

Nous avons déjà la loi la plus stricte au Canada. Elle impose d’enseigner plusieurs matières obligatoires, soit : langue française, langue seconde, mathématiques, science et technologie, arts, développement personnel et univers social. C’est assez complet! De plus, à la fin de chaque année scolaire, des évaluations ont lieu avec la Direction de l’Enseignement à la Maison, généralement sous forme de portfolio, de rencontre personnalisée ou d’évaluation par un enseignant (les examens sont également une option, mais pas une obligation).

Mais la loi est tellement récente qu’il n’y a eu encore AUCUN RÉSULTAT suite à ces changements ; les parents-éducateurs ont travaillé fort pour respecter les nouvelles exigences! C’est comme si depuis neuf mois, on travaillait fort sur une petite maison dans un arbre et que M. Roberge venait de débarquer avec son bulldozer pour tout démolir sans même regarder notre travail.

Ce qu’on se demande, c’est : pourquoi maintenant? Pourquoi ne pas avoir attendu au moins de voir les résultats de la première année? Ces changements sont perçus par la communauté d’école à la maison comme portant préjudice directement à la liberté éducative du Québec. Comment expliquer qu’un ancien enseignant (le ministre), lui-même auteur d’un livre qui s’intitule Et si on réinventait l’école?, où il dénonce à quel point le système scolaire est malade, vienne nous imposer précisément ce qui ne fonctionne pas dans ses écoles publiques?!

Un des aspects qu’on déplore le plus, ce n’est pas de suivre le Programme éducatif québécois qui est, en soi, un outil assez intéressant. Le problème, c’est la progression des apprentissages, « comme à l’école ». Nous imposer ça, ça va complètement à l’encontre des valeurs fondamentales de plusieurs pédagogies alternatives qui préconisent au contraire de suivre le rythme et les intérêts de l’enfant. Saviez-vous que 53 % des enfants qui font l’école à la maison ont déjà essayé l’école traditionnelle et ont été retirés du système parce que ça ne fonctionnait pas pour eux? On parle ici d’enfants avec divers diagnostics tels que l’autisme et la douance, mais aussi d’enfants qui ne « fittaient » tout simplement pas dans le moule et qui étaient malheureux au point d’en faire de l’anxiété grave ou de parler de suicide… des enfants suicidaires, c’est vraiment très grave!

Mon garçon, pour donner un exemple concret, est techniquement en maternelle. Mais ce qui le passionne, c’est la géographie, et il est en train d’acquérir des connaissances qu’il ne verrait qu’au deuxième cycle du secondaire s’il était à l’école publique. Présentement, il est intéressé et retient la matière parce qu’elle lui apparaît comme pertinente (on appelle ça une motivation intrinsèque, pour ceux qui ont envie d’avoir un gros mot intelligent la prochaine fois qu’ils joueront au Scrabble). Rendu à quinze ans, ça se peut très bien qu’il trouve ça vraiment moins cool, les pays du monde, et qu’il ne retienne que très peu d’information à long terme.

Apprendre par cœur pour régurgiter les réponses à l’examen et tout oublier après, c’est quelque chose qu’on a presque tous fait quand on était à l’école, et qu’on ne souhaite pas pour nos enfants. On a envie de respecter leur rythme et leurs intérêts, parce que les apprentissages libres sont tellement plus durables. Je n’ai pas envie de dire « non » à mon garçon alors qu’il a envie de continuer d’approfondir sa connaissance du monde, parce que cette année, on doit voir ceci ou cela pour respecter la progression des apprentissages de la maternelle. C’est la soif d’apprendre et l’estime personnelle de nos enfants dont il est question, pas d’une usine de production de petits robots pour le Québec de demain.

Un autre des points essentiels du nouveau projet de règlement de M. Roberge, c’est de nous imposer les examens ministériels dès la quatrième année du primaire. Nous sommes absolument contre cette mesure. Ça fait depuis les années 70 que le Conseil supérieur de l’éducation fait des rapports qui prouvent que les examens ne sont pas du tout représentatifs des apprentissages réels. Il y a eu plusieurs tentatives de les abolir par le passé. Pourquoi avons-nous encore des examens au Québec, dans ce cas, me demandez-vous?

Ce sont les parents qui ont insisté pour qu’ils demeurent, pour avoir une valeur chiffrée qui leur permet de comprendre rapidement et simplement où se situe leur enfant. Nous, on la voit tous les jours, la progression de nos enfants. On n’a pas besoin d’une valeur chiffrée. Vous ne trouvez pas ça un peu ironique que ce soit au contraire le gouvernement qui veuille nous l’imposer, en faisant fi des résultats d’études et de recherches qui prouvent que ça ne sert à rien?

Je fais partie de plusieurs groupes d’école à la maison, mais également de plusieurs groupes de parents d’enfants surdoués dont la plupart sont à l’école. Je trouve particulièrement ironique en ce moment de voir les deux groupes cohabiter dans mon fil d’actualité sur Facebook, avec d’un côté les parents-éducateurs qui se battent contre le projet de règlement de M. Roberge et de l’autre, les parents d’enfants surdoués qui se plaignent de n’avoir AUCUN service dans les écoles pour permettre à leurs enfants d’atteindre leur plein potentiel. Je ne peux pas croire que le ministère veut investir autant pour instaurer de nouvelles mesures pour l’école à la maison, qui fonctionne vraiment bien et qui redonnent même l’envie d’apprendre à des enfants qui ont été détruits par le système scolaire, alors qu’il manque cruellement de services DANS les écoles publiques.

Il serait temps de s’attaquer aux vrais problèmes. « Et si on réinventait l’école? » Eh bien nous, on l’a déjà fait, M. Roberge. On vous invite chez nous, si vous voulez vraiment savoir comment ça se passe.

Karine Jetté

M. Jean-François Roberge, laissez-moi vous parler de mon école-maison

M. le ministre de l’Éducation,

La population a 45 jours pour tr

M. le ministre de l’Éducation,

La population a 45 jours pour transmettre ses commentaires face à votre projet de modifier le Règlement sur l’enseignement à la maison et c’est ce que je fais aujourd’hui, comme une lionne qui protège ses petits. En tant que parent engagé qui a retiré son fils aîné de votre système scolaire parce qu’il s’y flétrissait, je vous demande de donner une chance au règlement actuel, adopté en juin dernier.

Je vous ai confié un petit garçon de cinq ans : curieux, sensible, intelligent et passionné. À la fin de sa 1re année, j’ai retiré de l’école : un enfant en grande souffrance. Un enfant dirigé vers un neuropsychologue par son médecin de famille. Un enfant doué, légèrement hors norme de par son très haut potentiel. Un enfant qui aurait eu besoin de quelques adaptations pour s’épanouir. À partir du moment où J’AI repris la charge de l’éducation de mon enfant, VOUS n’avez plus le droit de l’obliger à quoi que ce soit. Suis-je bien claire?

Vous avez dit : « La grande majorité des parents qui font l’enseignement à la maison avec leurs enfants s’acquittent de cette tâche avec brio. Ces changements ne les affecteront pas. » (Page Facebook — Jean-François Roberge — député de Chambly – 27 mars 2019).

Vous avez tout faux. Les changements que vous proposez nous affectent tous. Et ils nous affectent trop pour les laisser passer sans défendre les droits de nos familles.

Nous faisons partie de ces parents qui, comme vous le dites, s’acquittent de la tâche avec brio. Demandez à ceux qui nous entourent. Demandez même à la directrice adjointe de l’école des Tournesols qui nous écrivait en 2017 pour commenter l’évaluation par portfolio de notre fils : « Je tiens à vous remercier d’avoir été présents le 25 mai lors de la présentation du portfolio de votre fils Emerick. Je tiens particulièrement à vous féliciter pour le beau travail que vous avez accompli avec votre fils au cours de cette année. Les deux personnes qui étaient présentes lors de la présentation d’Emerick ont été plus qu’impressionnées par son aisance et sa culture (connaissance) générale. Selon elles, cela démontrait tout le travail qui était fait avec lui pendant ces périodes d’apprentissages. »

Je suis un parent-éducateur de qualité et oui, ça me dérange que vous vouliez modifier un règlement pour obliger mon fils à retourner à l’école le temps de passer vos examens ministériels!

Lorsque le gouvernement s’est penché sur le dossier de l’enseignement à la maison, il y a un an, j’ai accepté d’abandonner quelques morceaux de ma liberté au nom de la protection des enfants. L’article 599 du Code civil du Québec est pourtant très clair : « Les père et mère ont, à l’égard de leur enfant, le droit et le devoir de garde, de surveillance et d’éducation. » À la base, ce n’est donc pas au gouvernement de gérer le mode d’éducation de mes enfants.

Malgré notre droit de choisir le genre d’éducation à donner à nos enfants et malgré le fait que cela faisait de nous la province la plus réglementée au Canada (https://hslda.ca/fr/un-survol-des-lois-relatives-lecole-maison-travers-le-canada/), les parents-éducateurs québécois ont accepté de démontrer, chaque année, la qualité de l’expérience éducative qu’ils offrent à leurs enfants à la maison. Comment? En avisant le ministère de l’Éducation de leur intention, en fournissant un projet d’apprentissage (incluant l’apprentissage de la langue française, d’une autre langue, de la mathématique, science et technologie, arts, développement de la personne et univers social), en faisant un état de la situation et un bilan de mi-parcours, en participant à une rencontre de suivi, en faisant évaluer la progression de l’enfant chaque année (cinq méthodes au choix, incluant une évaluation par un titulaire d’une autorisation d’enseigner ou un portfolio soumis au ministre) et un bilan de fin de projet.

Mais ce petit pied dans la porte que nous avons laissé passer, pour le bien des enfants, vous le poussez trop loin maintenant! Vous croyez pouvoir obliger mes enfants à passer les examens de votre système scolaire? Vous croyez que je vais accepter que vous jugiez le contenu que je leur offre selon vos épreuves ministérielles? Vous croyez que leur résultat à un examen offrira une image représentative de leur année? Allons, soyons réalistes! Quand j’ai retiré mon fils de l’école, après sa 1re année du 1er cycle, il aurait pu réussir les examens de fin de 2e année sans rien faire de son année d’école-maison. Il avait déjà les acquis. Mais est-ce que ça vous aurait réellement informé sur la richesse de ce qu’il avait vécu pendant l’année? Auriez-vous osé juger nos apprentissages en famille sur la base de ces résultats?

Et s’il les avait échoués? S’il avait été mal préparé pour le genre de tâche à réaliser, s’il avait mal compris, s’il avait eu une mauvaise journée, mal géré son stress ou, tout simplement, des difficultés dans cette matière? Quelle utilité cette note pourrait-elle bien avoir? Quelle pertinence? Est-ce que les difficultés scolaires sont interdites aux enfants scolarisés à domicile? La réussite, obligatoire?

Vous osez appeler un examen ministériel un « levier d’évaluation » (Communiqué de presse — Enseignement à la maison — 27 mars 2019), mais vos examens sont tout sauf un levier. Un levier, ça propulse plus loin et plus haut. Ça facilite, mon cher ministre. Vos examens ne sont que des bâtons dans les roues. Ils ne vous donneront jamais un reflet juste des apprentissages de mes enfants. Ils vous feront plutôt une bonne excuse pour remettre en cause notre droit de vivre les apprentissages en famille. Ils font planer au-dessus de nos têtes des accusations injustifiées de non-fréquentation scolaire et de négligence éducative.

Les examens ministériels ne sont pas la suite logique d’une année de scolarisation à domicile. Ils ne vous permettront jamais de savoir que mon fils (qui a découvert les minéraux précieux du jeu Minecraft en 2015) : a adoré la conférence d’un géologue et la visite guidée du musée de la Commission géologique du Canada en 2016 ; a présenté certains éléments naturels de Minecraft lors de l’Expo-Nature de son groupe de soutien d’école-maison en 2017 ; s’est ensuite découvert une passion pour l’obsidienne (minéral volcanique) en visitant les laboratoires d’archéologie et de zooarchéologie de l’Université Laval avec son grand-père ; a poursuivi ses recherches d’obsidienne sur le Vésuve et l’Etna en Italie ; pour finalement en découvrir en 2019 et rédiger un article sur le sujet pour le magazine qu’il a créé avec ses amis (6 numéros parus). Si vous croyez que je vous laisserai balayer tout ça du revers de la main et juger du succès de sa scolarisation à domicile par sa réussite de vos épreuves ministérielles, vous vous trompez royalement!

Toute personne ayant des commentaires à formuler au sujet de ce projet de règlement peut les faire parvenir par écrit au ministre de l’Éducation :

1035, rue De La Chevrotière, 16e étage

Québec (Québec)

G1R 5A5

Elizabeth Gobeil Tremblay