La menace
C’est une soirée de juin, il fait enfin beau et chaud. Après avo
C’est une soirée de juin, il fait enfin beau et chaud. Après avoir travaillé dur et passé une heure dans le trafic pour traverser les ponts, je suis enfin sur l’île de Montréal. C’est le début des festivals, la première soirée des FrancoFolies.
J’entre sur le site et lorsque l’agent de sécurité regarde furtivement dans ma sacoche, je commence à me sentir inconfortable. Quand je réalise que cet agent n’a pas fouillé le sac à dos de mon ami, mon cœur accélère et ma respiration est trop courte. Je me mets à regarder partout autour de moi. On me souhaite une bonne soirée avec un grand sourire.
Ce sourire m’a fichu la trouille. J’aurais préféré que tu vides mon sac à terre et que tu vérifies qu’il n’y avait rien dedans susceptible de blesser des humains. Parce que, de fait, il est possible que quelqu’un ait apporté illégalement quelque chose sur le site… Suis-je devenue paranoïaque? Est-ce normal d’avoir ce sentiment d’insécurité au Québec? Est-ce devenu une réalité ou je m’en fais pour rien? Suis-je réellement en sécurité à Montréal?
Mon rythme cardiaque continue de s’accélérer… c’est trop facile de rentrer ici. J’ai peur. Ils disent qu’il n’y a pas de menace. Je dois donc relaxer et en profiter…
Nous nous approchons de la scène en sirotant une bière. Le monde est à la fête… la foule s’accumule devant la scène. Des milliers de gens sont autour de moi. Et peut-être… que pas loin… dans un sac…
J’ai peur. Je ne veux pas finir déchiquetée ou poignardée dans les rues de Montréal, je refuse qu’un fou m’écrase ou me tire dessus.
Je tremble. Je sens la menace. Personne ne me fera croire que je suis en sécurité. Quel que soit l’endroit où je me trouve sur la planète, je me sens maintenant en danger dans une foule.
J’ai peur. Mais je décide de rester. Si ça arrive, je mourrai heureuse. Si ça arrive, je mourrai libre.
Je refuse que cette menace m’empêche de vivre, d’aller voir des shows, de danser et de chanter le Québec. Les nombreux agents de police présents au milieu des festivaliers me rappellent que notre monde a changé… que les bombes et les coups de feu ont fait disparaître notre insouciance…
Je garde les yeux ouverts. Car nous sommes tous des armes face à cette menace. Ne nous endormons pas au soleil. Soyons vigilants. Chaque jour. Chaque soir. La menace fait partie de notre vie maintenant, nous devons faire avec. Mais ne l’oublions pas.
Arrêtez de dire que la menace n’existe pas. Elle est partout.
Gwendoline Duchaine