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Cette compagne qui me freine… Texte: Klaude Laflamme

Les gens n’aiment pas que l’on dise « MON » anxiété, pourtant c’est en me l’appropri

Les gens n’aiment pas que l’on dise « MON » anxiété, pourtant c’est en me l’appropriant que je l’ai apprivoisée ! Pourquoi ne pas pouvoir dire qu’elle fait partie de moi quand pendant longtemps, elle a dirigé mes décisions ? La femme que je suis n’existait plus, je n’étais qu’un paquet de nerfs éternellement en mode survie. Au départ, je ne m’en fais pas, je me trouve des raisons… je suis fatiguée, je manque de fer, j’écoute trop la télé… Puis, à un moment elle me submerge entraînant avec elle, ma vie sociale, mon estime de moi et tous mes repères. Je sais que tout ça n’est pas raisonnable… que tout n’est pas bactéries, microbes et catastrophes, je le sais, mais je ne me gère plus.

Je me noyais dans mon angoisse, j’étais anéantie parce que tout ce à quoi je prenais plaisir auparavant était rendu un fardeau. Les fêtes d’enfants et les partys en tête de liste, buffet, plein de mains et de becs… Des gens, des gens, beaucoup trop de gens ! Assise seule dans un coin, un verre à la main, j’ai chaud, ça tourne, je n’ai plus de salive… Je veux disparaître, je regarde mes enfants et tout ce à quoi ils touchent : bactéries, microbes et catastrophes !

Je ne suis qu’une enveloppe, mon cerveau est détaché de mon corps et il capote !

À la maison, je guette le phare, tout est sous contrôle, je vois à tout, on ne manque de rien et on est heureux.

Les magasins, les cours et les bains de foule, c’est autre chose. Je suis là mais bonne à rien… trop occupée à prendre sur moi, respire, expire, respire, expire, je compte à rebours… 2 h, 1 h, 15 minutes, 2 minutes… C’est fini, j’ai réussi, tout le monde est en vie.

Puis un jour, je trouve la solution : la fuite ! Il y a un film au cinéma, mon chum peut y aller seul avec les petits sans problème. Une sortie au restaurant ça se décline facilement et une virée à Montréal encore plus, on est tellement occupé avec les quatre enfants. Je m’isole, je me protège et je souffre… Puis, tranquillement, je réalise que ça glisse vers mes amours, que mon anxiété qui me freine les ralentit eux aussi… faut que ça arrête !

Je ne le cacherai pas, mon anxiété et moi, ça ne date pas d’hier. Une compagne d’enfance qui me visitait une fois de temps en temps, mais là elle s’était installée parce que je lui avais laissé trop de place. Toute seule, je ne venais pas à bout qu’elle me quitte.

Je me souviens être sortie de chez mon médecin complètement dévastée, j’avais échoué. Seule je n’arrivais plus à émerger de la vague qui m’avait ramassée… J’ai pleuré plus de larmes que je ne m’en savais capable… et pourtant !

Depuis, je me soigne et je m’apprivoise parce que si je dis « MON » anxiété, c’est parce que c’est moi… Je suis une femme, une mère, une amoureuse, intelligente, sensible et anxieuse.

Je regarde le chemin parcouru depuis ce jour-là et je suis fière de moi… J’ai recommencé à vivre et quand subitement je la sens qui veut venir me visiter, je me dis : Bon, la voilà, inquiète-toi pas elle ne restera pas…

Klaude Laflamme

Élever des humains : la mort, on explique ça comment?

« L’été, c’est fait pour jouer » chantaient nos deux marionnettes à l’air hagard préfÃ

« L’été, c’est fait pour jouer » chantaient nos deux marionnettes à l’air hagard préférées, Cannelle et Pruneau. C’est un moment où l’on s’habille plus léger, où l’on mange plus léger… où l’on se sent plus léger. Les médias nous proposent des émissions aux contenus plus légers et même dans les journaux, virtuels ou non, les articles sont souvent… enfin, vous avez sûrement compris le principe.

C’est avec cette ambition de légèreté que je réfléchis à des textes pour vous tout en continuant de vivre ma vie. Je préparais donc mon voyage en famille tout en sifflotant; pour moi, le mot « léger » vient automatiquement avec l’image du gars qui sifflote. Tu ne peux clairement pas siffloter un air grave; c’est certain qu’il sera léger. Mais je m’égare…

Bref, je vis ma vie et PAF! : quelqu’un termine la sienne. Quelqu’un de proche. Ma grand-mère maternelle rend son dernier souffle. Une fin paisible… calme… prévue. Le genre de fin qui s’étire en longueur. Celle qu’on déteste et qui fait mal y compris aux proches qui assistent à tout ça, impuissants. Celle qui épuise. Celle qui nous pousse à dire des phrases un p’tit brin insipides comme « elle est bien mieux là-bas », en pensant, à tort, adoucir la douleur…

Comment explique-t-on à son enfant de cinq ans qu’une personne n’est plus? Parce que L’héritier a déjà rencontré à plusieurs reprises ma grand-mère. Et il s’en rappelle de sa mémé qui était malade et qu’il a vue à l’hôpital v’là deux ans. Elle ne parlait plus, ne se levait plus… mais avec son simple regard et la « poigne » qu’elle avait encore dans sa main droite, elle a su créer et garder un contact intime avec lui.

Comment on explique ça? On pourrait faire semblant qu’elle n’a jamais existé; on ne lui en parle plus, tout simplement. À cinq ans, il ne pensera plus à elle et il passera à autre chose. Une bonne « Pat’ Patrouille » et tout sera comme avant. Mais ce n’est pas notre genre de fuite; moralement, je ne serais pas capable d’assumer ça. Un mensonge par omission (par choix ou non), c’est un mensonge quand même pis ça fait d’la peine au p’tit Jésus. Cela dit, je ne suis pas en train de dire que je ne mens jamais à mes enfants; oui, y’en reste des biscuits, mais c’est déjà le deuxième que tu manges faque ça s’peut que j’invente qu’y’en reste pus. Les hauts d’armoires ne sont pas là que pour faire beau dans nos cuisines. Que celui qui n’a jamais péché me lance la première poignée de gravaille.

Mais pour un sujet aussi important que la mort, un enfant a le droit d’entendre la vérité même s’il n’est pas en mesure d’en comprendre toutes les subtilités. Si quelqu’un lui invente qu’elle est partie faire un long voyage, ça ne sera certainement pas moi. C’est plus imagé et fait moins de peine que de parler de la mort, mais c’est un mensonge.

Chez nous, on a toujours tout expliqué; parfois trop, peut-être. Mais ça fait des enfants plus sensibles et intelligents. J’ai pas de preuve, mais j’aime penser que quand on veut élever des humains, on doit les traiter en humains dès le début.

Nous avons donc parlé de la situation avec L’héritier dans des mots simples qu’il a visiblement compris. Je dis « visiblement » parce que voici un résumé d’une discussion qu’il a eu avec sa tante Lolo peu de temps après, sur la route qui nous a mené aux Îles-de-la-Madeleine.

  • Tu sais, Lolo, y’a quelqu’un qui est mort aux ÃŽles-de-la-Madeleine.
  • Ah oui? Qui?
  • C’est Mémé. (…) Est-ce que tu penses qu’on peut lui parler quand même?
  • Oui, sûrement.

L’héritier a alors levé la tête vers le ciel, même si personne ne lui a parlé d’aller au ciel (!) :

  • Salut Mémé. Moi, j’aurais aimé ça que tu restes ici.

Quand on veut élever des humains, on doit les traiter en humains dès le début. J’aime constater la sensibilité des enfants. Ne leur cachons pas les vérités, même celles qui ne sont pas confortables pour eux. Même l’été, il peut arriver des événements moins légers; c’est la vie. Notre job comme parents, c’est aussi de les préparer à ça; pas juste de leur expliquer comment trouver de faux Pokémons dans un vrai stationnement de McDo.

Salut Mémé Lapierre; merci pour tout et surtout… bon voyage!