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Sa puberté à elle – Texte : Joanie Fournier

Chez nous, il n’y a aucun tabou. On parle aisément de tous les sujets. Mes enfants peuvent parler

Chez nous, il n’y a aucun tabou. On parle aisément de tous les sujets. Mes enfants peuvent parler de budget, de politique, de sexualité, de religion, de consentement, etc. C’est important pour moi de leur donner des informations et de les regarder cheminer avec ça. Ils se forgent leurs propres idées, critiquent des avis, développent leurs pensées. Les voir cheminer cognitivement et moralement, à mon avis, c’est un trésor inestimable.

Ma grande fille arrive à la puberté. Je vois son corps qui change et parfois, même si je refuse de l’admettre, je ressens un malaise. Pas face à sa puberté. Pas face à ses changements corporels. Mais face à ce que je dois dire ou ne pas dire par rapport à tout ça.

Il y a tellement de choses qui ont changé depuis mon époque à moi… depuis celle de ma mère et de ma grand-mère… Autres temps, autres mœurs. Alors comment je fais, moi, pour la respecter dans tout cela sans lui imposer ma propre vision sans même le vouloir.

Moi, je m’épile intégralement. J’ai mon rendez-vous régulier chez l’esthéticienne et je ne m’en passerais pas. J’le sais, les poils c’est normal, c’est sain, ça a sa raison d’être. Mais MOI, sur mon corps à MOI, des poils : Pas. Capable. Et je ne m’excuserai pas de ça. Je m’en fiche que ma voisine se rase ou affiche son naturel sans gêne. Mon corps, mon choix. Moi, je m’épile, bon. Les poils de ma fille ne semblent pas la déranger. Alors est-ce que je dois lui parler des choix qui s’offrent à elle, ou bien au contraire si cette simple discussion créera un complexe comme ça l’a probablement été pour moi ?

Je considère que chaque femme a sa façon bien à elle de gérer ses menstruations. Certaines utilisent des méthodes contraceptives pour les éradiquer. Sinon les choix sont nombreux… Serviettes hygiéniques, tampons, coupe menstruelle, culotte lavable, serviette lavable, etc. Personnellement, j’ai utilisé des serviettes hygiéniques toute mon adolescence. Puis, j’ai découvert la méthode du flux instinctif et ça a changé ma vie. J’ai présenté toutes les options à ma fille. Ses menstruations vont arriver d’une journée à l’autre. Elle a un tiroir rempli de toutes les options possibles (et des vêtements de rechange dans son sac d’école). Mais comment m’assurer que mon propre choix n’influencera pas le sien ?

J’ai réalisé récemment que j’avais commencé à m’épiler les sourcils et à me maquiller à son âge. Ce qui est drôle puisque je ne porte aucun maquillage depuis plusieurs années. Mais j’ai l’impression que le simple fait d’avoir cette discussion avec elle peut créer un complexe ou un sentiment où elle se sentirait influencée à le faire… Si ses sourcils fournis ne la dérangent aucunement, pourquoi alors lui parler de la simple possibilité de les épiler ?

J’ai l’impression que c’est le seul sujet qui me met mal à l’aise… et je ne comprends pas pourquoi. Comment se fait-il que je puisse parler d’avortement, de la mort, de la drogue, etc., et ce, sans aucune gêne… mais parler de sa puberté, ça me fait rougir ?

Je me répète : c’est son corps, c’est son choix. Mais si je ne lui en parle pas, alors ne suis-je pas moi-même en train de créer un tabou ? Et le jour où elle voudra m’en parler, se sentira-t-elle à l’aise de le faire si je n’ai jamais abordé le sujet avec elle ? Et si j’attends que cela vienne d’elle et que ça ne vient jamais… ? Et si elle se met, par exemple, à se raser en secret et le regrette ensuite ? Et si son corps et sa pilosité ne la dérangent pas, mais qu’elle fait rire d’elle à l’école ? C’est pas non plus parce que moi je porte un soutien-gorge qu’elle doit nécessairement en porter…

Si je lui en parle trop, j’ai peur de l’influencer.

Si je n’en parle pas assez, j’ai peur de créer un tabou.

Si j’attends trop, j’ai peur que ça la complexe.

… Elle est où la marche à suivre ? Je lui ai acheté des livres sur le sujet, j’essaie de l’informer comme je le fais pour tous les autres sujets. Mais je dois plus souvent me répéter que ce n’est pas mon corps à moi et que c’est sa puberté à elle… Peut-être aussi que je me pose trop de questions, j’ai un talent là-dedans… Sinon, quelle est votre approche parentale sur le sujet de la puberté ? Éclairez-moi !

Joanie Fournier

 

Chère Odette

Chère Odette,

Je me permets de

Chère Odette,

Je me permets de t’appeler Odette puisque c’était comme ça que tu voulais te faire appeler : Odette, pas de madame. Je t’écris aujourd’hui pour te remercier. Je te l’ai déjà dit, en vrai, il y a de cela plusieurs années, mais je ne connaissais pas encore l’importance que tu aurais dans ma vie. Maintenant, je sais.

Toi, à qui on avait imposé un passage au primaire, tu as changé mon rapport avec l’école. Je dois t’avouer qu’au départ, j’étais déçue d’être dans ta classe. Comme toutes mes amies, je voulais être avec Marcel, LE prof de 6e. Puis, pendant que tu apprenais à enseigner à des enfants de 11 ans, j’apprenais à te connaître. Déjà, après quelques heures en ta compagnie, je comprenais que ce serait une année bien spéciale. Tu avais cette couleur, cette bonne humeur. Tu avais ce que les profs austères de mes années précédentes ne démontraient pas : la passion.

Avec ta bonne humeur contagieuse, tu m’as donné le goût d’aller à l’école pour apprendre et pas seulement pour voir mes amis. Tu nous proposais des projets, tu innovais, tu dansais dans la classe. Tu étais un oiseau rare pour la fin des années 80.

Une fois ma petite lumière allumée, tu m’as donné confiance en mes capacités et aidée à prendre ma place. J’avais enfin l’impression de comprendre quelque chose au français et en mathématiques. Pour une fois, mes dessins étaient utiles, pas juste une distraction. Tu me faisais illustrer des affiches qui décoraient les murs de la classe et des cartes de Noël. Je pouvais passer plusieurs heures à dessiner les pages de mes projets, j’étais motivée. Bref, cette année en ta compagnie fut bien spéciale.

Puis j’ai vieilli et tu es retournée à ton vrai travail : enseigner au secondaire. J’ai eu la chance d’être à nouveau dans ta classe. Tu avais un peu vieilli mais tu n’avais pas changé. Tu avais gardé cette belle folie, cette passion pour l’enseignement.

Les années ont passé et un jour, je t’ai rencontrée à nouveau. Tu étais amaigrie, tes beaux cheveux colorés étaient tombés. Ta voix rieuse était affaiblie, mais ton petit œil taquin était toujours là. Tu ne pouvais plus enseigner, la fatigue était trop grande. Cette journée‑là, j’ai eu la chance de te dire merci, de te dire que tu avais changé le parcours de ma vie scolaire. Tu n’y croyais pas. J’ai insisté, tu m’as serrée dans tes bras.

Tu t’es éteinte sans que j’aie le temps de te dire que maintenant j’enseigne, comme toi. Je suis tes traces. Chaque jour, je travaille à allumer une petite lumière dans les yeux de mes élèves, comme tu l’as fait avec moi et bien d’autres jeunes. Je me plais à penser que j’ai un peu de ta couleur, de ta passion.

Ma chère Odette, je te dis merci pour tout.

Ton élève, maintenant passionnée, comme toi,

Nancy Pedneault

Deux négatifs donnent… du négatif

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Vous êtes-vous déjà surpris à répéter « Non, on ne dit pas NON » à votre enfant de deux ans qui dit tout le temps « non »?

Avez-vous déjà réalisé la force de l’interdit pour convaincre un enfant (un ado, encore pire!) de faire exactement ce que vous lui interdisez de faire? Dans votre face, en plus. Avec un sourire narquois.

 

Arrête de taper ta sœur!

Bang.

 

Ne tire pas la queue du chat.

Miaou!

 

Tu te relèves tout le temps dix fois quand je te couche. C’est énervant!

« Maman! J’ai soif! J’ai faim! Je veux un câlin! J’ai perdu mon toutou! »

 

Le cerveau est programmé pour enregistrer le positif. Il saute les négations. Jusqu’à un certain âge, du moins.

« Ne mange pas le cactus » devient « Mange le cactus ». Ouille, ça risque de piquer!

« Arrête de crier » (surtout si on le crie soi-même) est interprété comme « Crie! »

 

Sans compter la propension de nos mousses en quête d’autonomie à agir contrairement à ce qu’on leur demande.

Quand on dit : « Tu fais tout le temps pipi à côté de la toilette », on renforce le comportement « faire pipi à côté de la toilette ». En plus, on convainc le jeune cerveau que le corps auquel il est attaché fait « tout le temps » pipi à côté de la toilette. Ça laisse peu de place pour l’amélioration! S’il fait tout le temps pipi à côté de la toilette, c’est sûrement parce qu’il n’est pas capable de faire autrement… En plus, chaque fois que maman trouve des gouttelettes jaunes sur le plancher, elle le fait remarquer. De la belle attention gratuite!


Y aurait-il moyen (j’ai failli écrire « N’y aurait-il pas moyen… je me fais prendre à mon propre jeu des négations!) de jouer la carte du positif? « Ne tire pas la queue du chat » deviendra « Caresse le chat doucement » ou « Le chat a l’air d’avoir besoin que tu le laisses tranquille. On peut sûrement trouver un autre jeu? »

Attention! Quand je parle d’inclure du positif dans notre façon de parler et d’agir, je ne veux pas dire qu’on se met des œillères pour éviter de voir les comportements dérangeants. On peut bien sûr ignorer certains agissements mineurs et remplacer l’attention négative par de l’attention donnée devant les comportements souhaités. On peut aussi détourner l’attention de notre coco vers des activités ou des sensations plus souhaitables.

Il croque une plante-araignée (ici, le mot « plante » est essentiel, surtout si la situation se déroule sur un continent où les araignées géantes sont légion)?

« Viens avec moi mon chaton, on va préparer une collation. J’ai un petit creux moi aussi. »

On reconnaît son besoin (découvrir, manger ou être occupé), on le satisfait d’une façon plus acceptable que de se remplir l’estomac de chlorophylle. À un autre moment, dans le calme, on pourra sensibiliser notre chaton mangeur de plantes vertes au fait que certaines plantes peuvent lui faire du mal, que maman aime bien avoir de jolies plantes [non grugées] pour décorer la maison. On pourra lui faire observer un bébé qui met tout dans sa bouche et l’informer qu’en grandissant, on apprend des façons plus hygiéniques et socialement acceptables de découvrir son environnement… (Je ne sais pas pour vous, mais je me vois mal lécher mon nouveau bureau ou prendre une croquée de mon ordinateur quand je commence un nouvel emploi!)

Ça peut aussi être une idée pas si pire de surveiller notre façon de parler entre adultes (ou aux automobilistes qui nous coupent le chemin…) Un « Tasse-toé, maudit-mononcle-qui-pue-des-pieds » bien senti peut soulager notre conducteur enragé intérieur. Mais notre parent intérieur risque d’avoir un peu honte quand fiston lancera la même phrase au mari de l’éducatrice ou au papy.

Les « Tu fais jamais la vaisselle! Je suis écœurée de tout faire dans la maison! » risquent d’influencer la façon dont nos petits perçoivent les relations et les reproduisent. Des éponges. Ultra absorbantes! Alors faisons attention à ce qu’on leur fait absorber, parce qu’on influence ce qui va ressortir par la suite. Un peu moins de NON et de NE, plus de positif et d’écoute véritable. Moi, je pense que ça se peut!

 

Nathalie Courcy