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Le billet du mercredi – Texte : Karine Lamarche

Si vous êtes un parent, votre enfant vous a-t-il déjà parlé du b

Si vous êtes un parent, votre enfant vous a-t-il déjà parlé du billet du mercredi ? Dans quelques écoles du Québec, cette pratique fut mise en place afin de contrer l’intimidation. Ma collègue et moi l’avons adoptée depuis quelques années avec nos élèves et on ne s’en passerait plus !

Tous les mercredis, un bout de papier est remis à chacun des élèves. Chaque enfant doit obligatoirement y inscrire quelque chose et déposer le billet dans une boîte prévue à cet effet.

Chacun est libre de signer ou non le billet, ce qui permet à quelqu’un de dénoncer une situation sans craindre d’être identifié.

Si l’élève n’a rien à dénoncer, il est libre d’inscrire ce qu’il veut : un dessin, une blague, une devinette…

Vous savez quoi ? Rarement ce billet nous a menés à une situation d’intimidation. Cependant, je ne compte plus les fois où ce simple bout de papier m’a rapprochée de mes élèves. ❤️

Le billet du mercredi, c’est souvent une confidence : le deuil d’un animal, la maladie d’un grand-parent, une séparation, une compétition sportive…

C’est parfois une recette qui me fait découvrir les goûts d’un enfant et que je prends plaisir à essayer chez moi.

Le billet du mercredi, c’est parfois un moment très attendu pour me partager des états d’âme. C’est une chance ultime d’avoir du temps de qualité pour discuter avec un élève, de mieux le comprendre et de pouvoir intervenir adéquatement auprès de lui. C’est un rendez-vous que j’aurais probablement manqué.

Le billet du mercredi, c’est un échange précieux entre deux humains. C’est le moment où les cœurs s’ouvrent, c’est là où le temps s’arrête.

Aujourd’hui, c’était mercredi. Des mots griffonnés sur un simple bout de papier m’ont permis d’être au rendez-vous à un moment où ça comptait pour vrai. 🌟

Amis enseignants, je vous encourage à instaurer cette belle routine !

Amis parents, passez le mot aux profs de votre entourage… 💝

Le billet du mercredi, c’est magique. 🌟

Karine Lamarche

Mon sac est plein…

Ce matin, mon sac ne ferme plus. Il est plein à craquer, rempli de toutes vos moqueries, de tous vo

Ce matin, mon sac ne ferme plus. Il est plein à craquer, rempli de toutes vos moqueries, de tous vos gestes insidieux, de vos regards de dégoût.

 

Mon sac est si plein, si lourd que je peine à le mettre sur mon dos. Je n’arrive plus à supporter toute cette haine.

 

As-tu remarqué?

 

Je ne me fâche jamais. Je dis toujours oui lorsque tu me demandes un service. Je retiens la porte lorsque tu arrives derrière moi. Je me montre disponible si tu as une question.

 

As-tu remarqué?

 

Jamais je ne dis de commentaires désobligeants à l’endroit des autres. Jamais je ne me plains de ce que mes enseignants me demandent. Jamais je ne rouspète si l’un d’eux me reprend.

 

Mon sac est lourd. Je suis triste. Tout le temps. Depuis longtemps.

 

Je te demande de cesser tes taquineries, de m’accepter tel que je suis et d’apprendre à me connaître ; tu serais surpris!

 

Si tu faisais un peu plus attention à moi, je serais sans doute moins inquiet de retourner à l’école, chaque matin.

 

Si tu faisais un peu plus attention à moi, peut-être que ce chagrin immense finirait par s’estomper…

 

Qu’en dis-tu? Qu’en dites-VOUS…?

 

D’un élève qui ne demande

qu’à être aimé et surtout, compris

 

Adulte et intimidée

Vivre de l’intimidation quand on est adulte, je le vis comme si je fais un retour en arrière pend

Vivre de l’intimidation quand on est adulte, je le vis comme si je fais un retour en arrière pendant mes années de secondaire.

 

Comme dans les films.

 

Quand celle qui est ultra populaire décide de s’acharner sur une autre.

 

Ce qui est fou, c’est que quand cela t’arrive à l’âge adulte, cela fait aussi mal.

 

C’est direct dans le cœur.

 

Cela prend toute la place dans notre tête, dans nos pensées.

 

Il y a des jours où je pense presque que ce que cette personne dit ou pense est vrai.

 

L’instant d’après, monte en moi un « punisher » prêt à venger ma réputation, ma personne et toutes celles qui vivent ce genre de chose.

 

La seconde suivante, j’ai juste le goût de me rouler en boule dans mon garde-robe et de tout abandonner.

 

Abandonner tout ce pour quoi je me lève chaque matin.

 

Dans le fond, c’est juste un travail.

 

Dans le fond, je peux vivre de ma mission autrement.

 

Je me sens littéralement comme une bipolaire émotionnelle!

 

Chaque seconde diffère de l’autre et c’est juste quand je n’ai pas à croiser la « reine du bal ».

 

Si je dois la croiser, je me sens redevenir enfant et je tombe dans la peur.

 

L’instant d’après, je suis une « warrior » et rien ne peut m’atteindre.

 

Mais mon désir profond, c’est juste que cela arrête.

 

J’aurais pu choisir d’exposer tout ce que j’ai contre la « reine du bal ».

 

J’aurais pu faire parler mon « ego » et faire taire la « reine du bal ».

 

Je le sais comment faire, j’ai déjà été une « reine du bal » par le passé.

 

J’ai bien passé des journées à me demander comment faire arrêter ce cancer.

 

Cancer qui ne ronge pas que moi.

 

J’ai choisi de prendre un chemin qui n’est pas très fréquenté.

 

Quand on vit de l’intimidation, on a souvent près de nous des gens qui nous aiment et qui ne veulent que notre bien.

 

Qui veulent nous défendre bec et ongle devant l’injuste réalité qui est la nôtre.

 

Qu’est-ce que j’enseigne à mes filles si j’agis ainsi?

 

À m’abaisser au même niveau et à frapper plus fort pour dominer comme dans les films de superhéros?

 

On va rester authentiques ici : il y a toujours des suites ou des vengeances inattendues par la suite dans les films de superhéros et je n’en veux pas dans ma vie.

 

Cette tactique n’est pas pour moi, car je vais redevenir en faisant cela « une reine du bal ».

 

C’est tellement facile de devenir l’intimidé intimidateur, mais…

 

J’ai demandé à tous ces gens qui m’aiment et ne veulent que mon bien de ne rien faire.

 

Je suis folle?

 

Peut-être que seul l’avenir nous le dira!

 

J’ai choisi de rester dans l’amour.

 

Oui parce que comme j’ai déjà été une « reine du bal », je le sais que j’étais brisée en dedans à ce moment-là.

 

Je crois foncièrement que ce qui sort de notre bouche vient souvent de la manière dont on se sent intérieurement.

 

Je suis ce que je dis, pense ou ressens.

 

Sauf que quand je le dis, les autres en sont témoins.

 

J’ai déjà été si brisée que je ne souhaitais qu’une chose : ne pas être la seule à souffrir.

 

Je le sais que quand quelqu’un me dérange ou me déplaît, c’est trop souvent que c’est en moi qu’il se passe quelque chose.

 

Les autres sont des acteurs qui viennent déclencher une bombe qui est en moi.

 

Cette bombe qui me fait prendre conscience de ce que je dois travailler à l’intérieur de moi.

 

J’ai donc choisi de rester dans l’amour.

 

Je me suis mise à écrire des lettres d’amour.

 

Pas seulement à moi, mais aussi à cette personne.

 

Chaque matin, j’écris à cette personne et à moi de bons mots. Des mots remplis de bienveillance. Des mots que j’aurais aimé qu’on écrive pour moi.

 

Ce n’est pas toujours facile, j’ai parfois le goût de vider mon sac à colère, mais je me ramène à la façon dont j’ai choisi de vivre cela.

 

Car si j’ai été la « reine du bal » un jour, je sais que j’aurais eu besoin d’amour à ce moment-là et je tiens à en offrir à cette personne.

 

J’offre l’empathie dont j’aurais bien eu besoin dans le passé.

 

Aussi fou que cela puisse sembler, depuis que je fais cela, je vais beaucoup mieux!

 

Parce que ce qui est le plus important pour moi, c’est de ne plus me sentir attirée vers un tourbillon négatif.

 

Ce n’est plus important pour moi de réparer la situation.

 

Ce n’est plus important pour moi de mettre mon attention sur ce que cette personne dit ou fait contre moi.

 

Je sais que je ne suis en fait que l’actrice qui déclenche la bombe en elle ; sa façon de gérer son bout de foulard ne m’appartient pas.

 

Je ne dis pas que j’ai trouvé LA solution à l’intimidation, mais j’ai trouvé MA solution.

 

Je reste authentique à moi-même, à ce que je veux créer de ma vie, et cela passe par l’amour!

 

 

Martine Wilky

 

Harcèlement

Beaucoup de gens ont vécu différentes formes de harcèlement dans

Beaucoup de gens ont vécu différentes formes de harcèlement dans leur vie. Croyez-le ou non, moi aussi j’en ai vécu beaucoup dans le milieu militaire.

Dans les années 90, j’ai passé plus de huit ans en Ontario sur différentes bases militaires. J’ai souvent eu des supérieurs qui n’aimaient pas les francophones. Sans compter le temps du référendum… C’était difficile pour moi, car j’entendais parfois de mauvais commentaires face à cela. Je faisais partie d’une minorité linguistique.

Mais attendez un peu avant de juger, car j’ai d’excellents amis anglophones. Des amis avec qui j’ai eu beaucoup de plaisir dans le passé et encore aujourd’hui. Et chez nous, au Québec, ce n’est guère mieux. Je me rappelle lorsque je circulais dans le Vieux-Québec avec mon auto sur laquelle il y avait une plaque d’immatriculation de l’Ontario. Les gens me huaient et j’entendais les commentaires désagréables. Je me mettais à rire. On s’entend-tu que je viens de la Beauce et qu’un jarret noir, c’est pas mal québécois!

Tout ça seulement pour vous dire que lorsque vous êtes une minorité, peu importe le type de minorité, le harcèlement peut très bien prendre sa place et prendre différentes formes.

Je me rappelle très bien lorsque j’étais en Afghanistan en 2004. Je revenais de patrouille sur le camp. J’étais stressé. Les muscles crispés de mes jambes se relâchaient après une conduite en véhicule à travers la ville chaotique de Kabul. J’avais un mal intense à mes genoux. Au lieu de pouvoir décompresser de ce stress, je subissais du harcèlement de la part d’un supérieur. Et ce pendant toute la durée de la mission parce que j’étais une minorité : un commis dans une compagnie de plus de 120 hommes d’infanterie.

Tout le monde était content du service que je donnais et tous me respectaient, sauf un seul. Celui-là avait toujours des commentaires pour me rabaisser face à mon métier ou pour d’autres raisons. À un certain moment donné, je ne voulais plus sortir pour patrouiller, mais mes collègues avaient besoin de moi. Avec ceux qui partaient en congé, nous manquions de personnel sur le terrain. Une patrouille en véhicules nécessitait deux véhicules et au moins quatre hommes. Huit personnes étaient requises pour une patrouille à pied. Donc si je restais à mon bureau seulement pour y faire mon travail, mes collègues ne pouvaient pas sortir. J’ai donc pris mon mal en patience et je l’ai fait pour eux, car c’est ça, des frères d’armes : c’est fait pour s’entraider.

J’ai vécu beaucoup de difficulté face à cette mission, mais je ne suis pas prêt pour l’instant à vous en parler. Ce que je peux vous dire par contre, c’est que tout le harcèlement que j’ai subi ne m’a pas aidé. Au lieu de pouvoir décompresser une fois arrivé sur le camp, je devais subir du harcèlement de la part d’un supérieur.

Ce supérieur est venu me voir deux jours avant de prendre l’avion pour retourner au Canada. Et il m’a dit : « Écoute-moi bien, chef! J’ai deux mots à te dire. Moi dans cette armée-là, j’ai plein de chums. Si j’entends dire que tu parles de moi, je vais le savoir. M’as-tu bien compris? » Je lui ai répondu : « Oui, (grade) » (vous comprenez que je ne veux pas mentionner son grade…)

Je savais bien qu’il n’avait pas beaucoup de chums parce que personne ne l’aimait. Mais quelle satisfaction en moi quand il m’a dit cela. Il venait tout juste de reconnaître ses torts et ses fautes qu’il m’avait fait subir pendant les six mois précédents. Pour moi, c’était comme une joie, car il venait de m’avouer ses fautes en personne. Mais lui croyait m’intimider et me faire peur.

Je crois que ce qui n’a pas aidé pour mon TSPT, c’est d’avoir subi du harcèlement tout au long de ma mission. Il m’aurait été plus facile de décompresser une fois sur le camp si je n’avais pas été harcelé. Mais pour moi, ce n’était pas possible.

Et je me rappelle aussi qu’on nous demandait souvent de compléter des sondages. Puis avant de commencer, on nous disait que ce n’était pas le moment de se vider le cœur. Car nous devions répondre à des questions comme : Faites-vous confiance à votre chaine de commandement? Sinon pourquoi? En cas d’urgence, faites-vous confiance à vos supérieurs? Sinon, pourquoi? Mais tout le monde se vidait le cœur, car nous étions à bout de souffle dans cette mission. Pour moi et pour beaucoup d’autres sans aucun doute, cette mission a été un échec. Beaucoup d’entre nous ont eu des séquelles par la suite.

Je me rappelle avoir parlé à un frère d’armes qui, lui, était homme d’infanterie. Il avait beaucoup de missions à son actif, dont la Somalie, la Bosnie, le Timor, etc., et des missions très difficiles. Il m’a dit : « Carl, cette mission, c’est la pire mission de ma vie. » Pourquoi? Parce que nous n’avions pas de soutien. Tout le monde était stressé. Nous étions les premiers du Québec à aller en Afghanistan. Il y avait beaucoup de facteurs en jeu.

Finalement, je me suis rendu compte que beaucoup d’entre nous sont revenus de cette mission avec une blessure.

Carl Audet

Je suis la maman de cet enfant-là

Tu sais, le petit gars qui torture ton enfant à la récréation? Qu

Tu sais, le petit gars qui torture ton enfant à la récréation? Qui le traite de pas beau et de pas fin? Celui qui l’intimide (voilà, le mot est lâché!) et lui fait la vie dure? Celui dont tu entends parler presque tous les soirs au retour de l’école, et toujours en négatif? Ce petit gars-là, c’est le mien.

On n’est pas voisins, et heureusement, parce que je me doute que tu dois avoir le goût de venir m’engueuler. Tes griffes de maman tigresse ou de papa lion doivent te démanger. Tu dois tellement avoir le goût de me crier par la tête d’élever mon enfant! Ça doit te brûler les lèvres et les poings de me faire comprendre à quel point tu es écœuré et inquiet. Et je te comprends. Moi aussi, je suis écœurée. Et inquiète, autant pour ton enfant que pour le mien. Pour leurs enseignants, aussi, et pour tout le personnel de l’école. Eux aussi, le subissent, l’endurent, l’encadrent de leur mieux.

J’ai peur, des fois chaque jour, que tu nous colles une poursuite. Parce que mon petit bonhomme, ce ne sont pas seulement ses mots qui sont méchants. Ce sont aussi ses pieds et ses poings, qui frappent, qui lancent, qui explosent, qui brisent et déchirent, qui blessent.

Mais une chose est certaine à 3000 %, c’est que mon enfant, lui, n’est pas méchant. Pas plus que le tien qui se défend ou se soumet. Il dérape. Il disjoncte. Il est violent. Mais pas méchant. Il souffre. Autant que le tien. Mais tu as raison, c’est la souffrance du mien qui fait souffrir le tien. Si tu savais à quel point j’en suis désolée.

Si tu savais, aussi, tout ce qu’on fait pour aider notre enfant à retrouver le droit chemin, celui des jeux partagés, des journées d’école sans billet d’agir majeur, sans expulsion. Tu sais, une journée d’école normale, pendant laquelle mon enfant pourrait apprendre ses calculs et son orthographe au lieu d’être mis en contention.

Si tu savais combien de temps je passe au téléphone et sur Internet pour trouver des spécialistes qui l’évalueront, l’aideront, l’accompagneront. Qui trouveront « le bobo », celui qui déclenche tout le reste. Il est sur toutes les listes d’attente au public, sur toutes les listes d’attente au privé. Il est prioritaire, son cas est classé « urgent ». Mais. Mais, le temps doit faire son temps. Même si je le rentre en ambulance en pédopsychiatrie, les choses prennent du temps. Et du temps, je suis bien d’accord avec toi, on n’en a pas, quand des enfants souffrent. Si tu savais à quel point je m’impatiente, moi aussi, devant ce temps trop lent… Je souffre moi aussi, autant que toi.

Si tu savais combien de temps je passe jour et nuit à me casser le ciboulot pour trouver l’approche miracle, celle qui me permettrait de comprendre ce qui déclenche les crises, ce qui emprisonne mon fils dans des comportements violents répétés et toujours plus graves. Je suis en quête constante de l’intervention qui créera une brèche dans son caractère devenu aigre.

Si tu savais à quel point mon petit bonhomme est un doux, un affectueux, un comique intelligent qui n’a aucune malice. Mais tu ne peux pas le savoir : tout ce que tu entends à son sujet, c’est le sombre, le trop, le mal. J’espère que quelque part en dedans de toi, tu crois qu’il est un enfant bon mais souffrant, et que je suis un bon parent dépassé mais qui agit. Sans cesse. Et je continuerai d’agir tant que mon enfant souffrira et fera souffrir le tien, et bien au-delà. Je ne l’abandonnerai pas.

P.S. J’espère sincèrement que ton enfant reçoit l’accompagnement dont il a besoin à cause du mien, et qu’ils s’en remettront tous les deux.

Eva Staire

La poupée torturée

D’humaine, je suis passée à

D’humaine, je suis passée à poupée
On n’arrête pas de me crier dessus, me taper, m’insulter
Depuis que je déprime
Je suis une victime
Avec moi, tout le monde veut jouer
À la poupée qu’on aime torturer

Ma fille de onze ans est revenue de l’école en me récitant ce poème qu’elle a écrit pour un cours de français. En l’entendant, je me suis sentie inconfortable. L’estomac serré, le hérisson piquant dans la gorge. La puissance des images sombres : bang ! Que ma cocotte hop-la-vie écrive de tels mots m’a bouleversée : ouf…

-Qu’est-ce qui t’a inspirée ?
-L’intimidation.
Heureusement, je sais qu’elle n’en est pas victime. La dernière fois que quelqu’un a essayé de la niaiser, elle a éclaté de rire et l’histoire a été close. Même le grand jack de 6e année qui terrorisait toute l’école n’avait aucune emprise sur elle quand elle était en 2e année. Elle est la reine du « vivre et laisser vivre » (sauf avec son frère…), donc elle met facilement un mur pare-feu blindé entre ce que les autres lui projettent d’elle et ce qu’elle est.

Comme elle a une admiration sans bornes pour son enseignante, elle suit à la lettre ses conseils concernant l’intimidation : ignorer les gestes et les paroles pour éviter d’accorder de l’attention à l’intimidateur, lui montrer que ses agissements ne nous atteignent pas, utiliser l’humour, changer de sujet, s’entourer de personnes de confiance, et bien sûr s’il y a un risque ou que les agissements se poursuivent dans le temps ou empirent, dénoncer.

Mais quand même, son poème m’a fait réfléchir. Pour nos enfants, pour nos adolescents, l’intimidation fait partie de la vie. Il faut investir du temps en famille et en classe pour la prévenir, l’expliquer, la contrer, la réparer.

Dans mon temps (oui oui… dans les années 80-90…), les intimidateurs existaient. On les appelait « les petits bums » du village. Ou d’autres termes moins polis. Ils volaient ta boîte à lunch, tiraient tes couettes, te menaçaient à la sortie de l’autobus. C’est pas mal le pire que j’aie vu. Souvent, ça se réglait rapidement : une réplique qui revolait, un parent ou un surveillant qui intervenait au bon moment, parfois un coup de poing dans le ventre. On s’excusait et on repartait dans le bon sens. Final bâton. Des fois, il fallait monter le ton, faire les gros yeux, mais ça allait rarement plus loin.

Dans mon temps, les intimidés existaient aussi. Ils n’étaient pas outillés pour réagir à l’intimidation, ils ne savaient même pas ce que c’était. Et pourtant, le mot existe depuis le 16e siècle. Mais on s’entend que Rabelais ne connaissait rien aux subtilités de l’intimidation moderne qui implique souvent l’Internet et les photos douteuses. Les parents, les profs, les travailleurs sociaux : quand on se rendait compte qu’un enfant se faisait taper sur la tomate ou écœurer, tout le monde improvisait. Et il faut le dire, quand venait le temps de soigner l’estime personnelle de cet enfant et de guider l’intimidateur vers de meilleures pratiques, on nageait dans le brouillard. Et l’inaction.

Maintenant dans les écoles, même à la garderie, on parle d’intimidation. On fait signer des contrats aux élèves pour leur faire promettre de ne pas intimider et de dénoncer s’ils sont victimes ou témoins d’intimidation. Les enseignants proposent des jeux de rôle pour que les réflexes des jeunes soient plus aiguisés lorsque vient le temps de montrer de l’assurance, de se défendre, d’aller chercher de l’aide. Des conférenciers sont invités, les directions d’école investissent dans la prévention. Des plans d’action sont prévus dans les cas où une réparation est nécessaire après des comportements inadéquats. Les parents savent de plus en plus qu’ils peuvent dénoncer la violence et les menaces verbales et physiques à la police et à la DPJ dans des cas extrêmes (lire : quand la sécurité d’une personne est compromise ou que les voies prévues pour régler le problème ne donnent pas de résultats).

Tout ça n’est pas toujours suffisant. Les « petits bums » modernes font parfois un ravage qui dépasse l’entendement. Parfois, l’intimidation s’avère mortelle. Elle tue le bien-être, la motivation, le sentiment de sécurité, l’estime personnelle de la victime, et aussi de son entourage. Et si elle n’est pas résolue, elle peut tuer l’être. Point.

Si le Littré définit le fait d’intimider par « Donner de la timidité, de la crainte à quelqu’un », on comprend que de nos jours, l’intimidation est plus vaste et dangereuse qu’avant. Elle a un réel impact sur les petits humains que nous avons mis au monde, mais aussi sur les familles et les écoles, et même dans les milieux de travail. Continuons d’en parler et d’agir, pour que nos petites poupées et nos petits oursons ne se sentent plus torturés.

Nathalie Courcy

 

Et si un de mes enfants s’avérait être gai

De nos jours, quand on est parent, je pense que l’une des choses qui nous préoccupe

De nos jours, quand on est parent, je pense que l’une des choses qui nous préoccupent le plus est l’intimidation. On voudrait donc pas que notre enfant vive ça. On en vient même à espérer qu’il soit assez intelligent, mais pas trop, parce que ceux qui le sont trop sont traités de nerds et ceux qui ne le sont pas assez font rire d’eux. On souhaite aussi qu’il soit différent, mais pas trop, parce que ceux qui le sont beaucoup passent pour des weirdos pis ceux qui ne le sont pas assez ont l’air de suiveux.

Ce qu’on est en train de se dire dans ce temps-là, c’est qu’on aimerait que notre enfant soit comme les autres. Pas plus. Pas moins. On le vante à droite, à gauche pis on expose fièrement des photos de ses exploits sur les réseaux antisociaux, mais en même temps…faudrait surtout pas qu’il soit meilleur que les autres. Les parents sont souvent durs à suivre…

Le drame d’Orlando, aux États-Unis, relève aussi de l’intimidation. C’est un gars qui a décidé que d’autres ne méritaient pas le même respect que lui. Mais l’événement m’amène un questionnement important : quelle serait ma réaction si un de mes enfants s’avérait être gai? Mes aïeux (pas le groupe de musique; je parle de nos ancêtres!) ne se posaient sûrement pas cette question-là. Faut dire que dans c’temps-là, la religion réfléchissait pas mal pour eux : un homme doit se marier avec une femme pour procréer. Point final. Imaginez cette phrase-là avec de l’écho pis vous allez y croire, c’est sûr. Ben c’est justement ce genre de phrase-là qui a fait que tant d’homosexuels ont eu (et ont encore aujourd’hui) autant peur de dire à leurs parents qu’ils sont ce qu’ils sont.

Quelle serait ma réaction si un de mes enfants s’avérait être gai? Sans trop réfléchir, je répondrais que je n’aurais probablement aucune réaction; qu’il aime qui il veut, pourvu qu’il aime. Pourtant, dans le contexte actuel, j’pourrais dire que ça me ferait peur. Peur pour lui plus tard. Peur qu’il se fasse traiter de tous les noms à l’école. Qu’il revienne d’une sortie entre amis avec le nez cassé et les yeux tuméfiés parce qu’un arriéré a jugé dégueulasse de voir deux gars ou deux filles se tenir la main. Peur qu’un autre illuminé décide d’en éliminer le plus possible et s’en prenne à lui. Peur qu’il cesse de s’aimer lui-même à force de se faire dire qu’il n’a pas le droit d’aimer qui il veut. 

Mais au contraire : ce genre de peur n’a pas sa place dans les histoires de cœurs. C’est pas parce qu’une tête brulée a décidé que 49 personnes (à l’heure où j’écris ces lignes) n’ont pas choisi la bonne « façon de vivre » que cette « façon de vivre là » n’a pas sa place. Si un de mes enfants s’avérait être gai, je le couvrirais d’amour. Parce que oui, il y aura des embuches sur sa route justement à cause de qui il est; malheureusement, c’est encore comme ça. La société à beau avoir évolué un brin, il faut quand même se dire que plus tu t’éloignes des grands centres urbains plus l’homosexualité cause des malaises. Tristement, les jokes de « fifs » font fureur dans certaines régions du Québec. Mais faut faire attention : ces villageois ne sont pas nécessairement homophobes. L’homophobie c’est l’aversion des homosexuels; selon moi, dans beaucoup de cas, nous sommes plutôt en présence d’homo-ignorants. De l’ignorance parce que plus rarement en contact avec cette réalité. Tout simplement. On juge ce qu’on ne connaît pas bien. Et l’ignorance, on le sait, pousse souvent aux plus grandes conneries…réversibles ou non. Évidemment, ça n’excuse absolument rien; mais ça explique. Et ça pointe vers une possible solution : l’information et la sensibilisation. Encore et toujours.

On dit « avouer qu’on est gai » ou « annoncer qu’on est gai »… Ces expressions sous-entendent que ça prend un certain courage pour le faire. Absurde quand même… Ça ne prend pas du courage pour aimer quelqu’un…ça prend du cœur. Soyez fiers d’être homos, soyez fiers d’être hétéros; soyez fiers d’aimer et d’être aimés. Un point c’est tout.

Moi, j’espère que mes enfants comprendront bien qu’ils peuvent aimer qui ils veulent. Personne n’a le droit de leur dire qui aimer. Ou quoi aimer; tu peux être aux plantes vertes si c’est ce que tu préfères; j’m’en fous. Soit heureux, c’est tout. Les autres, ben…haïssez-vous entre vous autres pis laissez donc les autres s’aimer!

Mon histoire : Face à face avec l’intimidation

" Ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort" Combien de fois j'ai pu répéter

” Ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort”

Combien de fois j’ai pu répéter cette phrase à mon reflet dans le miroir. Étrangement, j’arrivais à me le faire croire, à me regarder dans les yeux et à me répéter que tout irait bien. Malheureusement, quand on est victime d’intimidation, les blessures sont souvent beaucoup plus profondes qu’on ne le pense. Et on ne s’en rend compte qu’en vieillissant, quand la douleur n’arrive pas à partir et que les cicatrices restent apparentes.

Je me rappellerai toujours de l’expression présente sur le visage de ma mère lorsqu’un de mes anciens professeurs l’a rencontrée et lui a dit ” Vous savez madame, je n’ai jamais compris comment votre fille faisait pour endurer tout ça. Ce n’était pas humain…”. C’était il y a une bonne dizaine d’années, après avoir vécu trois années, à l’école secondaire, qui furent un cauchemar. Trois années au cours desquelles je n’ai raconté à ma mère que des petites parties de ce que je vivais. Quand on est adolescente, on veut tout, sauf voir sa mère débarquer à l’école!

Je ne lui en ai jamais voulu de ne pas m’avoir crue à 100%. Elle, c’était une battante. Une femme de tête qui ne s’en laissait pas imposer. Moi j’étais une fille en pleine crise d’adolescence. En vieillissant, je la comprends d’avoir pensé que mes pleurs et mes histoires étaient liés à mes hormones d’ado de 13 ans qui se cherche. Je la comprends… mais ce n’était pas le cas.

Quand tu arrives au secondaire, tu t’attends à vivre une expérience un peu comme ce que tu vois dans les films. Les gangs de filles qui se tiennent ensemble, les gars sportifs… Ça, c’est ce dont tu rêves. J’étais loin de m’attendre à être celle qui allait être rejetée et humiliée dans les corridors. On ne souhaite ça à personne!

J’étais en secondaire un, une petite blonde qui vient de la campagne et qui arrive dans une école privée où plusieurs se connaissaient déjà. J’étais la proie facile. Je ne sais même pas si toutes ces personnes savaient mon nom, elles m’appelaient de toutes les façons imaginables. Tout ce qui ressemblait à mon prénom, mais qui ne l’était pas, semblait idéal à crier dans les corridors.

Je me souviens de ma phobie des escaliers en colimaçon, entre les cours. Mon nom raisonnait tellement fort et tout le monde me regardait. Je me rappelle aussi des élèves qui m’entouraient en tentant de me faire sentir mal à l’aise… et ils réussissaient. Il y avait aussi les rumeurs. Parce que des rumeurs, c’est facile. Parfois j’étais anorexique, parfois j’étais simplement folle. Ma vie fictive dépendait des ragots qu’on racontait la fin de semaine, et moi j’appréhendais le lundi matin afin de savoir ce qui m’attendait. Alors le peu d’amies que j’avais réussi à me faire se sont éloignées, de peur d’être associées à moi. J’étais maintenant seule. Seule et humiliée. Je les détestais, et je me détestais.

Tous les matins dans l’autobus, à l’approche de l’école, je sentais mon coeur qui voulait sortir de ma poitrine. Et à tous les matins en arrivant à l’école, en allant me cacher dans la salle de bain, j’étais malade. Le stress me rendait malade…

Ma mère ne l’a jamais su, mais je n’ai jamais mangé à la cafétéria de l’école. J’utilisais l’argent qu’elle me donnait afin de m’acheter des chips et des bonbons dans les machines distributrices et je me réfugiais à la bibliothèque. J’étais tellement malheureuse.

Un jour j’ai eu la brillante idée de me faire faire une permanente et de me teindre les cheveux en roux. Je voulais changer, être quelqu’un d’autre. Malheureusement pour moi, ce fut un échec. Je ressemblais à un caniche, et j’avais des broches. Ça n’a pas été long que les autres élèves se sont mis à japper après moi à chacune des fois où ils me voyaient, que ce soit à l’école, au restaurant, au centre commercial ou dans d’autres événements à l’extérieur de l’école. On me pointait constamment du doigt.

On ne peut pas vivre ça et rester la même personne. Mon comportement à la maison a commencé à changer. En fait, j’avais changé. Je n’étais que l’ombre de moi-même. Ce n’était pas facile pour ma mère et mes proches. Plus le temps avançait et plus j’étais dépressive. L’hiver, j’allais dehors et je mettais mes pieds dans la neige froide pendant 20-30-40 minutes. Je souhaitais attraper une énorme pneumonie et mourir. De cette façon, je n’aurais plus à vivre ce calvaire et mes proches ne sauraient pas que j’étais une lâche.

Un soir, alors que ma mère voulait absolument que je termine mon assiette, j’ai explosé. J’ai hurlé et pleuré. J’étais tannée et épuisée de tout. Je suis montée à l’étage et j’ai avalée tout ce qu’il y avait dans les armoires. J’en étais rendue à vouloir en finir à cause d’un spaghetti non terminé.

Pourquoi est-ce qu’aujourd’hui j’ai décidé de raconter tout ça? Parce qu’on parle beaucoup de l’intimidation, au moment où ça se passe, mais très peu des répercussions à long terme. La douleur ne s’arrête pas au moment où les intimidateurs cessent leurs gestes et leurs paroles. La personne qui a subi des mois ou même des années d’insultes reste marquée à vie. Pour moi, à l’adolescence, les répercussions se sont traduites par un besoin d’attention et une profonde recherche d’identité. J’ai développé un besoin d’atteindre la perfection, de cette façon, je ne recevais pas de critiques. J’ai aussi été affectée par l’anorexie et de la boulimie. J’ai eu un manque de confiance en moi qui, encore à l’occasion, peut refaire surface. J’ai longtemps chercher l’approbation des gens autour de moi, j’avais une peur constante de déplaire. Encore aujourd’hui, il m’arrive de parler aux gens et de me sentir à l’aise puis, une fois à la maison, de me questionner sur ce que j’ai dit. Est-ce que j’étais correcte? Est-ce que les gens n’ont pas trouvé que je prenais trop de place?… Avant de comprendre et de guérir une bonne partie de mes blessures, j’ai dû voir des psychologues, des psychothérapeutes et des hypnothérapeutes.

Vous savez, je n’ai jamais été frappée ou menacée de mort. Je n’ai pas, non plus, connu le harcèlement sur internet, puisque Facebook/Instram/Twitter n’existaient pas. Et pourtant, j’ai été intimidée. Je me suis souvent dit que si j’avais été faite plus forte mentalement, tout ça ne m’aurait pas atteinte. C’est faux. On est tous différents et on a tous notre façon de réagir. Je ne méritais pas d’être une bête de foire. Je sais que les gens qui l’ont fait, ne pensaient jamais me faire autant de torts. Pour eux, la vie a continué et s’ils lisent ce texte, ils se diront probablement que ce n’était pas si pire que ça. Mais ce l’était pour moi. Et ça, ce n’est pas discutable.

Même après avoir vécu tout ça, je vais bien! Je suis une femme d’affaires respectée et qui réussit. J’ai un conjoint et une famille que j’aime, deux magnifiques enfants qui me rappellent chaque jour le vrai sens du mot bonheur. Ces épreuves font de moi la femme que je suis aujourd’hui. Une femme avec une expérience de vie incroyable et une immense sensibilité. Suis-je plus forte à cause de ce que j’ai vécu? Je ne crois pas. Je suis simplement différente de ce que j’aurais pu être sans l’intimidation.

Pour terminer, apprenez à vos enfants que, dans la vie, il y a plusieurs façons de blesser une personne et que toutes ces façons font mal à égalité.Vous devez leurs apprendre la puissance et l’impact que les mots peuvent avoir. La violence physique n’est pas pire ou moins pire que la violence verbale. Et même si c’est épuisant et que vos enfants vous donnent des cheveux gris, écoutez-les. Peut-être que ce qu’ils vous diront sera romancé, peut-être que non. Prévenez les coups avant que la vie ne les brisent.

” Prends une feuille de papier et froisse-la ! Ça y est ? Maintenant essaie de remettre la feuille de papier comme avant, bien lisse.. tu n’y arrives pas ? Le cœur d’une personne est comme cette feuille de papier : une fois que tu lui as fait du mal, il est difficile de le retrouver comme tu l’as connu … “