Tag loin

Trop loin

Maman, j’aimerais tellement habiter plus près quand la vie t’en

Maman, j’aimerais tellement habiter plus près quand la vie t’envoie un coup dur. Je croyais que ce serait plus facile lorsque je rentrerais au Québec. Que les 650 km qui séparent le Saguenay de l’Outaouais seraient de la petite bière comparés à l’océan qui faisait barrage entre nous pendant deux ans. Mais que je sois sur un autre continent ou à la frontière de l’Ontario, c’est toujours aussi difficile. Tu m’annonces une mauvaise nouvelle et je voudrais te serrer dans mes bras… sauf que je dois me contenter d’un téléphone pour essayer de te réconforter et ça me déchire en dedans.

En plus, je sais que je possède le meilleur remède pour te remonter le moral. C’est peut-être toi qui m’as tricotée, mais je connais les aiguilles et la chaude laine de la tricoteuse! Je sais bien ce qui pourrait t’aider : tes deux petits-fils qui débordent de joie de vivre et savent nous faire oublier la souffrance le temps d’un éclat de rire. Mais je ne peux pas t’offrir ce précieux antidote aux idées noires présentement. Lui aussi, je l’ai apporté trop loin.

L’épreuve qui a frappé notre famille aujourd’hui, c’est que la vie de ta mère, ma grand-mère, s’est soudainement retrouvée menacée. Bouleversée, j’ai replongé dans le même sentiment d’impuissance qui m’avait dévastée il y a deux ans quand tu m’annonçais ta biopsie. Je m’en souviens encore comme si c’était hier…

 

Le téléphone avait sonné… Bruit insolite dans ma maison italienne. Habituellement, famille et amis nous contactaient par vidéo… On s’installait devant l’ordinateur, à heure convenue, pour retrouver nos êtres chers. Ce coup de fil surprise m’avait donc automatiquement rendue nerveuse.

Tu n’avais pas étiré le supplice inutilement et m’avais rapidement annoncé l’objet de ton appel. Suite à deux mammographies anormales, tu avais dû passer une biopsie. Tu attendais maintenant les résultats… Qu’on t’annonce si tu avais un cancer du sein ou non.

La première vague d’émotions fut si forte que je n’aurais pu prononcer un seul mot sans me mettre à pleurer. Heureusement pour moi, tu as tout de suite enchaîné avec le récit des deux dernières semaines. Tout s’était déroulé pendant mon voyage en France. Tu attendais mon retour à la maison pour ne pas gâcher mes vacances de Pâques (une vraie maman!). Mais tu savais que je serais en colère si tu me cachais plus longtemps l’attente insupportable que tu devais endurer. Ta vie avait viré boutte pour boutte en deux semaines.

Mon premier réflexe était de vouloir être près de toi. Foutu téléphone! Il y a des choses déjà tellement difficiles à dire, tu ne devrais pas avoir à les répéter. « Excuse-moi, la ligne a coupé. Tu as dit que tu croyais que c’était grave ou que ce n’était pas grave? » Et maintenant, c’était à mon tour de parler. Mais la ligne était tellement mauvaise que tu n’entendais rien de ce que je disais.

Je peux t’imaginer, dans ton salon, fixant un banc de neige gris par la fenêtre… Tu viens d’annoncer à ta fille que le cancer est revenu dans ta vie et tu n’as même pas bien compris ce qu’elle t’a répondu. J’aurais voulu que tu sentes qu’on était avec toi. Qu’on te soutiendrait autant que la première fois que ces maudites cellules atypiques étaient apparues. Du temps où on habitait dans la même ville et qu’on pouvait remplir ton congélateur de bons petits plats avant l’opération. Qu’on pouvait t’organiser un Noël de rêve pour t’entourer d’amour et te faire sourire.

Ce qui avait été un soulagement la première fois (réaliser qu’on pouvait aider par notre simple présence) était maintenant ma plus grande source d’abattement. Je devais faire le deuil de pouvoir offrir un câlin à ma mère au moment où elle en avait le plus besoin. Le soleil éblouissant de la côte méditerranéenne m’agressait. La grisaille se serait mieux accordée à mes états d’âme.

Quand les kilomètres nous séparent de nos proches et nous empêchent de traverser une épreuve ensemble, le poids de cette épreuve est cent fois plus lourd. Comment faire quand des gens si près de notre cœur vivent si loin de nous?

Pour vous laisser sur une note plus positive, je veux quand même préciser que les résultats de la biopsie, reçus quelques semaines plus tard, nous annonçaient une bonne nouvelle : pas de cancer. Ça ne change pas grand-chose à la distance entre une mère et sa fille, mais ça fait toute la différence du monde quand tu as peur de perdre ta maman.

Elizabeth Gobeil Tremblay

 

Mon premier Noël d’expatriée

C’est mon premier Noël sans tempêtes ni conditions routières à

C’est mon premier Noël sans tempêtes ni conditions routières à surveiller sur MétéoMédia. Mes temps des fêtes ont toujours ressemblé à de grands pèlerinages. J’ai grandi avec un père militaire, puis épousé un militaire (ben oui !), alors j’étais toujours celle qui était loin, celle qui devait revenir. Faire une grande tournée pour retrouver la famille et les amis que je chéris particulièrement, c’est ma tradition. Cette année, j’aurais bercé le bébé tout neuf de mon amie, rencontré l’amoureuse de mon frère, festoyé avec ma cousine, mes onze cousins et toute notre belle marmaille… Mais cette fois, je suis en Italie. Loin « pour le vrai » comme dirait Daniel Blanchette de Victoriaville dans La Guerre des tuques. Partie voir le monde, mais trop loin pour faire le tour de mon monde.

Ne me demandez pas comment s’est passée mon adaptation, j’ai encore les deux pieds dedans. Pas de perspective, pas de recul qui me permettrait de dire « tout est bien qui finit bien », aucune vue de l’ensemble de l’œuvre. Juste une fille pas si sûre qu’elle aime vraiment ça, l’expatriation. Qui se dit que ce serait peut-être le fun que ce soit déjà fini. Qui s’imaginait progresser sur un chemin palpitant et qui est surprise d’avoir plutôt l’impression de mettre sa vie sur pause. Comme si la vraie vie attendait de l’autre côté de l’océan.

Je crois que je suis surtout affectée par la fatigue. Je voulais ajouter quelques remous dans ma vie et maintenant, je l’avoue, j’en ai un peu marre que rien ne soit simple. J’aimerais ça, des fois, pouvoir me mettre sur le pilote automatique. Un cerveau n’est pas fait pour s’investir à 100 % dans chaque tâche, c’est bien trop exténuant. Il y a des bons bouts de notre journée qu’on doit pouvoir faire sans grand effort mental. Cette facilité me manque. Je voudrais pouvoir accomplir un tas de trucs sans vraiment réfléchir et garder mon énergie pour ce qui compte vraiment. Mais je vois aussi que le temps fait son œuvre. Tout est déjà plus évident qu’il y a six mois. Et dans quelque temps, nous serons encore plus confortables avec notre terre d’accueil.

Notre premier Noël en Italie sera donc une autre étape de cette grande aventure. Un mélange de traditions familiales et de nouvelles expériences. Nous avons sorti notre calendrier de l’avent (les enfants attendaient leurs petits privilèges avec impatience) et notre CD de Toupie et Binou (qui peut résister à la « douce voix de miel » de Marc Labrèche qui chante Noël ?) Le sapin est décoré et nos desserts préférés cuisinés. Au lieu de prendre la route pour rejoindre notre famille, nous prévoyons célébrer avec nos nouveaux amis en Italie. Profiter des vacances pour voyager en Sicile et dormir à Alberobello, dans une curieuse maison de gnome. Admirer, de notre terrasse, les feux d’artifice du Nouvel An et rêver d’une année 2018 merveilleuse où nous aurons dompté les vagues et retrouvé notre équilibre.

Elizabeth Gobeil Tremblay