Les valeurs à la bonne place
Je suis fière de ma fille. Je suis tout le temps fière de mes enfa
Je suis fière de ma fille. Je suis tout le temps fière de mes enfants, mais là, je suis encore plus fière. Ma fille aînée a les valeurs à la bonne place et elle est capable de défendre ses convictions. Je vous explique.
Ma Peanut est dans un programme spécialisé en arts au secondaire. Elle tripe sur l’art, elle en mange, elle en rêve. Elle veut devenir prof d’arts au cégep et fait tout pour y parvenir. Elle consacre 80 % de son temps d’éveil à la pratique artistique. En congé, ça monte à 98 %. C’est à se demander si elle n’apporte pas ses pinceaux dans la douche.
Depuis quelques semaines, elle travaille sur un projet d’arts pour un cours : un calligramme, c’est-à-dire qu’elle utilise les mots et diverses calligraphies pour créer une image. Elle avait choisi de représenter une de ses chanteuses préférées. Elle a traduit les paroles d’une chanson, pratiqué différentes calligraphies, dessiné les esquisses, fait les calques… Bref, elle y a mis des heures et des heures, est même allée aux périodes de récupération en arts pour améliorer le produit fini.
Elle en était à la dernière étape du projet quand une bombe lui est tombée sur le cœur. Un peu par hasard, elle a appris que la chanteuse qui lui servait de modèle (pour son projet et dans sa vie) était accusée d’avoir violé une autre chanteuse dans le passé.
On avait déjà discuté de la vague de dénonciations qui ramasse plusieurs personnalités publiques dans le tsunami #MoiAussi. Mais elle ne connaissait pas vraiment les personnes dont il était question. Là, ça la touchait en plein cœur, dans son âme de jeune adolescente qui admire une vedette et qui écoute ses chansons vingt heures par jour, qui lit tout sur elle et qui la place au centre de ses conversations avec ses copines et ses parents.
Quand elle a su, elle a pleuré. Beaucoup. Elle a confronté la nouvelle de la dénonciation avec d’autres sources. Toutes rapportaient la même histoire. La chanteuse elle-même ne niait pas le geste même si elle en minimisait l’impact. Ma fille a discuté avec sa meilleure amie, tout aussi admiratrice et donc, tout aussi choquée. Elles ont failli effacer tous ses albums de leurs appareils électroniques, mais elles se sont retenues. « On se donne quelques jours pour y penser. » La distinction entre l’œuvre produite par un artiste, la personne elle-même et les actions d’une personne peut être difficile à faire, même pour un adulte.
Puis, ma belle Peanut m’a annoncé qu’elle ne pouvait pas continuer le calligramme représentant cette chanteuse. Qu’elle refusait d’exposer ce projet au vernissage de fin d’année. Qu’elle ne pouvait pas contribuer à faire connaître quelqu’un qui avait abusé d’une autre personne. Elle a pris l’initiative de contacter son enseignante, lui a expliqué la situation, a demandé la permission de refaire le travail au complet.
En fin de semaine, ma Peanut passera encore plus d’heures que d’habitude à pratiquer son talent artistique. Elle traduira la chanson d’un autre chanteur (en gardant en tête que l’image projetée par les personnes [connues ou non] n’est qu’une partie de la réalité). Elle dessinera des esquisses, fera les calques. Elle s’assurera de pouvoir remettre son projet d’arts dans les délais prévus au départ. Et elle sera fière, parce qu’elle aura su défendre ses valeurs et ses convictions.
Bravo, ma Peanut ! Tu es un modèle à suivre.
Nathalie Courcy