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À toi, mon papa monoparental

Je t’ai rencontré par pur hasard. Tu étais dans une situation se

Je t’ai rencontré par pur hasard. Tu étais dans une situation semblable à la mienne. Une âme un peu perdue, en questionnement, en adaptation. Un moment de ta vie marquant, bouleversant venait de se produire, tout comme pour moi. Nous avons commencé à nous voir, nous parler. J’ai découvert en toi quelque chose d’inattendu, mais en même temps, de tellement espéré.

Nous apprenions à nous connaître tout en vivant respectivement, chacun de son côté, notre déception vis-à-vis notre séparation, notre échec de cette idée parfaite que nous avions d’une famille unie.

Nous nous sommes épaulés, rassurés. Nous avons pleuré ensemble. Nous avons partagé nos peines, nos joies et nos inquiétudes.

Je me suis dit à ce moment-là que rien n’arrive pour rien et que si nous devions seulement être que de passage dans la vie l’un de l’autre, ce passage ne serait que bénéfique pour nous deux.

Mais, ce n’est pas ce qui s’est produit. Nous n’avons pas été que de passage… Nous y sommes encore aujourd’hui. Nous sommes tombés amoureux à une vitesse impressionnante.

Certains diront que la rapidité avec laquelle nous avons foncé à vive allure dans cette relation était trop intense… trop rapide… trop ci… trop cela… Ça t’a blessé, toi qui ne veux tellement pas décevoir les gens autour de toi. À ces personnes, je leur souhaite de rencontrer quelqu’un d’aussi merveilleux que toi. Ainsi, elles me comprendront.

Je me souviens exactement du moment où je me suis avoué que j’étais totalement sous ton charme. Le moment où j’ai compris que tu allais tôt ou tard faire partie de ma vie et de celle de mon enfant.

Tu riais avec ta fille malgré les moments difficiles que tu vivais. Tu l’enlaçais dans tes bras en lui disant à quel point tu l’aimais. C’était beau, c’était rassurant. Peut-être que personne ne te l’a jamais dit, mais ces moments que tu prends pour lui dire à quel point tu l’aimes et qu’elle est importante pour toi auront un impact important dans son futur.

Je te vois agir avec elle comme père et je suis fière de toi. Je sais que ce n’est pas évident pour toi de jouer le rôle du papa monoparental. J’ai vécu tes doutes avec toi, mais crois-moi, ta fille ne manque de rien avec toi. Elle est plus que bien et, malgré que parfois, tu peux te sentir inquiet dans ce rôle de père, tu fais un travail remarquable.

La façon dont tu agis avec elle et avec les gens qui t’entourent me fascine. Ta sensibilité, ton écoute, ton respect, ta douceur… ces qualités ne font qu’augmenter la gratitude que j’ai envers la vie, d’avoir mis un homme aussi admirable sur mon chemin.

Nous avons vécu des émotions indescriptibles ensemble depuis notre rencontre. Nous avons eu des doutes, des émotions à la tonne, des frustrations.

Je peux dire que de nous voir ensemble aujourd’hui me rend fière. On ne s’est pas laissé impressionner. On y a cru.

Je te remercie d’être toujours là, à mes côtés.

Je t’admire d’être un aussi bon ami pour ma fille.

Je t’acclame d’avoir accepté que le père de ma fille et moi soyons amis et en bons termes pour notre fille. Ce n’est pas tout le monde qui aurait la capacité de vivre avec cette chimie entre « ex ».

Je te dis de rester qui tu es même si parfois, ton insécurité crée des doutes sur ta façon d’être et d’agir.

Crois-moi, tu es tout simplement unique.

Et je souhaite que chaque père monoparental aussi merveilleux que toi, malgré les inquiétudes et les doutes, continue de croire qu’il est capable de faire briller les yeux de son enfant, et ce, chaque jour.

Isabelle Nadeau

 

Le premier jour où je t’ai haï

Quand t'es parti, j'ai su que t'allais jamais revenir. Je le voyais

Quand t’es parti, j’ai su que t’allais jamais revenir. Je le voyais dans ton regard, je le sentais dans tes gestes. Je le savais, mais j’ai étouffé ce sentiment parce que Mia n’avait pas besoin d’une maman triste. Elle avait besoin d’une maman forte qui allait veiller sur elle. Le cœur en mille miettes, je te regardais embrasser ta fille pour la première et la dernière fois. C’était le 23 septembre 2012, on revenait du CLSC. J’avais les seins scraps, des montées de lait interminables et un début de baby blues. “Je règle mes choses et je reviens” que tu m’as dit avant de monter dans ton camion. Ce matin-là, quand t’as refermé la porte, je t’aimais encore.

Une, deux, trois, quatre semaines sans nouvelle. Je t’ai attendu, mais t’es jamais revenu. Disparu dans la brume. En t’attendant, je suis allée en ostéopathie pour traiter le nerf coincé dans le cou de Mia, toute seule. En t’attendant, je suis allée chez l’acuponcteur pour traiter ses reflux gastriques, toute seule. En t’attendant, j’ai « moppé et lavé du régurgi» à tous les soirs pendant des semaines, toute seule. En t’attendant, je me suis réveillée toutes les nuits, j’ai essayé de soulager ses coliques, ses maux de dents et sa petite plaque d’eczéma qu’elle a sur la cuisse, toute seule. En t’attendant, j’ai magasiné des garderies, fait des purées maison, je l’ai bercée tous les soirs avant de la coucher dans son lit. Toujours toute seule. En t’attendant, j’étais seule. J’étais triste, épuisée, des fois découragée, mais je ne te haïssais pas.

Pendant 2 ans, je t’ai envoyé des photos presque tous les jours. J’ai attendu que tu répondes. J’ai attendu que tu vois ton regard dans le sien, attendu que tu reconnaisses ta chair dans la sienne. Attendu que tu sois prêt à la voir, prêt à te souvenir que tu voulais ce bébé et que tu étais heureux d’annoncer son arrivée. Toutes les nuits, je regardais mes courriels en espérant un signe de vie. Cette année, un peu avant sa fête, je t’ai envoyé des photos “postmaster notice“, ton courriel ne marche plus. J’ai perdu le seul lien qui pouvait te connecter avec elle. Ça m’a rendue triste, mais je ne t’en ai pas voulu.

Au fil des mois, j’ai apprivoisé ma solitude. Je ne voulais pas éprouver d’amertume ou du ressentiment pour toi. Malgré les obstacles, les problèmes financiers, la fatigue et des fois le découragement, j’ai toujours misé sur le beau. Je me rappelais qu’elle était mon choix aussi et j’avançais, forte. Forte pour nous deux.

Un après midi, en allant chercher Mia à la pré-maternelle, l’éducatrice m’a dit que son langage était sous les acquis, que ça pouvait mettre en danger son intégration à la maternelle. C’est peut-être des mots qu’elle utilise souvent et c’est loin d’être un verdict de cancer, mais moi, ça m’est rentré dedans. La goutte qui a fait déborder mon vase. Je descendais le long escalier recouvert de tapis brun et mon cerveau a “shuttdowné”. Comme un vieux disque égratigné, j’entendais sa voix en écho sous les acquis. Ce jour-là, c’est la petite main chaude et collante de ta fille qui m’a empêchée de tomber. “Maman, maman, c’est moi qui ouvre la porte !” qu’elle m’a dit en souriant. « Ok, Mia, c’est toi.».

Dans l’auto, elle me parlait sous les acquis. À la maison, on a joué aux pouliches, on a soupé et on a pris un bain, sous les acquis. On s’est bercées, on a chanté À la claire fontaine et on s’est collées, sous les acquis. Je l’ai couchée dans son lit. Je l’ai embrassée et je suis sortie de la chambre. Sous les acquis. “Maman, je t’aime gros comme toute la vie”. “Moi aussi mon amour… gros comme toute la vie.”

J’arrivais plus à respirer. J’ai marché jusqu’à la salle de bain. J’ai fermé la porte et je me suis effondrée. Toute seule. J’ai pleuré toutes les larmes que je n’ai pas pleurées en quatre ans. En silence. Et je t’ai haï. Crisse que je t’ai haï. Pour toutes les nausées que j’ai eues, les échographies que t’as pas vues, pour ma grossesse de marde, pour l’oisiveté, la fébrilité que ton départ m’a enlevées. Je t’ai haï pour toutes les nuits d’insomnie, pour tous les soucis que je ne peux partager avec toi, son “autre parent”. Je t’ai haï parce qu’on devait faire ça ensemble. À cet instant-là, même vide de larmes, j’ai continué de t’haïr parce que j’allais encore vivre ça toute seule. Osti que je t’ai haï.

En petit bonhomme, le cul collé sur ma céramique passée date, j’ai braillé quatre ans de peines, de déceptions, de tristesse, de solitude, de détresse pis je t’ai haï. Un moment donné, j’ai eu mal aux fesses feque je me suis relevée. J’ai constaté les dommages dans le miroir : paupières bouffies, petites veines pétées dans les yeux, rides du front plus profondes et petit duvet de moustache (mais ça, c’est une autre histoire!). Je me suis aspergée d’eau glacée, j’ai fermé la lumière et je suis allée dans le salon. J’ai pris mon IPhone et j’ai tapé “orthophoniste Rive-Sud de Montréal”. Il était 22h00. J’ai laissé quatre ou cinq messages et je suis allée me coucher. Épuisée, je ne t’haïssais  plus, j’avais eu ma dose pour l’année. À 22h45, je suis passée à autre chose.

Parce que, tu sais, c’est ça qu’ils font les parents qui élèvent seuls leurs enfants : ils passent à autre chose. Ils se cachent dans la salle de bain, dans le lit sous les couvertures, dans le noir de leur char, dans un parking désert pis, tout seul, ils braillent leur trop plein. Une fois la tempête passée, ils sèchent leurs larmes, ils prennent une grande respiration et reviennent en souriant. Le soir venu, ils embrassent leur enfant, se font un plan de match pis ils s’en vont se coucher. Seuls. Pis les jours où ça va mal ou qu’ils sont trop fatigués, ils prennent dans leur main une petite main chaude et collante et ils continuent d’avancer.