De camps et d’amitiés – Texte : Nathalie Courcy

Au moment où plusieurs enfants amorcent leur été de camps de jour, je me revois, à neuf ans, dé

Au moment où plusieurs enfants amorcent leur été de camps de jour, je me revois, à neuf ans, débarquer dans mon premier camp. Un an après le décès de mon papa, ma maman prenait enfin une pause tout en nous permettant de vivre de magnifiques aventures en toute sécurité. Elle m’amenait dans un camp en pleine campagne, parfait paradis d’amitiés à naître et d’anecdotes à raconter.

Je revois mon bagage déposé sur le lit au milieu de plein d’autres lits. Je me souviens même de la gigue sonore des maringouins dans mes oreilles quand j’essayais de dormir. Et de la fois où je suis débarquée dans le dortoir des garçons parce que je m’étais perdue en revenant des toilettes dans le noir (il y a des choses qui ne changent pas, je suis encore pourrie en orientation, mais j’essaie d’éviter les toilettes des gars…)

Je ne partais qu’une semaine et pourtant, j’avais apporté du papier à lettres et des enveloppes préadressées. Un timbre de 32 sous collé au coin droit. Oui, le coût de la vie a pas mal augmenté depuis ! Et que dire des méthodes de communication… même si j’ose avouer que j’ai encore quelques correspondants traditionnels même en 2021 !

C’était une colonie de vacances axée sur le plein air, l’amitié, les bricolages, les chansons à répondre et les histoires de feux de camp. Rien de bien original, me direz-vous. Que de souvenirs j’y ai construits ! Que de nouvelles aptitudes j’y ai développées ! Rabaska, tir à l’arc, tir à la carabine, javelot, improvisation, équitation…

Mais j’y ai aussi découvert que les valeurs catholiques qui y étaient enseignées (ben oui ! Ça existait et ça existe encore, des camps à vocation religieuse, et je ne suis pas devenue crack pot pour autant) se mariaient à merveille avec les valeurs autochtones qui y étaient aussi mises de l’avant.

Au début du camp, les campeurs recevaient un bracelet sur lequel leurs bons comportements allaient permettre d’ajouter quatre billes :

P pour politesse

O pour obéissance

F pour franchise

S pour service.

On nous encourageait à être de bons petits POFS, bref, de bons citoyens. Je n’ai jamais réussi à avoir les quatre billes malgré mes quelques étés au camp (ça devait accrocher dans le coin du O…) et j’en suis encore bien déçue, mais j’ai appris qu’on avait le choix de bien ou de mal agir, et aussi qu’on n’était pas obligés d’être parfaits. C’est un pas pire apprentissage, à un si jeune âge !

Chaque été, des membres de la nation abénaquise d’Odanak, près de Nicolet, nous rendaient visite à quelques reprises. Nous dansions avec eux, nous écoutions les histoires de leur communauté, nous buvions leurs paroles, nous admirions leurs habits et goûtions à leur nourriture traditionnelle. Certains enfants de la réserve étaient aussi campeurs. Je ne me souviens plus, parmi mes amis, qui était Amérindien et qui ne l’était pas. Tout le monde était « pareil », dans le sens où tout le monde était différent sans qu’on en fasse de cas. Entre l’ami de Saint-François-du-Lac, l’ami d’Odanak et moi qui venais de Saint-Grégoire, il n’y avait pas de différences : on était tous là pour jouer, apprendre et manger des guimauves sur le feu.

Les Abénaquis qui participaient aux activités du camp n’étaient pas des artefacts de musées. Ils étaient des humains qui apportaient beaucoup à notre expérience. À neuf ans, c’était la première fois que je rencontrais des Autochtones, bien que j’aie moi-même des origines lointaines enracinées dans les Premières Nations. Dès l’année suivante, ils faisaient partie de notre vie, de notre quotidien de camp. Ils nous nourrissaient l’âme et l’esprit comme la cuisinière de la cafétéria nous nourrissait l’estomac.

Je n’ai jamais reçu toutes mes billes de POFS, mais chaque année, j’ai accumulé des souvenirs de camps. J’en garde la conviction que la cohabitation, l’ouverture du cœur et de l’esprit et le respect commencent tôt. Mélangeons-nous avec d’autres, intéressons-nous aux histoires des autres, partageons notre quotidien et nos repas : c’est le meilleur moyen de faire disparaître les différences et apparaître la diversité.

Nathalie Courcy